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La fondation d'utilité publique 30 millions d'amis est dans la tourmente: une enquête sur ses pratiques internes a récemment été ouverte après un signalement à la justice de son ancien délégué général, par ailleurs visé depuis peu par une enquête pour chantage sur son ex-employeur.
Selon le parquet de Paris, qui confirmait une information du Journal du Dimanche (JDD), une enquête pour abus de confiance a été ouverte à la suite d'un signalement que lui avait adressé en février Jean-François Legueulle, qui fut salarié de cette fondation sans but lucratif pendant plus de vingt-deux ans.
L'ancien délégué général, qui en avait auparavant informé deux fois le commissaire du gouvernement siégeant au conseil d'administration de la fondation sans obtenir de réponse, y faisait part de dysfonctionnements selon lui dans la gestion de la fondation par Reha Hutin, sa présidente et veuve de son fondateur, Jean-Pierre Hutin, décédé en 2016.
Dans son signalement, dont l'AFP a eu connaissance, il s'est dit "choqué par l'importance des sommes et des opérations qui gravitent autour des activités, marques et concepts de la Fondation, qui (...) sont détournés de leur destination, et donc de leur objet".
L'ex-salarié reproche à Mme Hutin, également présidente de la société Pro TV qui produisait l'émission culte "30 millions d'amis" de 1976 à 2016, d'exploiter à titre exclusif et gracieux les marques du même nom, de percevoir des droits d'auteur, de facturer au nom de Pro TV des prestations à la fondation ou encore d'avoir financé avec les fonds de cette dernière "l'amélioration de sa notoriété personnelle suite à des condamnations au tribunal des prud'hommes en tant que PDG de Pro TV".
"C'est assez sain que la justice puisse se plonger dans le sujet", a commenté auprès de l'AFP Me Françoise Davideau, avocate de M. Legueulle, assurant que son client n'avait "rien à gagner" à dénoncer ces pratiques. "Il pense que c'est un devoir vis-à-vis des donateurs".
- Accusations croisées -
L'avocat de 30 millions d'amis, Me Michel Gryner, s'est aussi réjoui de l'ouverture de cette enquête, indiquant que la fondation demandait "à être entendue par les enquêteurs pour pouvoir justifier ses dires sur la situation".
Cette dernière a de son côté déposé deux plaintes à l'encontre de M. Legueulle, une première en février 2022 pour tentative de chantage et d'extorsion de fonds et une deuxième en décembre pour vol.
Une enquête pour chantage a été ouverte la semaine dernière, a indiqué le parquet de Paris, sollicité par l'AFP.
Selon les plaintes, dont a eu connaissance l'AFP, lors d'un entretien informel organisé pour discuter des modalités d'une séparation à l'amiable, M. Legueulle aurait affirmé qu'il ne l'accepterait "que sur la base d'une négociation +à sept chiffres+", autrement dit dépassant le million d'euros, sous peine de faire des révélations, arguant avoir un "dossier" sur la fondation.
A la suite de ces échanges, M. Legueulle a été licencié pour faute grave. Une procédure aux prud'hommes est en cours et une audience doit se tenir le 23 mai.
La fondation l'accuse par ailleurs d'avoir volé des documents juridiques et comptables sur Pro TV auxquels il n'était pas censé avoir accès quand il était salarié de la fondation. Ces documents figurent dans la requête déposée par M. Legueulle devant le conseil des prud'hommes.
L'enquête ouverte la semaine dernière "ne peut que mettre en évidence la parfaite bonne foi de M. Legueulle et le caractère intimidatoire des accusations à son encontre", a réagi Me Davideau. "Je ne pense pas que cet écran de fumée servira les intérêts de la fondation", a-t-elle ajouté, indiquant avoir à son tour déposé une plainte pour dénonciation calomnieuse.
I.Widmer--NZN