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Près de l'emblématique "Grand Lisboa", symbole des casinos qui ont enrichi Macao, Suzanne Leong, propriétaire d'une boutique de vêtements en difficulté, s'inquiète comme beaucoup d'habitants de l'ultra-dépendance économique du territoire chinois à l'industrie du jeu.
Après la pandémie, les visiteurs sont revenus nombreux dans l'ex-colonie portugaise, qui occupe à nouveau la première place mondiale en termes de chiffre d'affaires pour les jeux d'argent, devant Las Vegas.
Macao célèbre cette semaine les 25 ans de sa rétrocession à la Chine. Deux décennies qui coïncident avec l'insolente prospérité des casinos, un secteur qui a fait des Macanais les plus riches Chinois en termes de revenu par habitant.
Mais pour nombre d'habitants comme Suzanne Leong, la reprise post-Covid bénéficie peu aux petits commerces et souligne la nécessité pressante d'une économie plus diversifiée. Si le gouvernement central à Pékin encourage depuis longtemps cette tendance, les résultats restent mitigés.
"Ce n'est pas simple de faire de Macao un endroit moins dépendant des casinos. Mais si on n'essaie pas maintenant, on aura encore moins d'options à l'avenir", déclare à l'AFP Mme Leong, 51 ans.
"Et parce que j'aime vraiment Macao, tout cela me fait peur", dit-elle.
Sa boutique attirait nombre de clientes il y a encore une décennie, lorsque les Macanaises, enrichies par leurs emplois dans le secteur du jeu, étaient friandes des dernières tendances.
Mais les habitudes ont changé.
Les acheteuses réduisent leurs dépenses et les touristes de Chine continentale se contentent de s'asseoir sur un banc public devant sa boutique pour manger leur déjeuner sur le pouce, sans rentrer à l'intérieur.
Résultat: ses bénéfices actuels représentent à peine 10% de ceux de l'époque.
"Macao a l'air prospère. Mais de nombreux restaurants et commerces souffrent" et "personne ne sait vraiment quoi faire", déplore Mme Leong.
- "L'argent entre trop facilement" -
L'âge d'or des casinos à Macao, seul endroit de Chine où ils sont autorisés, a véritablement commencé en 2002, lorsque les autorités ont mis fin au monopole du magnat Stanley Ho, aujourd'hui défunt, et autorisé l'arrivée d'exploitants étrangers.
Moins de cinq ans après, le territoire chinois semi-autonome surpassait Las Vegas en termes de chiffre d'affaires du secteur du jeu.
Preuve aujourd'hui de la dépendance de Macao aux casinos: ils génèrent 81% des rentrées d'argent public.
"Cela fait au moins dix ans que le gouvernement central espère que l'économie de Macao se diversifie. Mais rien n'a bougé", déclare Ieong Meng-u, politologue à l'université de Macao.
"Avec le secteur du jeu, l'argent entre trop facilement", relève-t-il.
Cependant, en 2022, les six exploitants des casinos macanais n'ont pu renouveler leurs licences qu'après s'être engagés à investir dans des activités non liées au jeu.
Ils doivent consacrer l'équivalent de 14,2 milliards d'euros à des chantiers de parcs d'attraction, de palais des congrès ou de salles de spectacle.
Le président chinois Xi Jinping, qui sera à Macao cette semaine pour assister aux célébrations, voudra probablement "voir de ses propres yeux ce que ces investissements non liés au jeu ont produit comme résultats", estime Ben Lee, fondateur de la société de conseil IGamiX.
- Matches NBA -
Les autorités municipales ont par ailleurs désigné six zones historiques à revitaliser, une pour chaque exploitant.
Mais "les casinos sont des entités économiques rationnelles. Ils feront uniquement le minimum qu'ils pensent nécessaire", selon M. Lee.
Les exploitants annoncent par ailleurs régulièrement concerts, conférences et événements sportifs. La ligue nord-américaine de basket NBA vient ainsi de conclure un accord pour organiser des matches de pré-saison à la Sands' Venetian Arena à partir de 2025.
Outre le tourisme, les autorités locales, dont le prochain dirigeant macanais, Sam Hou-fai, espèrent faire de certains secteurs les nouveaux moteurs économiques du territoire.
Il sera néanmoins "très difficile pour un endroit comme Macao d'avoir un avantage concurrentiel" dans les domaines proposés jusqu'à présent (services financiers, technologie ou encore médecine chinoise), juge Vitaly Umansky, analyste au cabinet Seaport Research Partners.
Même après une année "extrêmement difficile", Mme Leong ne compte toutefois pas fermer sa boutique.
"Il faut comprendre la situation actuelle et s'adapter", déclare-t-elle.
"Je ne quitterai pas Macao. Je veux que la ville devienne meilleure."
M.J.Baumann--NZN