Zürcher Nachrichten - Marcel, migrant du Venezuela aux Etats-Unis, une odyssée

EUR -
AED 4.084199
AFN 76.174952
ALL 99.079119
AMD 431.250862
ANG 2.002588
AOA 1032.449338
ARS 1073.331397
AUD 1.624719
AWG 2.004303
AZN 1.892653
BAM 1.955497
BBD 2.243482
BDT 132.781185
BGN 1.955149
BHD 0.41905
BIF 3218.004815
BMD 1.111957
BND 1.434877
BOB 7.695256
BRL 6.15446
BSD 1.111143
BTN 92.821495
BWP 14.630585
BYN 3.635948
BYR 21794.365712
BZD 2.239783
CAD 1.500854
CDF 3191.318194
CHF 0.941722
CLF 0.037188
CLP 1026.181731
CNY 7.840741
CNH 7.848768
COP 4627.688852
CRC 576.239075
CUC 1.111957
CUP 29.466872
CVE 110.361506
CZK 25.134725
DJF 197.617488
DKK 7.459022
DOP 66.995107
DZD 147.421291
EGP 54.106293
ERN 16.679362
ETB 130.663368
FJD 2.440192
FKP 0.846821
GBP 0.833229
GEL 3.035615
GGP 0.846821
GHS 17.458381
GIP 0.846821
GMD 76.724884
GNF 9621.213534
GTQ 8.594782
GYD 232.476466
HKD 8.657406
HNL 27.743449
HRK 7.560211
HTG 146.444517
HUF 394.877992
IDR 16891.634188
ILS 4.208481
IMP 0.846821
INR 92.892253
IQD 1456.664239
IRR 46805.065156
ISK 151.704197
JEP 0.846821
JMD 174.572908
JOD 0.78804
JPY 159.46526
KES 143.443254
KGS 93.682263
KHR 4525.666856
KMF 490.761877
KPW 1000.761061
KRW 1484.10721
KWD 0.339158
KYD 0.925973
KZT 534.288315
LAK 24554.801776
LBP 99631.386136
LKR 338.494211
LRD 215.99783
LSL 19.459018
LTL 3.283321
LVL 0.672612
LYD 5.276193
MAD 10.780429
MDL 19.373342
MGA 5064.965927
MKD 61.50301
MMK 3611.594372
MNT 3778.431312
MOP 8.911157
MRU 44.161394
MUR 50.838656
MVR 17.079894
MWK 1930.358146
MXN 21.596649
MYR 4.673525
MZN 70.998563
NAD 19.460338
NGN 1796.978827
NIO 40.886718
NOK 11.65342
NPR 148.522633
NZD 1.772044
OMR 0.428079
PAB 1.111193
PEN 4.164255
PGK 4.352424
PHP 62.226806
PKR 309.253231
PLN 4.271584
PYG 8648.657807
QAR 4.047803
RON 4.97501
RSD 117.085801
RUB 103.217424
RWF 1492.246877
SAR 4.172027
SBD 9.236961
SCR 14.949655
SDG 668.844263
SEK 11.33456
SGD 1.434931
SHP 0.846821
SLE 25.405228
SLL 23317.1857
SOS 634.927593
SRD 33.842983
STD 23015.273856
SVC 9.722622
SYP 2793.826341
SZL 19.460718
THB 36.605059
TJS 11.811373
TMT 3.891851
TND 3.370022
TOP 2.604314
TRY 37.959887
TTD 7.555269
TWD 35.610991
TZS 3035.643888
UAH 46.007981
UGX 4110.417549
USD 1.111957
UYU 46.243447
UZS 14160.777846
VEF 4028124.221696
VES 40.894302
VND 27376.392032
VUV 132.013821
WST 3.11066
XAF 655.893552
XAG 0.036146
XAU 0.000423
XCD 3.005121
XDR 0.82202
XOF 653.278036
XPF 119.331742
YER 278.350773
ZAR 19.269266
ZMK 10008.950014
ZMW 29.474149
ZWL 358.04984
  • AEX

    5.9200

    903.47

    +0.66%

  • BEL20

    16.8600

    4232.61

    +0.4%

  • PX1

    7.5000

    7508.08

    +0.1%

  • ISEQ

    -45.8500

    9921.7

    -0.46%

  • OSEBX

    4.9300

    1412.29

    +0.35%

  • PSI20

    20.8200

    6737.35

    +0.31%

  • ENTEC

    -5.8300

    1416.23

    -0.41%

  • BIOTK

    -8.2600

    2572.57

    -0.32%

  • N150

    0.6600

    3324.46

    +0.02%

Marcel, migrant du Venezuela aux Etats-Unis, une odyssée
Marcel, migrant du Venezuela aux Etats-Unis, une odyssée / Photo: Ivan PISARENKO - AFP/Archives

Marcel, migrant du Venezuela aux Etats-Unis, une odyssée

Quand le bandit a menacé de lui tirer une balle dans la tête, Marcel Maldonado a cru sa dernière heure venue. Il allait mourir là, au fin fond de la forêt tropicale, dans sa traversée du Darien, en route vers le rêve américain.

Taille du texte:

Il se dit : "On ne retrouvera jamais mon corps ici."

C'est arrivé quelques jours après son départ du Venezuela le 15 septembre avec sa femme Andrea, 27 ans, et leur fils adoptif Samuel, huit ans. Une des pires frayeurs mais pas la seule durant un périple de près de deux mois à travers neuf pays.

Durant toutes ces semaines, plus de 15 journalistes de l'AFP au Panama, au Costa Rica, au Nicaragua, au Honduras, au Mexique et aux Etats-Unis ont suivi son parcours en car, en radeau, à pied claudiquant appuyé sur une canne.

Barbe au menton et regard tendre, ce technicien est l'un des 7,7 millions de Vénézuéliens - 25% de la population selon l'ONU - à avoir abandonné depuis 2014 le pays pétrolier englué dans une crise politique, sociale, économique. En 10 ans, le PIB s'y est contracté de 80%.

Au Venezuela, "j'imaginais une vie de misère, du type de celle que vit ma famille", explique-t-il. Il ne veut pas de ça pour sa femme et son fils. Il redoute aussi de n'y pouvoir remplacer la prothèse métallique qu'il porte depuis qu'il a perdu la jambe droite en 2014, quand une voiture a embouti sa moto.

Marcel vend quelques affaires de valeur, son père se défait de sa voiture pour aider à financer le voyage et ils prennent la route pour les Etats-Unis.

Derrière lui, à Maracay (nord), il laisse une maison à moitié construite et quelques vieux vêtements dans une armoire que sa mère Doraida Medina vient respirer de temps en temps pour se souvenir de lui.

- 900 dollars -

Des produits contre les serpents, une tente, un petit réchaud, des bottes de caoutchouc. A la première étape, à Cucuta, dans le nord de la Colombie à la frontière du Venezuela où ils sont arrivés en car, ils achètent le nécessaire.

Ici, les migrants s'échangent des tuyaux pour survivre dans la jungle. Ce sont pour la plupart des Vénézuéliens mais il y a aussi Equatoriens, Cubains, Haïtiens, Chinois, Afghans, Africains.

Arrivé dans le nord-ouest de la Colombie, il faut payer des trafiquants pour traverser le golfe d'Uraba en radeau et rejoindre en moto l'entrée du Darien, zone de marais et de forêt dépourvue de route. Marcel verse 900 dollars USD.

Avancée en file indienne, femmes et hommes, un enfant dans les bras et un sac sur le dos, sur des sentiers où les pieds s'enfoncent dans la boue ou se heurtent à la rocaille, étouffés par une nature dense et sauvage traversée de rivières sableuses.

"La folie" commence "quand tu descends vers le Panama", raconte-t-il à l'AFP. "Il n'y a pas de sécurité. Personne ne te vend rien. Tu dépends de ce que tu as dans ton sac à dos. Les bandes (criminelles) organisées sont cachées entre les arbres."

D'après l'ONG Human Rights Watch, des organisations comme le Clan del Golfo - principal cartel de narcotrafiquants colombiens - gagnent des dizaines de millions de dollars avec le contrôle du "Tapon del Darien" (le bouchon du Darien).

- Enfer vert -

Dans cet enfer vert, le piège se referme sur Marcel, sa famille et ses compagnons de route quand soudain un bandit armé tire en l'air, raconte-t-il. "Ils nous ont tous jetés au sol, jurant qu'ils allaient nous tirer dessus."

Allongés à plat ventre, les hommes sont frappés à coups de machette. "J'ai tout donné. Je ne vais pas mourir pour des choses matérielles", dit-il.

"Ils ont fouillé les femmes dans leur intimité. C'est horrible parce que tu ne sais pas ce qu'il peut se passer." De janvier à octobre, 397 migrants dont 97% de femmes, pris en charge par Médecins sans frontières, ont été victimes de violences sexuelles dans cette jungle.

"J'ai eu la peur de ma vie quand j'ai vu un des assaillants avec le bonnet d'Andrea. J'ai pensé: qu'est-ce qu'il lui a fait ? Et puis elle est arrivée, elle allait bien avec l'enfant. Nous nous sommes embrassés. Nous avons pleuré pendant un bon moment."

Relâchés au bout de huit heures, Marcel et sa famille n'ont sauvé que leurs papiers d'identité. Le petit a de la fièvre, ils n'ont rien mangé de la journée.

Ils passent deux jours et demi de plus dans le Darien, par où ont transité en 2023 plus d'un demi-million de migrants - 250.000 de plus qu'en 2022.

- Solidarité -

Une dernière rivière et c'est la fin de la jungle. Emacié mais triomphal, Marcel avance appuyé sur l'un de ses anges gardiens, Gustavo et Jesus deux compatriotes rencontrés à Cucuta en Colombie.

"Sans eux, je n'y serais pas arrivé", dit-il évoquant la force des courants qui arrachaient sa prothèse.

Bajo Chiquito, village panaméen écrasé de chaleur, est le passage obligé pour les migrants à la sortie du Darien. C'est dans cette localité animée que les journalistes de l'AFP rencontrent la famille Maldonado.

L'odyssée reprend. Marcel a reçu de l'argent que sa soeur a pu lui faire parvenir après avoir vendu sa voiture.

Au Costa Rica, ils dorment sur des cartons dans une gare routière.

Andrea, ex-employée d'université, visage poupin et cheveux mi-longs, s'épanche. "Tout ça, c'est pour avoir un avenir meilleur. Au Venezuela, tu survis juste pour manger..."

Avec un téléphone prêté par l'AFP, ils peuvent appeler chez eux. Elle raconte à sa belle-mère leur traversée. Elle apprend qu'une de leurs nièces a perdu ses dents de lait.

"Les gens sont un peu froids" au Costa Rica, trouve Marcel. Mais il réussit à se faire offrir des billets pour le Nicaragua. Au Honduras, des gens l'aident à vendre des friandises dans la rue. Au Guatemala, on le dépanne. A chaque étape, la solidarité.

- "Prépare-toi pour le Mexique"-

"Si tu penses que la forêt (du Darien) est le plus difficile, prépare-toi pour le Mexique", l'avait-on prévenu.

"C'est vraiment le plus difficile", confirme après-coup Marcel Maldonado en évoquant le coût de la vie, les marches sans fin, les extorsions à répétition.

L'entrée dans le pays se fait par le Chiapas (sud) pour les migrants venus d'Amérique centrale vers les Etats-Unis.

Pour éviter des agents du service de migration, Marcel, Andrea et Samuel se réfugient dans la montagne. Un supplice : "De l'herbe s'accrochait à ma prothèse", raconte-t-il. "A trois ou quatre reprises, je suis tombé à genoux et je ne pouvais pas me relever."

Quand ils arrivent à Mexico, c'est le 1er novembre, en pleine célébration de la fête des morts. Petit moment de répit: le migrant vénézuélien photographie de gigantesques têtes de mort sur la place centrale du Zocalo. Il appelle son père pour écouter avec lui les "rancheras" (chansons traditionnelles mexicaines).

Monterrey puis Matamoros au nord, à la frontière avec le Texas. Pendant le trajet, Marcel est racketté neuf fois par les forces de sécurité mexicaines qui ont arrêté le car et menacé de l'expulser, affirme-t-il.

Chaque extorsion augmente son angoisse de manquer d'argent. Il doit garder 60 dollars pour les passeurs qui leur feront traverser le Rio Grande, entre le Mexique et les Etats-Unis.

Et c'est la peur au ventre qu'ils arrivent dans la ville-frontière. Le cartel mexicain du Golfe et ses narcotrafiquants sont connus pour opérer dans la région.

Mais le temps d'un repas, une vague de nostalgie l'envahit.

Pour la première fois depuis son départ, il mange des "arepas" (pain de maïs garni), ce plat typique du Venezuela acheté à une compatriote qui attend de pouvoir déposer une demande d'asile. L'emballage en papier d'aluminium réveille chez lui le souvenir des pains farcis que lui préparait sa mère quand il allait à l'école.

- Matelas pneumatiques et barbelés -

Ce sera pour ce soir.

Aux portes du rêve américain, Marcel écarte l'option de déposer une demande officielle d'asile via l'application CBP One (Customs and Border Protection), à travers laquelle les autorités américaines programment des rendez-vous. Cela peut prendre des mois, selon les associations.

Il sait que les expulsions directes d'immigrants vénézuéliens en situation irrégulière ont repris depuis un récent accord entre Washington et Caracas, alors que le président démocrate Joe Biden subit de fortes pressions sur les questions d'immigration avant la présidentielle de 2024.

Entre octobre 2022 et septembre 2023, plus de 2,4 millions d'interceptions de migrants par voie terrestre ont été enregistrées, selon la police des frontières, un record.

Mais il décide de se lancer ce soir même avec des trafiquants vénézuéliens.

"Ils (les passeurs) disaient que nous ne devions emporter que les papiers d'identité, l'argent et jeter les sacs et les vêtements", témoigne Marcel. "J'avais très peur, c'était des gens qui n'inspiraient pas confiance." Un homme masqué demande à l'AFP d'arrêter de filmer.

Dans la nuit, Marcel descend vers le fleuve. Sa prothèse s'enfonce dans le sol humide. Il doit la retirer.

"Ils nous ont mis dans l'eau, qui était assez froide. L'eau m'arrivait par dessus les hanches. Les matelas pneumatiques étaient petits. Ils devaient nous transporter un par un. Quand ils m'ont embarqué, ils ont eu peur que la prothèse crève le matelas."

Sur l'autre rive, aidé de ses compagnons il réussit à passer le mur de barbelés qui marque l'entrée aux Etats-Unis. Quand les phares d'une voiture de patrouille américaine s'allument comme des projecteurs, le groupe a déjà franchi la frontière.

- "Rien n'est impossible" -

"Nous y sommes ! Quelle joie !"

Marcel vient d'envoyer une vidéo triomphale à sa famille. On est le 4 novembre, il a parcouru 4.300 km, dépensé 7.000 USD et franchi sa dernière épreuve.

En 2022, plus de 680 personnes sont mortes ou ont disparu en tentant de passer la frontière sud des Etats-Unis, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Premières formalités à Brownsville, Texas. On lui fait un test ADN et lui remet un téléphone portable pour garder sa trace et son contact.

Ils repartent avec leur permis de résidence jusqu'en mai 2026, date à laquelle un juge se prononcera sur leur demande d'asile. "Tous ceux qui se déplaçaient en famille sont passés", explique-t-il.

Leur nouvelle vie peut commencer à Greenville, en Caroline du Sud.

Quand l'AFP les retrouve en décembre, Marcel vend des fleurs dans la rue, en attendant son permis de travail. Andrea fait aide-ménagère. Samuel va à l'école, il apprend l'anglais.

Dans leur petit logement, le Vénézuélien laisse libre cours à ses rêves américains: acheter une voiture pour travailler comme taxi, avoir un enfant, changer de prothèse. Rejouer un jour au basket-ball. "Rien n'est impossible."

L.Muratori--NZN