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Les ministres de l'Environnement de l'UE discutent à partir de jeudi à Amiens des priorités climatiques françaises --taxe carbone aux frontières, lutte contre la déforestation importée--mais restent divisés sur une réforme du marché de l'électricité malgré la flambée des prix de l'énergie.
Réunis autour de la ministre française de la Transition écologique Barbara Pompili, les représentants des Vingt-Sept aborderont pendant deux jours plusieurs textes de l'ambitieux plan climat présenté mi-juillet par Bruxelles pour sabrer de 55% d'ici 2030 les émissions carbone de l'UE par rapport à 1990.
Une seconde réunion dans cette ville du nord de la France rassemblera les ministres de l'Energie vendredi et samedi.
Si Emmanuel Macron fait de l'environnement un marqueur de la présidence française de l'UE, débutée en janvier, aucun accord n'est attendu à Amiens mais Paris entend "faire avancer au maximum" d'ici juin les négociations en cours.
La France veut notamment accélérer l'établissement d'un "mécanisme d'ajustement carbone aux frontières" de l'UE proposé par Bruxelles et désormais discuté par les Etats et les eurodéputés.
L'objectif est de taxer certaines importations (acier, aluminium, ciment, engrais, électricité) au prix du marché carbone européen, selon les émissions liées à leur production.
"C'est la puissance du marché européen: si vous voulez y entrer, vous devez respecter les mêmes règles", a déclaré Barbara Pompili mercredi sur Sud-Radio.
- Identifier "les enjeux politiques"-
Pour ne pas enfreindre les principes de l'Organisation mondiale du Commerce, la Commission propose parallèlement de supprimer les quotas d'émissions gratuits jusqu'ici alloués aux industriels européens pour leur permettre d'affronter la concurrence de pays tiers... au risque de renchérir les coûts de production en Europe, s'alarment nombre d'Etats et d'eurodéputés.
"Espagne, Portugal, Pologne et Autriche réclament le maintien des quotas gratuits. Et (la taxe carbone) pose des questions compliquées: qui collecte l'argent? où va-t-il?", souligne un diplomate européen.
Paris entend construire un consensus entre les Vingt-Sept, base de futures négociations avec le Parlement européen. "La difficulté n'est plus sur le principe, mais sur le timing de décroissance des quotas gratuits", veut croire l'entourage de Mme Pompili, sur ce texte dépendant des ministres de l'Economie mais touchant étroitement aux dossiers environnementaux.
Autre projet phare d'Emmanuel Macron: l'élaboration d'un instrument de lutte contre la "déforestation importée", pour éviter que les importations européennes de bois, d'huile de palme ou de soja ne contribuent au défrichage de forêts.
Les discussions sur un texte soumis par la Commission mi-novembre commencent juste parmi les Etats comme au Parlement. Le tour de table d'Amiens permettra d'"avoir une vision claire des enjeux politiques" et futurs noeuds des négociations, souligne-t-on au ministère de la Transition écologique.
Alors que les ONG espèrent un durcissement du texte initial, regrettant qu'il ne s'applique pas à certains produits (maïs, caoutchouc...) ni à d'autres écosystèmes menacés (zones humides, savanes...), Paris n'exclut pas un élargissement.
-"Acceptabilité sociale"-
Les ministres devraient par ailleurs réitérer leurs réticences sur le projet d'étendre le marché carbone européen: après les industriels et énergéticiens, les fournisseurs de carburant routier et de fioul domestique pourraient être contraints d'acheter des "quotas d'émissions" dès 2025... au risque de répercuter le surcoût sur les consommateurs.
Cette proposition controversée de la Commission est dénoncée vigoureusement par une partie des Etats, inquiets de l'impact pour les ménages précaires en dépit d'un possible "fonds solidaire" européen.
"La France a exprimé ses vives inquiétudes sur l'acceptabilité sociale (...) On a connu les +gilets jaunes+, on sait que la transition doit prendre en compte les intérêts des populations et des différents États", plaide l'entourage de Mme Pompili, assurant chercher "un compromis".
Ce projet, qui sera défendu à Amiens par le vice-président de la Commission Frans Timmermans, apparaît cependant fragilisé par l'actuelle flambée des prix du gaz, qui dominera les discussions des ministres de l'Energie.
Alors que les cours de l'électricité sur le marché de gros européen s'alignent mécaniquement sur ceux du gaz, Paris réclame un "découplage" et la réforme d'un mécanisme jugé "obsolète" qui diluerait l'effet des coûts bas du nucléaire.
Or, de fortes divergences persistent: une dizaine d'Etats, Allemagne en tête, s'opposent farouchement à toute réforme du marché de l'électricité, expliquant la crise par des "facteurs mondiaux" conjoncturels, tandis que Pologne et Hongrie accusent le prix du CO2 et les règles environnementales de renchérir les coûts de l'énergie.
T.Furrer--NZN