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Un "Amazon tour" pour redorer l'image du géant américain de la distribution en ligne, écornée par les critiques sur les conditions de travail: dans les coulisses du site robotisé d'Augny (Moselle), les curieux se disent "impressionnés".
"Je ne m'attendais pas à ça. Je savais qu'Amazon c'était gros, mais pas aussi imposant." Sandra Chaudy, infirmière de 53 ans, est notamment venue parce qu’elle a "fait de la robotique au bloc opératoire".
Durant une heure, elle et son mari ont suivi Malika Bour, employée d'Amazon qui les a guidés dans le titanesque entrepôt de 180.000 m² où officient 4.000 personnes en CDI. "En CDI?", redemande Sandra, étonnée, devant les stands dédiés aux salariés et marqués "Sécurité", "Handicap", "Intérim".
L'objectif de la visite, gratuite, est de montrer "ce qu'il se passe après le clic d'une commande" mais surtout de convaincre que "l'environnement de travail est calme, agréable et sûr", explique le directeur du site Pierre-Louis Debroise à l'AFP.
Et que les innovations technologiques concourent "à la sécurité et (au) bien-être" des salariés, dit Amazon dans un communiqué de presse.
C'est la raison pour laquelle le site d'Augny, à la technologie de pointe, a été choisi.
On y voit des étagères "du poids d'une girafe adulte" - selon Malika Bour - se mouvoir seules, glissant quasiment en silence sur un échiquier invisible.
Pour pénétrer dans cette zone marquée "danger", il faut revêtir un harnais équipé de telle sorte que les étagères repèrent l'employé.
Et dans l'entrepôt courent près de 30 kilomètres de convoyeurs, charriant quelque 30 millions de produits par jour, avec une vitesse et une précision surprenantes.
Sandra et Claude Chaudy sont "impressionnés".
- "Travail à la chaîne" -
Si le site d'Augny ouvre ses portes pour la première fois, Amazon proposait déjà l'expérience avant que la pandémie de Covid-19 ne vienne y porter un coup d'arrêt.
Ces "Amazon tours" ont débuté en 2019 sur trois sites - Lille, Boves dans la Somme et Orléans - et avaient accueilli 22.000 visiteurs cette année-là.
Une volonté de transparence pour le logisticien, régulièrement pointé du doigt.
En janvier, il a écopé d'une amende de 32 millions d’euros infligée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) pour son système de surveillance des salariés "excessivement intrusif". Il a fait appel.
En octobre 2023, le cabinet indépendant Progexa avait estimé que l'absentéisme des employés était "alarmant" et que les accidents du travail avaient doublé en 2022.
Selon son rapport, l'entreprise rencontre des difficultés "à stabiliser" ses effectifs dans ses entrepôts, 9 salariés sur 10 ayant moins de 5 ans d'ancienneté.
Un bémol apporté à l'argumentaire d'Amazon qui se targue d'"être devenu le premier créateur net d'emplois en France". Fin 2024, ses effectifs dans l'Hexagone devraient être portés à 24.000 salariés.
"Ce ne sont clairement pas les conditions de travail les plus horribles de France", reconnaît Sandra Holota, du syndicat CAT, qui dénonce plutôt des problèmes "avec certains managers".
Cette syndicaliste qui travaille depuis huit ans pour Amazon se dit "mitigée" auprès de l'AFP sur les visites, "intéressantes" pour le grand public mais qui restent "des vitrines". "On ne voit pas les gens qui courent partout, qui sont stressés, ce n'est pas la même ambiance."
Elle tance "le turn-over immonde", lié selon elle "aux intérimaires pas rappelés, aux salariés licenciés pour des motifs limites".
"On reste sur un travail à la chaîne", mais il y a "toute une partie fun" (goûters, décorations, événements...), résume Malika Bour.
Cette visite a-t-elle changé la perception que Claude Chaudy avait d'Amazon? Ce responsable d'un atelier de mécanique de 54 ans hésite: "Laissez-moi passer une nuit pour y réfléchir. (...) Je n'ai pas tout vu mais ce que j'ai vu m'a plu."
A.Weber--NZN