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Un tribunal italien rend vendredi sa décision dans le procès du vice-Premier ministre d'extrême droite Matteo Salvini, qui risque six ans de prison pour avoir bloqué un navire à bord duquel se trouvaient des migrants secourus en Méditerranée.
Chef de La Ligue, parti anti-immigration membre de la coalition ultraconservatrice actuellement au pouvoir à Rome, Matteo Salvini, 51 ans, récuse les chefs d'abus de pouvoir et de privation de liberté dont il répond devant le tribunal de Palerme, en Sicile.
Il est jugé pour avoir retenu en mer 147 personnes secourues sur le navire humanitaire Open Arms en août 2019, alors qu'il était ministre de l'Intérieur d'un précédent gouvernement, refusant de les laisser débarquer en Italie.
L'impasse avait duré près de trois semaines et fait la Une des journaux du monde entier: d'autres pays de l'UE avaient proposé d'accueillir les migrants, des ONG étaient intervenues, et l'acteur hollywoodien Richard Gere s'était invité sur le navire en signe de solidarité.
Les migrants avaient finalement été autorisés à débarquer sur l'île de Lampedusa à la suite d'une décision de justice.
M. Salvini est arrivé au tribunal de Palerme, en Sicile, vers 09H30 (08H30 GMT), peu avant l'ouverture de l'audience, selon des journalistes de l'AFP sur place.
"Je suis très fier de ce que j'ai fait. J'ai tenu mes promesses. J'ai lutté contre l'immigration de masse et quel que soit le jugement, pour moi aujourd'hui est une belle journée parce que je suis fier d'avoir défendu mon pays", a-t-il déclaré à la presse. "Je le referais", a-t-il assuré.
Il a publié jeudi sur son compte X des photos de dirigeants européens membres du groupe "Les patriotes" réunis à Bruxelles et portant des T-shirts floqués à son effigie avec la mention "Coupable".
Parmi eux, Viktor Orban. "Justice pour Matteo Salvini", a écrit le Premier ministre hongrois sur son compte X.
Elon Musk s'exprimant sur son réseau social a lui-même estimé "fou que Salvini soit jugé pour avoir défendu l'Italie".
Malgré leurs différends personnels, Giorgia Meloni, dont l'exécutif a également dressé des obstacles juridiques sur la route des navires-ambulances, l'a systématiquement soutenu.
En septembre, après que les procureurs ont requis six ans de prison pour le ministre, elle avait jugé "incroyable" qu'il risque l'incarcération "pour avoir fait son travail en défendant les frontières de la nation".
Même s'il est reconnu coupable, M. Salvini peut faire appel, auquel cas la peine sera suspendue.
Pour Oscar Camps, fondateur de l'ONG espagnole Open Arms, une condamnation "pourrait marquer l'histoire et créer un précédent. Nous espérons que le juge résistera à la pression et qu'il sera juste", a-t-il déclaré.
- "Ports fermés" -
Ancien sécessionniste lombard qui a peu à peu fait glisser son parti vers l'extrême droite, Matteo Salvini avait mis en œuvre en 2019, au sein du gouvernement dirigé par Giuseppe Conte (Mouvement Cinq Etoiles, centre), une politique des "ports fermés".
L'Italie refusait alors l'entrée aux navires humanitaires qui secouraient les migrants effectuant la traversée souvent mortelle depuis les côtes nord-africaines.
L'équipage de l'Open Arms a témoigné que la santé physique et mentale des migrants à bord du navire bloqué en mer avait atteint un point critique, avec des conditions sanitaires désastreuses, dont une épidémie de gale.
Pour M. Salvini en revanche, "la situation n'était pas dangereuse".
Il a également insisté sur le fait que l'ensemble du gouvernement Conte appuyait sa politique migratoire.
M. Conte avait de son côté assuré avoir essayé d'"exercer une pression morale" sur M. Salvini, en vain.
- Affrontements avec les juges -
En France, l'alliée de M. Salvini au Parlement européen, Marine Le Pen, a dénoncé un "harcèlement judiciaire visant à le réduire au silence".
Le verdict attendu, plus de trois ans après l'ouverture du procès en octobre 2021, intervient alors que le gouvernement Meloni est en butte aux juges sur sa propre politique migratoire.
Des magistrats se sont en effet opposés à ses tentatives d'accélérer le traitement des demandes d'asile, notamment dans deux nouveaux centres gérés par l'Italie en Albanie.
Son gouvernement a également limité les activités des navires de sauvetage civils, les accusant d'encourager l'immigration, ce qui, selon les observateurs, n'est pas prouvé.
La justice avait pu poursuivre M. Salvini après que le Sénat italien eut voté en 2020 la levée de son immunité parlementaire.
Une procédure similaire, dans laquelle il était poursuivi pour avoir refusé à 116 migrants de débarquer du bateau des garde-côtes italiens Gregoretti en juillet 2019, a été abandonnée en 2021.
E.Schneyder--NZN