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L'idée iconoclaste "lui chemine dans l'esprit": inquiet de prévisions économiques mal évaluées, ayant abouti à un dérapage inédit du déficit public cette année, Pierre Moscovici, président du Haut conseil des Finances publiques (HCFP), verrait bien cet organisme prendre en main les prévisions.
Le rôle du HCFP, composé de magistrats de la Cour des comptes, d'économistes, du directeur de l'Insee, et présidé par M. Moscovici en tant que premier président de la Cour des comptes, est justement "d'apprécier le réalisme" des prévisions de croissance, de recettes ou de dépenses, sur lesquelles le gouvernement assied ses budgets et engagements auprès de Bruxelles.
"Trop optimiste": c'est souvent le verdict, car, a souligné M. Moscovici mercredi devant le Sénat, la prévision résulte souvent "d'une espèce de jeu de ping-pong entre l'administration et le politique".
Cela a été le cas pour la prévision de croissance 2024, prévue à +1,4% et qui devrait terminer à +1,1%, ou pour les recettes, évaluées initialement 41,5 milliards d'euros supérieures à ce qu'elles seront en réalité.
"Notre machine à prévoir les recettes est en partie cassée", a constaté M. Moscovici devant la commission des Affaires sociales du Sénat.
Une commission d'enquête à l'Assemblée nationale va devoir déterminer comment un déficit public 2024 annoncé en décembre dernier à 4,4% du PIB va finalement se retrouver à 6,1%.
"Il faudra comprendre ce qu'il s'est passé", a observé M. Moscovici, "non pas pour faire je ne sais quel procès en responsabilité, mais pour éviter que les erreurs constatées ne se reproduisent".
Pour l'instant "il y a encore un peu de mystère, un peu de boîte noire" sur les mécanismes ayant abouti à ce résultat, selon lui. Mais, quand on les connaîtra, "il faudra réfléchir aux solutions", a lancé l'ancien ministre des Finances de François Hollande, puis Commissaire européen aux Affaires économiques.
- Instiller -
Son idée, qu'il n'avait "jamais évoquée en public", parce que ça "ne correspond pas à notre culture administrative", serait radicale.
Il s'agirait de "sortir de notre culture purement administrative", et de "soustraire l'exercice de prévision à l'administration" pour "le confier à une institution indépendante". "Par exemple" le HCFP, a-t-il ajouté.
Pour lui, l'idée "n'est pas totalement baroque", puisque cela se fait ailleurs: c'est le cas au Royaume-Uni, où la prévision est confiée à l'Office for Budget Responsibility (OBR), a-t-il fait valoir.
La direction générale du Trésor, chargée d'élaborer les prévisions macroéconomiques du gouvernement, avait reconnu fin août, dans une note, que "la succession de crises en 2020-2023" (Covid-19, inflation) avait pu fragiliser "la performance des modèles de prévision de la croissance française à court terme".
Le ministre de l’Économie Antoine Armand, dont les services n'avaient pas réagi mercredi après-midi à la suggestion de M. Moscovici, a déjà promis pour sa part de réunir "dans les prochains jours" un comité scientifique chargé d'évaluer ces modèles et pourquoi ils ont failli.
M. Moscovici attend de pied ferme sa probable audition par la commission d'enquête de l'Assemblée, pour "élaborer un peu plus" la suggestion qu'il a "commencé à instiller" mercredi.
A partir de jeudi, les anciens locataires de Bercy, Bruno Le Maire (Finances), actuellement sorti de la vie politique, et Thomas Cazenave (Comptes publics), redevenu député, seront déjà questionnés par le Sénat sur le dérapage des finances publiques. Le Sénat réactive ainsi une mission d'information lancée en mars dernier.
Les deux anciens premiers ministres, Elisabeth Borne et Gabriel Attal, eux aussi députés désormais, répondront à leur tour au Sénat dans les jours suivants.
M. Moscovici donne rendez-vous "au début du printemps", pour proposer des solutions.
Cela correspondra à peu près à la remise des résultats de la Commission d'enquête de l'Assemblée, et à la publication par la Cour des Comptes du rapport sur l'exécution de la loi de finances 2024, qui devrait être sévère.
X.Blaser--NZN