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Oum Al-Abed a été initiée aux secrets du savon de Naplouse par une parente éloignée. Puis cette Palestinienne a transmis à son tour ce savoir-faire vieux de mille ans et désormais classé au Patrimoine mondial immatériel de l'humanité.
Comme ailleurs dans la Cisjordanie occupée, dans de petits ateliers de Hébron (sud), Ramallah (centre), ou Tulkarem (nord), mais aussi dans la bande de Gaza, Oum Al-Abed confectionne le savon à la main chez elle, dans le village de Salem, à l'est de Naplouse.
La fabrication est rustique. Un seau en plastique posé sur le béton de la petite cour, et trois ingrédients: de l'huile d'olive, de l'eau et de la soude.
"La personne qui nous a appris à fabriquer du savon est une vieille parente du village d'Immatin. Il y a longtemps, environ 20 ou 30 ans, elle est venue ici et a fabriqué du savon", raconte Oum Al-Abed.
"Lorsqu'elle faisait cuire l'huile (pour la fabrication du savon), j'ai observé comment elle le faisait, j'ai appris le processus et j'ai commencé à fabriquer du savon moi-même. J'en ai fabriqué pour tous les habitants" de la localité.
Derrière elle, des femmes s'activent. L'une vide un bidon d'huile d'olive, puis verse de la soude. D'une main elle mélange avec un long bâton en bois, de l'autre elle verse de l'eau et la mixture prend des couleurs safran.
La cuisson se fait dans un grand tonneau, sous un feu doux alimenté de planches de bois. Puis la pâte encore liquide est versée dans des grands bacs couverts de plastique, et sèchera.
C'est tout ce processus artisanal transmis de génération en génération qui a rejoint notamment la "hikaye (forme de récit narratif pratiquée par des femmes), la "dabkeh" (danse populaire) ou encore l'art de la broderie dans la liste des traditions palestiniennes inscrites au patrimoine culturel immatériel de l'Unesco.
Selon l'organisation onusienne pour l'éducation, les sciences et la culture, l'utilisation de l'huile d'olive reflète "le lien étroit que la population entretient avec la terre", et "la plupart des familles en Palestine partagent la tradition", hommes et femmes participant à toutes les étapes du processus de production et les enfants aidant leurs parents à couper et à emballer le savon".
- "Préserver" -
A Naplouse, grande ville palestinienne du nord de la Cisjordanie, la fabrique Touqan, créée en 1872, tourne toujours.
Elle a été fondée "pendant la période ottomane et a continué à produire du savon depuis", explique Naël Qoubbaj, son directeur. Dans le bureau, trônent fièrement des portraits jaunis d'hommes en cravate ou portant un fès, des membres de la famille d'Abdoul Fattah Touqan qui était l'un des cofondateurs de la fabrique de savon éponyme.
Le rendement y est plus élevé que dans l'atelier artisanal d'Oum Al-Abed.
Les barres de savon forment une sorte de mosaïque blanche géante, tapissant le sol d'une vaste salle. Un artisan pied-nu trace manuellement de longues lignes pour quadriller ce tapis de savon. Il en extraira, un par un, des cubes de savon qui seront empilés comme des tours circulaires de plusieurs mètres de haut.
Pour M. Qoubbaj, la reconnaissance du savon de Naplouse par l'Unesco est "une reconnaissance par la communauté mondiale et ceux qui s'intéressent aux industries traditionnelles de l'importance de cet artisanat et de la nécessité de le préserver".
Cette reconnaissance, estime-t-il, est "d'autant plus importante que l'occupation israélienne", en cours depuis 1967, "s'efforce de détruire ces industries traditionnelles".
L.Muratori--NZN