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Appels au meurtre, images pédophiles, campagnes de désinformation ou produits contrefaits... L'UE veut ramener l'ordre dans le Far West de l'Internet avec une nouvelle législation qui doit être finalisée vendredi par les Etats membres et le Parlement européen.
Le texte, discuté depuis près d'un an et demi, doit responsabiliser les très grandes plateformes du numérique, comme Facebook (Meta) ou Amazon, en les contraignant à mieux lutter contre les contenus illégaux et à coopérer avec les autorités.
Les représentants des institutions de l'UE se sont réunis peu après 10H00 à Bruxelles. Ils espèrent trouver un accord vendredi soir sur ce projet phare qui a suscité un lobbying intense des géants de la tech et de vifs débats sur la liberté d'expression.
Le règlement sur les services numériques ("Digital Services Act", DSA) constitue l'un des deux volets d'un plan d'envergure présenté en décembre 2020 par la commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager, et son homologue au Marché intérieur, Thierry Breton.
Le premier volet, le règlement sur les marchés numériques ("Digital Markets Act", DMA), qui s'attaque aux pratiques anticoncurrentielles, a été conclu fin mars.
Le DSA, lui, met à jour la directive e-commerce, née il y a 20 ans quand les plateformes géantes étaient encore embryonnaires. Objectif: mettre fin aux zones de non-droit et aux abus sur internet.
"Ce qui est interdit hors ligne doit l'être en ligne", a lancé vendredi Thierry Breton sur Twitter.
Les dérives des réseaux sociaux ont souvent défrayé la chronique. Assassinat du professeur d'histoire Samuel Paty en France, après une campagne de haine en octobre 2020, assaut de manifestants sur le Capitole aux Etats-Unis en janvier 2021, en partie planifié grâce à Facebook et Twitter...
La face sombre d'internet concerne aussi les plateformes de vente envahies de produits contrefaits ou défectueux, qui peuvent s'avérer dangereux à l'instar des jouets d'enfants ne respectant pas les normes de sécurité.
Le nouveau règlement stipule l'obligation de retirer "promptement" tout contenu illicite (selon les lois nationales et européennes) dès qu'une plateforme en a connaissance. Il contraint les réseaux sociaux à suspendre les utilisateurs violant "fréquemment" la loi.
Le DSA obligera les sites de vente en ligne à contrôler l'identité de leurs fournisseurs avant de proposer leurs produits.
- "Franchir la ligne d'arrivée" -
Au coeur du projet, de nouvelles obligations imposées aux "très grandes plateformes", celles comptant "plus de 45 millions d'utilisateurs actifs" dans l'UE, soit autour d'une vingtaine d'entreprises, dont la liste reste à déterminer mais qui incluront les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), ainsi que Twitter, et probablement TikTok, Zalando ou Booking.
Ces acteurs devront évaluer eux-mêmes les risques liés à l'utilisation de leurs services et mettre en place les moyens appropriés pour retirer des contenus problématiques. Ils se verront imposer une transparence accrue sur leurs données et algorithmes de recommandation.
Ils seront audités une fois par an par des organismes indépendants et placés sous la surveillance de la Commission européenne qui pourra infliger des amendes atteignant 6% de leurs ventes annuelles en cas d'infractions répétées.
Le DSA devrait imposer par exemple la suppression des images utilisées pour du "revenge porn" et interdire l'utilisation sans consentement des données sur les opinions politiques à des fins de ciblage publicitaire.
L'ancienne secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, a apporté jeudi soir son soutien au projet. "Pendant trop longtemps, les plateformes technologiques ont amplifié la désinformation et l'extrémisme sans avoir à rendre de comptes (...). Je demande instamment à nos alliés transatlantiques de faire franchir la ligne d'arrivée à la loi sur les services numériques et de soutenir la démocratie mondiale avant qu'il ne soit trop tard", a-t-elle écrit sur Twitter.
La lanceuse d'alerte américaine Frances Haugen, qui a dénoncé la passivité de Facebook face aux nuisances de ses réseaux sociaux, avait salué en novembre le "potentiel énorme" du DSA qui pourrait devenir une "référence" pour d'autres pays, y compris les Etats-Unis.
La fédération des associations européennes de consommateurs (BEUC) redoute toutefois que le texte n'aille pas suffisamment loin, notamment dans la vente en ligne. Elle juge indispensable que soient imposés aux sites commerçants des contrôles aléatoires sur les produits de leurs fournisseurs.
M.Hug--NZN