Zürcher Nachrichten - En Russie, la lumière d'une bibliothèque George-Orwell brille encore

EUR -
AED 4.096947
AFN 75.847994
ALL 99.438993
AMD 432.06613
ANG 2.01094
AOA 1040.125232
ARS 1077.223633
AUD 1.624012
AWG 2.007742
AZN 1.896804
BAM 1.961007
BBD 2.252883
BDT 133.334068
BGN 1.95655
BHD 0.420389
BIF 3229.117648
BMD 1.115412
BND 1.437918
BOB 7.710475
BRL 6.091379
BSD 1.115763
BTN 93.34608
BWP 14.661935
BYN 3.651497
BYR 21862.074574
BZD 2.249072
CAD 1.502638
CDF 3201.232428
CHF 0.943031
CLF 0.037064
CLP 1022.866404
CNY 7.843463
CNH 7.830248
COP 4626.226908
CRC 579.238163
CUC 1.115412
CUP 29.558417
CVE 110.982887
CZK 25.106794
DJF 198.687613
DKK 7.45608
DOP 67.20352
DZD 147.662371
EGP 54.325467
ERN 16.73118
ETB 133.570688
FJD 2.441855
FKP 0.849452
GBP 0.832861
GEL 3.028349
GGP 0.849452
GHS 17.545592
GIP 0.849452
GMD 76.963261
GNF 9620.427942
GTQ 8.624903
GYD 233.439898
HKD 8.683231
HNL 27.718595
HRK 7.583698
HTG 147.451556
HUF 394.557467
IDR 16907.414612
ILS 4.189989
IMP 0.849452
INR 93.261936
IQD 1461.189678
IRR 46964.421174
ISK 151.328165
JEP 0.849452
JMD 176.077573
JOD 0.790374
JPY 160.278568
KES 143.888742
KGS 93.942446
KHR 4543.072727
KMF 493.848765
KPW 1003.870139
KRW 1483.464527
KWD 0.34029
KYD 0.929869
KZT 535.12101
LAK 24633.873076
LBP 99885.141274
LKR 338.077763
LRD 216.696658
LSL 19.341003
LTL 3.293521
LVL 0.674702
LYD 5.29779
MAD 10.822282
MDL 19.475718
MGA 5075.124706
MKD 61.546628
MMK 3622.814563
MNT 3790.169817
MOP 8.947761
MRU 44.280874
MUR 51.164002
MVR 17.121242
MWK 1935.239997
MXN 21.550339
MYR 4.688024
MZN 71.246914
NAD 19.363185
NGN 1804.747839
NIO 41.030407
NOK 11.630646
NPR 149.353607
NZD 1.764213
OMR 0.429394
PAB 1.115763
PEN 4.206245
PGK 4.428717
PHP 62.49263
PKR 309.945049
PLN 4.259814
PYG 8684.060457
QAR 4.060936
RON 4.976079
RSD 117.104829
RUB 103.571146
RWF 1496.882861
SAR 4.184757
SBD 9.257168
SCR 14.982224
SDG 670.922778
SEK 11.29059
SGD 1.434201
SHP 0.849452
SLE 25.484155
SLL 23389.625529
SOS 636.899985
SRD 33.948124
STD 23086.775731
SVC 9.762925
SYP 2802.505961
SZL 19.363334
THB 36.46393
TJS 11.860696
TMT 3.915096
TND 3.396151
TOP 2.612402
TRY 38.070156
TTD 7.592161
TWD 35.590005
TZS 3046.190144
UAH 46.10052
UGX 4127.961771
USD 1.115412
UYU 46.523543
UZS 14232.656817
VEF 4040638.451829
VES 41.005149
VND 27444.711474
VUV 132.42395
WST 3.120323
XAF 657.703527
XAG 0.035383
XAU 0.000422
XCD 3.014456
XDR 0.825392
XOF 658.653597
XPF 119.331742
YER 279.243396
ZAR 19.32734
ZMK 10040.045301
ZMW 29.595591
ZWL 359.162199
  • AEX

    3.7000

    907.16

    +0.41%

  • BEL20

    14.3900

    4247.08

    +0.34%

  • PX1

    96.1000

    7604.01

    +1.28%

  • ISEQ

    47.6200

    9969.33

    +0.48%

  • OSEBX

    0.0000

    1412.36

    0%

  • PSI20

    26.9500

    6764.46

    +0.4%

  • ENTEC

    -5.8300

    1416.23

    -0.41%

  • BIOTK

    -55.5700

    2516.99

    -2.16%

  • N150

    14.6300

    3338.95

    +0.44%

En Russie, la lumière d'une bibliothèque George-Orwell brille encore
En Russie, la lumière d'une bibliothèque George-Orwell brille encore / Photo: Natalia KOLESNIKOVA - AFP

En Russie, la lumière d'une bibliothèque George-Orwell brille encore

Sur les étagères de la bibliothèque, la vieille dame saisit des livres dont elle connaît naturellement la place. Orwell, Sorokine, Dostoïevski. Des auteurs qui, pour elle, aident à percer les ténèbres de la Russie contemporaine.

Taille du texte:

Dans la pièce, un ordinateur, quelques centaines de livres et une odeur d'huile parfumée, celle que porte Alexandra Karasseva, la responsable de la bibliothèque George-Orwell d'Ivanovo, une ville industrielle à cinq heures de route de Moscou.

En manipulant les ouvrages, Mme Karasseva, 67 ans, disserte sur leur pouvoir : "Les livres servent à voir l'Homme, même dans l'ennemi, et à rejeter toute forme de déshumanisation."

Un entrepreneur local et opposant au conflit en Ukraine, Dmitri Siline, a ouvert les lieux en juillet 2022 avec l'idée de fournir gratuitement des outils de réflexion pour lutter contre la propagande, la censure et le climat de manipulation ambiant.

Comme tant d'autres, il a fui la Russie peu après, par crainte de finir en prison pour ses prises de position. Mais sa petite bibliothèque, située au rez-de-chaussée d'un bâtiment aux murs et à la toiture défoncés, continue d'exister.

Mme Karasseva présente la collection : des dystopies, des ouvrages sur le goulag, des écrivains contemporains critiques du Kremlin, des manuels soviétiques d'éducation politique et des romans plus légers pour "s'aérer l'esprit".

Aucun de ces livres n'est interdit. Ils peuvent donc être proposés aux lecteurs, même si, en librairie, ceux rédigés par des personnes cataloguées "agents de l'étranger" doivent être vendus dans des emballages cachant leur couverture.

Légalement, Mme Karasseva a aussi toujours le droit d'apporter ses éclairages. "Plus vous lisez de dystopies", dit-elle. "Plus vous avez de liberté : elles vous montrent les dangers, les moyens de les éviter, d'y résister."

- "Oublier la peur" -

La bibliothécaire, col roulé et épaisses lunettes sur le nez, est un puits de science à la prononciation rendue moelleuse par une dentition abîmée. Sa frange blonde lui tombe sans cesse sur les yeux.

Elle parle du chef-d'oeuvre d'Orwell, 1984, qui décrit la tentative de résistance d'un employé du "ministère de la Vérité" dans une dictature extrêmement intelligente dans sa capacité à soumettre et lobotomiser les individus.

Elle évoque l’autodestruction révolutionnaire dans les Démons de Dostoïevski, les dystopies explosives du Russe Vladimir Sorokine, l'antiracisme de l'Américaine Harper Lee, le cri d'humanité de l'Allemand Erich Maria Remarque...

Mme Karasseva indique être une historienne à la retraite, spécialiste de la Rome antique, en particulier "du passage de la République à la dictature".

Puis, sans crier gare, elle partage son analyse du film Barbie ("plus profond qu'il n'y paraît"). Le long-métrage américain a récemment été projeté dans l'unique salle de réunion de la bibliothèque.

Le souriant Dmitri Chestopalov, 18 ans, y était. Ce militant du parti d'opposition Iabloko -- formation opprimée, affaiblie, mais encore légale -- se rend à la bibliothèque pour regarder des films et retrouver d'autres jeunes.

"Ici, on peut grandir, malgré tout ce qui se passe dans notre pays. On peut oublier cette peur, se sentir plus libre, ressentir du confort, sentir qu'on n'est pas seul dans ce système énorme qui nous dévore."

L'avocate Anastassia Roudenko, 41 ans, qui a cofondé la bibliothèque, observe en Russie des "signes" du totalitarisme décrit dans 1984. D'abord, elle ressent cette "peur qui enchaîne".

Ensuite, elle est frappée par la pertinence d'un slogan du livre, "L'IGNORANCE, C'EST LA FORCE", car, d'après elle, les Russes qui "n'essayent pas de comprendre ce qui se passe vivent très bien".

- Amour et dissonance -

Sur la place centrale d'Ivanovo, près d'une plaque à la mémoire de personnes tuées par le pouvoir tsariste lors d'une manifestation antiguerre en 1915, Anastassia Roudenko se livre sur sa "tragédie personnelle", le visage balayé par un vent glacial.

Son frère et son mari, officiers de carrière dans l'armée russe, participent à "l'opération militaire spéciale", l'euphémisme imposé par le Kremlin pour qualifier son attaque contre l'Ukraine.

Elle ne peut s'étendre sur le sujet. La moindre déclaration sensible pourrait valoir une sanction, voire une peine d'emprisonnement. Être avocate ou femme de militaire ne la protège pas.

En juin 2023, la justice l'a condamnée à une amende pour "discrédit" de l'armée en se basant, comme souvent, sur une expertise fumeuse invoquant des messages sur Telegram où elle disait avoir vu un documentaire sur l'opposant Alexeï Navalny.

Son époux a pu venir à l'audience pour la soutenir.

D'origine ukrainienne par son père, Anastassia Roudenko, une femme rieuse et pleine d'énergie, se met soudainement à pleurer quand elle évoque "l'énorme douleur" d'être impuissante face à la guerre déclenchée par Vladimir Poutine.

Mais, elle aime son mari "sans doute encore plus" depuis qu'il est parti combattre. Et à ceux qui la jugeraient pour cette dissonance et se demanderaient pourquoi ils sont toujours ensemble, elle répond : "Et vous, vous auriez fait quoi ?"

F.Carpenteri--NZN