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Quelque huit millions de Tchadiens ont voté dimanche aux élections législatives, provinciales et locales marquées par une faible participation - 52,37% à la clôture des bureaux de vote - et des soupçons de fraudes de l'opposition qui avait appelé à boycotter le scrutin.
A N'Djamena, où le taux de participation a plafonné à 36,22%, selon les estimations de l'l'Agence nationale de gestion des élections (Ange) alors que le dépouillement est toujours en cours, des partis de l'opposition ont annoncé "leur retrait du processus" électoral dans le 3e arrondissement en raison de "fraudes".
"Les militaires sont venus voter hier (samedi) sans carte d'électeur ou carte d'identité nationale. Le même pouvait voter vingt-cinq ou cinquante fois" a affirmé Abdelaziz Koulamallah, candidat au poste de député pour le Parti fédéral pour la justice et le développement (PFJD) à N'Djamena dans une vidéo postée sur son compte Facebook.
Comme le veut la tradition, nomades, policiers et militaires ont voté dès samedi, avec plus de 72% de votes exprimés dans l'armée et plus de 54% pour la population nomade, selon l'Ange.
"Tous ceux qui ont voté massivement pour la présidentielle sont tous restés chez eux en suivant notre appel, c’est-à-dire l'écrasante majorité", a déclaré à l'AFP le chef du principal parti d'opposition, Succès Masra.
L'opposition a boycotté le scrutin présenté par le régime du maréchal Mahamat Idriss Déby Itno comme la dernière étape de la transition ouverte par le putsch qui l'a porté au pouvoir en avril 2021 après la mort de son père avant une légitimation par les urnes en mai dernier.
Les Tchadiens "font confiance à notre parole et quand nous leur disons que les résultats sont déjà fabriqués dans les ordinateurs, ils savent que c'est vrai", a dit M. Masra, lors d'un entretien téléphonique depuis Abidjan, en Côte d'Ivoire.
Le chef de l'Etat et ses ministres, eux, sont allés déposer leurs bulletins pour ce triple scrutin législatif, provincial et local.
- Vote "inutile"-
Rencontré dans une rue N'djamena, Hervé Natouingan, 28 ans, juge "inutile" de voter car "il n'y a pas de vote véridique au Tchad". Cet ouvrier du bâtiment travaille comme taxi-moto, faute de perspectives dans son secteur.
Patrice Lumumba Deoumoundou, un chômeur de 39 ans, lui, a accompli son "devoir" citoyen en espérant "un changement dans tous les domaines", plus d'emploi, moins de prix en hausse, "plus de justice", "plus d'égalité". "Rien n'a encore été fait", a-t-il dit en souhaitant des "actions positives".
Pour les militaires, voter est "un devoir", comme l'a dit à l'AFP le général Ahamat Mahamat Abakar, en charge du centre d'instruction de Koundoul, au nord de N'Djamena.
"Les nomades sont venus demander à ceux qui seront élus demain d'améliorer leurs conditions de vie", a expliqué à l'AFP le cheik Djibrine Hassabakarim, un de leurs représentants dans un campement proche de N'Djamena, en pointant une dégradation liée au changement climatique - mortalité des bêtes, heurts avec les cultivateurs sédentaires, difficulté pour nourrir les familles.
Le vote se déroule dans 26.617 bureaux de vote à travers le pays, en présence d'une centaine d'observateurs étrangers et de représentants des partis politiques.
Le scrutin intervient dans un contexte géopolitique mouvant, avec le retrait en cours de l'armée française après la rupture d'un accord de coopération militaire remontant à la fin de la colonisation, des attaques du groupe jihadiste Boko Haram dans la région du lac Tchad et des accusations récurrentes d'ingérence dans le conflit qui ravage le Soudan voisin.
- Eviter le chaos -
Les dernières législatives remontent à 2011.
L'Assemblée devait être renouvelée en 2015 mais il y eu plusieurs reports successifs justifiés par la menace jihadiste, les difficultés financières, l'épidémie de coronavirus et la transition qui a suivi le putsch militaire après le décès du maréchal Déby père, tué par des rebelles après trente ans de pouvoir sans partage.
Puis, un parlement de transition composé de 93 membres a été désigné par décret présidentiel en 2021.
En recevant son grade de maréchal le 21 décembre, le chef de l'Etat a affirmé que son accession au pouvoir avait "évité au pays de sombrer dans le chaos" et vanté sa "marche vers le progrès".
L'opposition, elle, dénonce un régime qu'elle juge autocratique et violemment répressif.
Dans son intervention samedi, Succès Masra a rappelé le "bain de sang" lors de la manifestation de l'opposition le 20 octobre 2022 et les "tirs de joie" mortels des forces de l'ordre, le 9 mai 2024, à la victoire au premier tour de Mahamat Idriss Itno, avec 61,3% des voix et une participation de 75%.
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W.F.Portman--NZN