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Grâce à un nouveau témoignage clef 44 ans après les faits, un homme décédé en 1986 a été identifié dans l'enquête sur la mort en 1979 de Robert Boulin, alors ministre de Valéry Giscard d'Estaing, a indiqué à l'AFP le parquet de Versailles vendredi, confirmant une information de Mediapart.
Selon le site d'information, Henri Geliot, un "truand" né en 1919 et décédé en 1986, a été identifié grâce à un numéro de plaque d'immatriculation transmis par un témoin entendu en 2023 par la juge d'instruction chargée de résoudre cette énigme politico-financière.
Sollicité par l'AFP, le parquet de Versailles a confirmé que ces "informations factuelles" se trouvaient bien dans le dossier mais qu'à ce stade, "aucune conclusion dans un sens ou dans un autre n'en a été tirée judiciairement parlant".
Le témoin, Elio D., a raconté avoir été témoin dans les années 1980 d'une conversation dans un club de Ville-d'Avray, ville cossue de la banlieue ouest de Paris, entre des "barbouzes", "truands" et "hommes de main", comme le rapportait une source proche du dossier fin août à l'AFP.
Lors de cette conversation, ils évoquent la mort du ministre, expliquant l'avoir mis en scène après une opération d'intimidation violente qui avait mal tourné.
Elio D. prend alors soin de noter l'immatriculation de la voiture, une Mercedes, d'un des hommes présents.
Très âgé, il s'est décidé à dévoiler ces informations aux enquêteurs au crépuscule de sa vie, leur indiquant n'avoir plus que quelques années à vivre car très malade, poursuit la source.
"Le temps, c'est aussi parfois ce qui permet à ceux qui ont peur de s'exprimer, de se libérer d'un poids", souligne Marie Dosé, avocate de la fille de Robert Boulin, Fabienne Boulin-Burgeat, jointe par l'AFP. "L'important, c'est de ne plus rater les occasions de savoir."
Le "truand haut placé", comme le détaillait la source proche du dossier, se présentait dans cet échange comme l'un des hommes impliqués dans le crime. Cette même source a également confirmé vendredi que Henri Geliot avait été identifié dans cette affaire.
Selon Mediapart, l'homme, cafetier de profession, n'en était pas à ses premiers méfaits: il a été mis en cause principalement entre 1939 et 1958 pour divers délits, dont des violences avec arme à feu.
Le corps de Robert Boulin, 59 ans, alors membre du RPR et ministre du Travail du gouvernement de Raymond Barre, avait été retrouvé dans un étang de la forêt de Rambouillet, dans les Yvelines, en 1979.
A l'époque, les enquêteurs concluent à un suicide par noyade après ingestion de barbituriques. Le ministre venait en effet d'être mis en cause concernant les conditions d'acquisition d'un terrain à Ramatuelle (Var).
Selon la source proche du dossier, Robert Boulin a été violenté par plusieurs hommes pour le détourner de ses ambitions politiques supposées, potentiellement susceptibles de faire de l'ombre à Jacques Chirac, alors patron du RPR.
Toujours selon cette source, cette opération a alors mal tourné et Robert Boulin a été tué, son corps disposé de manière à simuler une noyade.
- "Début de soulagement" -
Alors que l'enquête en cours depuis 2015 s'acheminait vers un non-lieu, après un avis de fin d'information judiciaire et un réquisitoire du parquet en ce sens, la manifestation spontanée de ce témoin en 2022 auprès des enquêteurs a tout changé.
Entendu en 2023 par la juge d'instruction, selon la source proche du dossier, il mentionne plusieurs personnes impliquées à divers degrés dans l'assassinat de Robert Boulin.
Elio D. cite notamment deux hommes politiques de l'époque qu'il dénonce comme donneurs d'ordre, poursuit cette source: Pierre Debizet, patron du Service d'action civique (SAC), le service d'ordre du parti gaulliste, et Charles Pasqua, l'un des premiers dirigeants du SAC fondé en 1958.
Robert Boulin avait auparavant occupé plusieurs portefeuilles sous les présidences de Charles de Gaulle, Georges Pompidou et durant le septennat de Valéry Giscard d'Estaing.
"Nous commençons à éprouver un début de soulagement en constatant que malgré les réticences de l'institution judiciaire à faire son travail, les choses avancent", a réagi Me Dosé. "Il reste néanmoins beaucoup de travail à faire", a-t-elle souligné, espérant que "la justice se montre enfin digne de sa mission".
Fin août, elle avait déclaré à l'AFP avoir la certitude que "plus personne ne peut objectivement soutenir aujourd'hui que Robert Boulin s'est suicidé, sauf ceux qui ont intérêt à le faire".
E.Schneyder--NZN