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Elle n'en pouvait visiblement plus de l'entendre expliquer qu'il ne l'avait "jamais" touchée, que le "#Metoo français" lui était "tombé dessus". Alors Adèle Haenel a bondi quand le tribunal l'a appelée à la barre. Pour marteler une fois encore : "vous êtes un gros menteur Monsieur Ruggia".
Depuis le début du procès du réalisateur devant le tribunal de Paris lundi à midi, Adèle Haenel le fixait de ses yeux furieux, serrant les dents à la lecture des descriptions des agressions sexuelles subies selon elle entre ses 12 et 14 ans.
"Les samedis après-midi", elle allait seule chez Christophe Ruggia, le presque quadragénaire qui venait, en 2001, de la diriger dans "Les Diables" - son premier film à elle -, un tournage "dur", où le comportement "déplacé" du réalisateur avec la jeune actrice de 12 ans mettra plusieurs professionnels mal à l'aise.
Chez lui sur son canapé, il vient vite "se coller". Pour "faire comme si c'était normal, comme s'il ne se passait rien", il "intercale" des mots entre ses gestes, explique à la barre l'actrice de 35 ans, qui s'est depuis mise en retrait du cinéma.
"C'est vraiment trop mignon ce que tu fais ma puce", imite-t-elle. Il l'embrassait dans le cou. "Aah t'es vraiment trop drôle", singe encore Adèle Haenel. Une main dans le col sous le t-shirt, puis une autre dans son pantalon.
"Et moi je me tends, mon corps se crispe, je me recroqueville dans un coin du canapé", poursuit l'actrice en colère.
"S'il considère que je résiste trop, il me regarde... +quoi, bah quoi ?+, et il continue". Avant de la ramener chez ses parents il lui donnait un "goûter" - des biscuits et un "Orangina".
Sur son strapontin, Christophe Ruggia, 59 ans aujourd'hui, reste impassible, vague sourire sur le visage. "Lui, il dit que ça ne s'est jamais passé", rappelle doucement l'assesseure.
"C'est un gros menteur", s'emporte l'actrice, se tournant vers le prévenu qui s'est arrangé tout au long de l'audience pour ne jamais croiser son regard. "Et je le dis en le regardant. Vous êtes un gros menteur Monsieur Ruggia, et vous le savez très bien".
- "Elle s'est radicalisée" -
Dans une salle d'audience pleine, sous le regard de sa famille et de ses proches, Adèle Haenel parle vite, lève la voix parfois, s'excuse aussitôt. "Il arrête pas de me sexualiser, ça me dégoûte, comme si un enfant de 12 ans avait déjà eu un regard d'actrice pornographique !", s'énerve-t-elle en reprenant des propos du réalisateur qui avait aussi évoqué sa "sensualité débordante" pendant le tournage.
A la barre avant elle, Christophe Ruggia a tout nié. Les "baisers appuyés dans le cou", les "mains sur la cuisse"... "Elle a reconstruit des choses, elle a pu réinterpréter", avance-t-il. Les déclarations d'amour où il lui dit qu'elle est "une adulte dans un corps d'enfant", les agressions ? Du "pur mensonge".
"Mais pourquoi elle vous veut autant de mal ?", interroge le tribunal.
"Je pense qu'elle s'est radicalisée"... "Regardez son parcours depuis cinq ans. Ca commence avec moi, après c'est les César avec Polanski", puis "le cinéma dans son ensemble", s'emporte-t-il.
"J'en sais rien, je suis pas psy", balaie M. Ruggia. "Il fallait lancer un #Metoo en France et c'est tombé sur moi".
Le tribunal avait diffusé des extraits de son film, une histoire d'inceste entre un frère et sa soeur autiste, abandonnés à la naissance. Au grand écran, on voit notamment Adèle Haenel sortir d'une douche et emprunter un long couloir entièrement nue. Des gros plans sur sa poitrine d'enfant alors qu'elle se caresse et effectue des mouvements de langue.
"Le film, quand je le regarde, je me dis c'est ignoble de faire ça à des enfants. Mais le traumatisme c'est les agressions sexuelles", dit à la barre Adèle Haenel qui avait détourné le regard au moment de la projection.
Aujourd'hui, après les années de mal-être, elle, "ça va". Même si elle aurait aimé que quelqu'un "défende" l'enfant qu'elle était. "C'était pas normal", martèle-t-elle. Et "c'était visible".
Les avocats de Christophe Ruggia n'ont pas de question pour elle. L'audience reprend mardi.
T.Gerber--NZN