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L'Assemblée nationale s'apprête à voter mardi le projet de loi d'augmentation des moyens de la Justice d'Eric Dupond-Moretti, qui pourra compter sur le soutien de la droite après avoir concédé l'ajout de 3.000 places de prison au plan déjà prévu.
Le vote solennel en première lecture aura lieu en fin d'après-midi. Après le large feu vert du Sénat mi-juin, les députés LR soutiendront le texte dans "leur très grande majorité", a annoncé le chef du groupe Olivier Marleix.
"On a obtenu satisfaction" avec les "3.000 places de prison supplémentaires. Cela n'enlève rien à la nécessité d'avoir demain des textes de pure politique pénale plus ferme, mais c'est une condition", a-t-il ajouté.
Ce projet de loi de programmation poursuivra à la rentrée son chemin parlementaire en commission mixte paritaire, où députés et sénateurs tenteront d'établir un texte de compromis.
Le gouvernement promet un budget de la Justice de près de 11 milliards d'euros en 2027, contre 9,6 aujourd'hui, et l'embauche en cinq ans de 10.000 personnes, dont 1.500 magistrats et 1.500 greffiers.
Plutôt consensuel, ce projet de loi a pris un tour plus polémique au Palais Bourbon, dans le contexte des émeutes qui ont secoué la France, après la mort du jeune Nahel tué par un tir policier.
Les Républicains ont affiché de plus belle leur fermeté sur les sujets régaliens, et conditionné le vote de cette loi à l'augmentation du nombre de places de prison, outre les 15.000 places de plus déjà prévues par le gouvernement.
"Chiche", a fini par répondre la majorité présidentielle, en soutenant un amendement du chef du parti LR Eric Ciotti.
L'objectif - un total de 78.000 places en 2027 - paraît fort ambitieux au vu des difficultés pour construire de nouveaux lieux de détention. Selon la Chancellerie, 4.300 places seront opérationnelles fin 2023.
Le ministre de la Justice a lancé à ce sujet "un appel solennel, républicain, afin que localement cessent les tentatives d'entrave" à la construction de centres de détention. Chez les élus, c'est toujours "la prison oui, mais ailleurs", a pointé Eric Dupond-Moretti.
La gauche dénonce pour sa part "une obsession du tout carcéral".
- "Lider Maximo" -
Les émeutes ont relégué au second plan un sujet pourtant sensible du projet de loi: la possibilité d'activer à distance des téléphones portables "mouchards" dans certaines enquêtes.
Le texte prévoit notamment de pouvoir filmer ou enregistrer à leur insu, grâce à leurs appareils connectés (téléphones, ordinateurs...), des personnes visées par des enquêtes pour terrorisme, grande délinquance et criminalité organisée. Cela concerne des "dizaines d'affaires par an". "On est loin du totalitarisme de +1984+", le roman de George Orwell, assure Eric Dupond-Moretti, ancien avocat pénaliste.
La technique est déjà utilisée par les services de renseignement, et sans l'approbation d'un juge, qui sera, ici, indispensable, martèle le garde des Sceaux. Elle sera en outre interdite pour certaines professions: magistrats, avocats, parlementaires, journalistes, médecins.
Mais la gauche et des défenseurs des libertés publiques s'alarment d'une "pente très dangereuse", une "intrusion dans la vie privée", voire une "dérive autoritaire".
Le sujet, comme d'autres, a donné lieu à des passes d'armes électriques entre les Insoumis et le ministre de la Justice.
Après les émeutes, Eric Dupond-Moretti a rebaptisé à plusieurs reprises LFI "La France incendiaire", un terme également utilisé par l'extrême droite. Et il critique volontiers celui qu'il appelle le "Lider Maximo" des Insoumis, Jean-Luc Mélenchon.
Aux yeux du camp présidentiel, le ministre a plutôt marqué des points depuis fin juin. "La réponse judiciaire aux émeutes, ça a été tout de suite. Paf, paf, paf, tu voles une canette de Red Bull, dix mois… Il sort renforcé. Il en avait besoin", avant le remaniement gouvernemental, estime-t-on au sein du groupe Renaissance.
Sur le terrain, le garde des Sceaux doit faire face à la colère des greffiers, qui réclament davantage de considération et de reconnaissance. Jeudi, il a souligné qu'un "accord de principe" a été signé avec les organisations syndicales pour cadrer les négociations sur les rémunérations et le statut prévues jusqu'en octobre.
"Il me semble qu'à partir du moment où on négocie, on n'est plus dans le conflit", a-t-il affirmé. Le projet de loi entérine l'embauche de 1.500 greffiers en cinq ans.
E.Schneyder--NZN