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Grâce à la publicité inespérée d'une brève interdiction pour "immoralité", le festival de musique Nyege Nyege, sur les rives du Nil dans le sud-est de l'Ouganda, a affiché complet, au grand soulagement de ses organisateurs.
L'indignation soulevée par l'interdiction par le parlement le 6 septembre de ce festival - un des plus populaires d'Afrique de l'Est - a finalement forcé le gouvernement à le maintenir, ce weekend à Jinja, tout en l'interdisant aux mineurs.
Et des milliers de festivaliers, parmi lesquels de très nombreux touristes occidentaux, ont pu chanter et danser au rythme des nombreux artistes venus de toute l'Afrique pour le Nyege Nyege, un festival de musique de quatre jours qui s'achève dimanche.
"J'ai entendu parler du festival seulement lorsqu'il a été interdit pour +immoralité+ par les autorités ougandaises", a expliqué à l'AFP David Kempson, un ingénieur britannique de 31 ans venu en Ouganda spécialement pour cet événement, alors qu'il n'avait jamais mis les pieds en Afrique.
Le parlement l'avait censuré en l'accusant de "promouvoir l'immoralité" : le sexe, l'homosexualité, la consommation de drogues...
Cette publicité inattendue a permis au Nyege Nyege d'afficher complet, avec plus de 12.000 participants, dont quelque 5.000 touristes étrangers.
"Nous nous dirigeons vers un nombre de ventes bien plus important qu'on ne l'avait prévu", a assuré à l'AFP Arlen Dilsizian, un des cofondateurs du festival.
L'interdiction a suscité "intérêt et ferveur pour le festival", a-t-il reconnu, en notant que des touristes étaient venus des État-Unis, de Chine, d'Europe et du Moyen-Orient.
C'est la deuxième fois qu'une interdiction vise le Nyege Nyege - qui tire son nom d'une expression en luganda désignant une irrésistible envie de danser, mais qui peut aussi avoir dans d'autres dialectes locaux des connotations plus sexuelles.
En 2018, l'ancien ministre de l'Éthique Simon Lokodo, fervent catholique et homophobe déclaré, avait décrit le festival comme "une orgie d'homosexualité, de nudité et de drogues", un événement "proche de la vénération du diable".
Créé en 2015, mais suspendu pour cause de covid en 2020 et 2021, le festival s'est déplacé cette année sur un nouveau site en plein air, celui des chutes d'Itanda, à Jinja.
- "Un festival unique" -
Ses organisateurs réfutent toute accusation d'"orgie" et soulignent que la sécurité a été renforcée, pour respecter une directive du gouvernement contre "la contrebande, les narcotiques, la vulgarité véhiculée par le langage, les chansons et les comportements".
Le ministre de l'Information Chris Baryomunsi a prévenu qu'en cas d'infractions graves, telles qu'"orgies sexuelles et nudité", la police ferait évacuer le site.
Malgré la présence d'un fourgon de police équipé de caméras et de drones télécommandés, les fans sont restés imperturbables, déterminés à savourer l'effervescence et la chance de voir des musiciens célèbres comme le Camerounais Eko Roosevelt, âgé de 80 ans.
"Quand je viens pour Nyege Nyege, je deviens libre, je rencontre des gens de toute l'Afrique et d'ailleurs, on rit et on danse, le stress s'en va", explique à l'AFP Pamela Nyinabangi, 27 ans, propriétaire d'un salon de beauté à Kampala, la capitale.
Un autre participant, Isaac Odwor, homme d'affaires kenyan, souligne, lui, que le festival était "le seul événement où la musique africaine est mise en avant et où (le public peut) interagir avec les musiciens et les artistes".
Le spectacle de cette année se déroule dans un contexte de crise économique, alors que les prix des principaux produits de base, du carburant à la nourriture, augmentent dans le sillage de la guerre en Ukraine.
Des marchands ambulants de nourriture aux fabricants de bijoux artisanaux, de nombreux Ougandais espéraient que le festival améliorerait leur sort alors que les touristes se pressaient sur les lieux pour écouter de la musique, se baigner dans le Nil ou faire du rafting.
Après avoir tenu une première édition internationale de Nyege Nyege à Paris le 16 juillet dernier, les organisateurs prévoient un rendez-vous au Cameroun l'année prochaine.
"C'est un festival vraiment unique", a affirmé à l'AFP Tom Uragallo, un jeune festivalier britannique. "On se baigne le matin dans le Nil et on danse toute la nuit sur les rythmes africains".
M.Hug--NZN