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Le couvre-feu instauré dans la nuit à Lima, après des manifestations violentes de transporteurs contre le coût des carburants, suscitait critiques et incompréhension mardi dans la capitale péruvienne où ont été déployés des policiers et des militaires, a constaté l'AFP.
Des hommes en arme étaient positionnés aux points stratégiques de la capitale et du port voisin de Callao où vivent 10 millions de personnes.
La mesure de couvre-feu, annoncée lundi soir par le président de la gauche radicale, Pablo Castillo, a créé la surprise, les violences de la veille s'étant déroulées à l'extérieur de la capitale.
"Nous avions des informations selon lesquelles il y allait y avoir des actes de vandalisme. C'est la raison pour laquelle nous avons pris cette mesure", s'est justifié mardi le ministre de la Défense, José Gavidia.
Le chef de l'Etat doit rencontrer à 15H00 locales (20H00 GMT) les parlementaires pour "analyser les propositions et mesures nécessaires pour trouver une solution à la crise qu'affronte le pays", selon un communiqué du Parlement.
Le couvre-feu, très critiqué sur les réseaux sociaux, était peu respecté mardi par de nombreux habitants de la capitale désireux d'aller travailler, sous l'oeil bienveillant des policiers et militaires.
Peu de voitures circulaient toutefois en comparaison du trafic habituel dense de Lima, et le manque de transports publics et de commerces alimentaires ouverts se faisaient sentir.
Une femme de ménage d'un hôtel a raconté à l'AFP qu'elle avait payé 30 soles (8 dollars) pour se rendre en taxi à son travail depuis la banlieue de Villa El Salvador, dans le sud de la capitale.
"C'était une mesure très tardive et improvisée", se plaint Cinthya Rojas, une nutritionniste hospitalière à un arrêt de bus dans la municipalité d'Agustino, dans l'est de Lima.
Les lignes de bus interprovinciales ont été suspendues, mais les liaisons aériennes intérieures et internationales fonctionnaient normalement, selon l'aéroport Jorge Chavez.
Dans plusieurs quartiers de la capitale, des habitants ont exprimé leur mécontentement en tapant sur des casseroles -forme traditionnelle de protestation en Amérique latine- pour contester la mesure du gouvernement, ont constaté des journalistes de l'AFP.
- "Disproportionnée" -
L'ex-candidate à la présidentielle de gauche, Veronika Mendonza, dont le parti avait collaboré au début de son mandat avec le chef de l'Etat, a exprimé son "rejet total d'une mesure arbitraire et disproportionnée".
Des manifestations et blocages de route se poursuivaient dans quelques villes du pays.
"Couvre-feu pour rétablir l'ordre, une mesure autoritaire du gouvernement de Pedro Castillo qui démontre son ineptie et son incapacité à gouverner", a commenté auprès de l'AFP l'analyste politique Luis Benavente.
M. Castillo, ancien enseignant de 52 ans, a décrété ce couvre-feu une semaine après avoir échappé à une deuxième procédure de destitution du Parlement où l'opposition fustige son manque de gouvernance et accuse son entourage de corruption.
Des affrontements entre manifestants et police ont eu lieu lundi dans plusieurs régions du Pérou en marge d'une grève des transporteurs contre la hausse du coût du carburant et des péages, ainsi que des denrées alimentaires.
C'est le premier conflit social qu'affronte le président depuis son élection en juillet 2021.
L'autoroute panaméricaine, qui relie Amérique du sud aux Etats-unis via l'Amérique centrale, a été bloquée aux nombreux camions qui l'empruntent et de nombreux postes de péage ont été incendiés.
Les rassemblements se sont accompagnés de scènes de pillage de magasins dans le sud et l'est du pays, selon des images de télévision.
"Je lance un appel au calme, à la sérénité. La protestation sociale est un droit constitutionnel mais il doit s'exercer dans le respect de la loi", a lancé le président Castillo en instaurant le couvre-feu "de 02h00 du matin à 11h59 mardi soir afin de protéger la sécurité publique" et "rétablir la paix et l'ordre".
Le gouvernement avait supprimé la semaine dernière un impôt sur les carburants dans un souci d'apaisement et également décrété une augmentation de 10% du salaire minimum qui atteindra l'équivalent de 277 dollars à partir du 1er mai.
Des mesures insuffisantes pour la Confédération générale des travailleurs péruviens (CGTP), le principal syndicat du pays, qui a appelé à de nouveaux rassemblements jeudi.
Le couvre-feu intervient alors que l'économie péruvienne peine à se relever du long confinement imposé par la pandémie de coronavirus et que de nombreux habitants de Lima survivent de travaux informels et commerces de rue.
O.Hofer--NZN