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Alors que Washington et Londres ont décidé d'arrêter les importations d'hydrocarbures russes, l'UE, qui est bien plus exposée, n'est pas prête à les suivre mais s'organise pour réduire de deux tiers dès cette année ses achats de gaz à la Russie.
Appelée par Kiev à durcir ses sanctions après l'invasion de l'Ukraine, l'UE exclut de viser les secteurs russes de l'énergie, principale source de revenus de Moscou. La Russie représente aujourd'hui 45% des importations européennes de gaz et de charbon et 25% de celles de pétrole.
Pour diminuer cette dépendance mais sans mettre en péril l'économie des pays les plus exposés, la Commission européenne a proposé mardi aux Vingt-Sept de diversifier leurs approvisionnements, gonfler leurs réserves et diminuer leur consommation d'énergie.
Bruxelles soumettra d'ici avril une proposition législative pour imposer un remplissage d'au moins 90% des réserves d'ici fin septembre dans l'UE avec des objectifs pour chaque pays et une solidarité entre Etats, a annoncé devant la presse la commissaire à l'Énergie Kadri Simson. Les stocks sont actuellement remplis à 30%.
Outre un recours accru à l'hydrogène et au biométhane, la Commission veut diversifier les approvisionnements de gaz, en discutant avec les principaux pays producteurs (Norvège, États-Unis, Qatar, Algérie) et en coordonnant l'utilisation des terminaux et gazoducs en Europe --qui a les capacités d'importer 50 milliards de m3 supplémentaires de gaz naturel liquéfié (GNL) par an. Elle veut aussi organiser des achats groupés de gaz.
L'UE mise en outre sur ses efforts pour rendre l'industrie et les bâtiments plus économes en énergie (isolation, modes de chauffage, électrification...).
"D'ici la fin de l'année, nous pouvons trouver des moyens de substitution à 100 milliards de m3 de gaz russe, soit les deux-tiers de nos importations actuelles (...) Ce sera sacrément dur, mais c'est possible", a martelé le vice-Président de la Commission Frans Timmermans.
Selon l'exécutif européen, l'UE pourrait se passer complètement de gaz russe "bien avant 2030".
La feuille de route sera discutée jeudi et vendredi par les chefs d'État et de gouvernement réunis en sommet à Versailles (France). Ils devraient s'engager à "sortir de (leur) dépendance aux importations de gaz, pétrole et charbon russes", mais sans calendrier, selon un projet de conclusions consulté par l'AFP.
- "Energies sales" -
Quelque 55% des importations allemandes de gaz viennent de Russie, ainsi que l'essentiel des approvisionnements de Finlande, Hongrie et République tchèque. Aucune alternative ne permettait de s'en passer "pour le moment", a averti Berlin.
"Ne nous faisons pas davantage de mal qu'on en fait à Poutine. Il ne faut pas déstabiliser nos sociétés au moment où nous devons rester unis", a reconnu M. Timmermans.
Dans l'immédiat, Bruxelles veut modérer l'impact de la flambée des prix pour les ménages et les entreprises en élargissant sa "boîte à outils" dévoilée à l'automne: une panoplie de mesures (régulation des prix, aides directes, abattements fiscaux, suppression de la TVA...) que les États peuvent adopter face à la crise énergétique.
Au-delà de conditions assouplies pour les aides publiques, la Commission permettra aux États de taxer les bénéfices des entreprises énergétiques pour les redistribuer et envisage un plafonnement temporaire des prix de l'électricité.
En revanche, si le recours temporaire au charbon n'est pas "tabou" pour les pays voulant diminuer rapidement leurs importations de gaz russe, "cela ne les dispense pas de leur engagement à atteindre" leurs objectifs de réduction des gaz à effet de serre pour 2030, a averti Frans Timmermans.
Sans convaincre les ONG environnementales: limiter ou cesser ses importations de gaz russe "ne doit pas servir de prétexte pour lancer de nouveaux projets dans les énergies fossiles, en Europe et aux Etats-Unis" alors que pour le GNL, "les géants des hydrocarbures accourent pour nous +sauver+ de la dépendance à la Russie", se désolait Mike Davis, de Global Witness.
"Nous avons les moyens de nous passer immédiatement du pétrole et du gaz russes, désormais tachés du sang des Ukrainiens. La politique la plus efficace est de réduire notre consommations d’énergie" car cela "réduirait le coût de remplacement des énergies sales", abondait Thomas Pellerin-Carlin de l'Institut Jacques Delors.
D.Smith--NZN