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Objection de conscience massive des médecins, mouvements anti-IVG très actifs et autorisation parentale pour les mineures: en Espagne, faciliter l'accès à l'avortement reste un combat que gouvernement de gauche et féministes espèrent gagner.
"En décembre 2020, ma poche des eaux s'est rompue. Je n'avais plus de liquide amniotique et le pronostic vital (du foetus) était très mauvais", raconte à l'AFP Marta Vigara.
Enceinte de 17 semaines, cette gériatre de 37 ans se retrouve alors contrainte de procéder à un avortement thérapeutique urgent mais se heurte à un mur dans l'hôpital public madrilène où elle travaille, le Clinico San Carlos.
Ses confrères gynécologues lui affirment alors qu'ils ne peuvent pas pratiquer d'interruption volontaire de grossesse (IVG) "tant qu'il y a un rythme cardiaque fœtal" et la renvoient vers des cliniques privées.
"Je suis arrivée à la clinique en saignant, probablement à cause d'un décollement du placenta", dénonce-t-elle, dans son appartement à Madrid.
Elle apprendra plus tard, de l'Ordre des médecins, que tous les praticiens du service de gynécologie de cet hôpital, l'un des plus grands d'Espagne, sont déclarés objecteurs de conscience contre l'avortement depuis 2009.
Une situation fréquente dans le secteur public qui compte une "majorité" de gynécologues-obstétriciens objecteurs de conscience, reconnaît l'Ordre des médecins, alors qu'il n'existe aucun registre officiel les recensant.
Ce qui explique que 84,5% des IVG soient réalisées dans le privé, où elles sont couvertes par la sécurité sociale, selon des chiffres officiels de 2020.
Dans certaines zones, des femmes doivent donc parcourir des centaines de kilomètres pour avorter face au manque de service public et à l'absence de clinique spécialisée à proximité.
Huit des 50 provinces du pays n'ont recensé aucun avortement depuis sa dépénalisation en 1985, dénonce le gouvernement de gauche, qui veut légiférer cette année pour garantir un minimum d'accès à l'IVG dans le public, l'un des thèmes qui sera au centre de la manifestation féministe du 8 mars.
- "Ambulance" anti-avortement -
Depuis dix ans, le psychiatre Jesus Poveda vient régulièrement avec son équipe de "sauveteurs" devant la clinique Dator à Madrid, l'une des plus grandes du pays pour les IVG, afin de dissuader les femmes d'avorter.
"Interpellant directement" les patientes, il leur propose de monter dans son "ambulance", une petite fourgonnette équipée d'un échographe afin de "leur montrer que c'est un être vivant", explique ce professeur à l'Université autonome de Madrid.
Des manifestations qu'une proposition de loi vise actuellement à pénaliser, en les qualifiant de "harcèlement".
Ce texte, dont les socialistes du Premier ministre Pedro Sanchez sont à l'origine, a été adopté début février en première lecture par la Chambre des députés.
Pas de quoi décourager le Dr Poveda. "Nous allons continuer à venir", assure-t-il, se disant déterminé à "contourner la loi" si elle est définitivement adoptée.
Signe que les mouvements anti-IVG sont très actifs, l'Association des propagandistes catholiques (ACdP) a déployé en janvier 260 panneaux dans 33 villes, et notamment dans le métro de Madrid, avec le slogan "Prier devant une clinique qui pratique l'avortement, c'est génial".
- Autorisation parentale pour les mineures -
L'avortement a été dépénalisé en Espagne en 1985 mais pour trois motifs uniquement: viol, "risque grave" pour la femme et malformation fœtale.
Ce n'est qu'en 2010 que ce pays à forte tradition catholique a légalisé l'IVG sans justification médicale jusqu'à la 14ème semaine de grossesse.
En 2015, la droite, alors au pouvoir, voulait revenir à la loi de 1985. Rétropédalant finalement face aux levées de boucliers, dans un pays souvent à la pointe en matière de féminisme, elle avait tout de même réformé la législation pour obliger les mineures de 16 et 17 ans à fournir une autorisation parentale.
Une obligation - existant dans la plupart des pays européens à l'exception notamment de la France, de l'Allemagne et du Royaume-Uni - que l'exécutif espagnol veut aujourd'hui abroger.
La loi permet à "ces jeunes (...) de décider librement de se soumettre à une opération" d'un autre type comportant un risque vital, "mais on exige le consentement de leur parents" pour l'IVG, s'est indigné fin février la ministre de l'Égalité, Irene Montero.
De son côté, Marta Vigara espère que "les choses vont changer" car "quand on te renvoie" vers une clinique pour avorter, "tu te sens stigmatisée, comme si tu avais fait quelque chose de mal (...) Je me suis sentie coupable et misérable".
A.Ferraro--NZN