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La Banque du Japon (BoJ) a maintenu jeudi le statu quo sur ses taux face à une conjoncture économique fragile, une décision attendue qui a fait trébuché le yen face à un dollar revigoré par la Fed.
Après l'avoir déjà relevé par deux fois cette année, la BoJ a gardé inchangé son taux directeur à 0,25%, arguant des "incertitudes élevées" persistant sur l'activité. Un statu quo conforme aux attentes du consensus d'analystes sondés par Bloomberg.
Afin de contrer le retour de l'inflation dans l'archipel depuis deux ans et demi, la Banque du Japon avait entamé en mars un resserrement de ses taux, après dix ans de politique monétaire ultra-accommodante où ils étaient restés quasi-nuls.
Or, même si elle reste au-delà de la cible de 2% fixée par la BoJ, la hausse des prix à la consommation au Japon a légèrement ralenti en octobre (+2,3% sur un an hors produits frais), après avoir déjà reculé en septembre, rendant moins pressant un nouveau tour de vis monétaire.
Surtout, la conjoncture reste précaire: si la BoJ constate dans son communiqué que "l'économie japonaise s'est redressée modérément", elle pointe les risques à venir concernant "l'évolution de l'activité, des prix et des salaires".
La croissance du PIB (Produit intérieur brut) de la quatrième économie mondiale ne cesse de s'essouffler, à 0,2% sur un an au troisième trimestre, contre 1,3% sur la même période en 2023.
- Discussions budgétaires -
De l'avis général, le gouverneur de la BoJ, Kazuo Ueda, cherche un moment approprié: une hausse inopinée des taux en juillet avait pris de court les investisseurs et fait dégringoler la Bourse de Tokyo, attisant la colère du gouvernement.
Une majorité d'experts mise désormais sur un prochain relèvement en janvier, après la finalisation du budget par le gouvernement minoritaire du Premier ministre Shigeru Ishiba.
Son cabinet vient de faire adopter un plan de relance colossal équivalant à 136 milliards d'euros pour doper le pouvoir d'achat face à l'inflation: enveloppes aux ménages à faibles revenus, subventions pour le carburant, baisse des revenus imposables... Mais pour le financer, le budget doit encore être révisé en profondeur.
"Alors que le gouvernement minoritaire discute de réformes budgétaires et fiscales avec les forces d'opposition (au Parlement), ce serait un mauvais moment pour la BoJ d'augmenter son taux" en décembre au risque de refroidir l'activité, estime Tsuyoshi Ueno, économiste au NLI Research Institute.
Par ailleurs, "le tableau des augmentations de salaires de 2025 sera plus clair en janvier", à mesure que progressent les négociations d'entreprises, ajoute M. Ueno interrogé par l'AFP.
-"L'incertitude" Trump-
Autre facteur imprévisible, la politique économique du président élu américain Donald Trump qui prendra ses fonctions en janvier. Les relèvements de droits de douane qu'il promet sont susceptibles de faire repartir l'inflation en hausse et de déstabiliser les échanges mondiaux.
"Ses décisions sur la finance, le commerce, l'immigration ont le potentiel non seulement d'affecter l'économie et les prix aux Etats-Unis, mais aussi d'avoir un impact significatif sur l'économie mondiale et le marché international des capitaux financiers", a averti Kazuo Ueda lors d'une conférence de presse.
"A l'heure actuelle, l'incertitude entourant les politiques de la prochaine administration (Trump) est élevée, je pense donc que nous devrons évaluer les effets possibles", a-t-il ajouté.
Il n'en fallait pas davantage pour aviver le spectre d'un nouveau statu quo de la BoJ en janvier: en réaction, la monnaie japonaise a chuté de 1,3% face au billet vert, à 156,77 yens pour un dollar, au plus bas depuis juillet.
La devise japonaise avait déjà glissé dans la nuit après un accès de prudence de la banque centrale américaine (Fed): celle-ci abaissé mercredi son taux directeur mais ne prévoit plus désormais que deux nouveaux coups de rabot en 2025, alors qu'elle tablait sur quatre en septembre.
Ce qui a douché les attentes du marché et fait décrocher le yen face à un dollar soudainement revigoré: des taux américains élevés maintenus plus longtemps rendront le dollar plus rémunérateur.
Pour autant, la BoJ "pourrait resserrer ses taux (en 2025) davantage que beaucoup ne l'anticipent", estime Marcel Thieliant.
Il fait valoir le renforcement récent de l'inflation sous-jacente (hors énergie et alimentation) et le renchérissement continu dans les services. "Et si les négociations salariales aboutissent à une nouvelle revalorisation importante, les coûts de main-d'œuvre continueront d'augmenter", alimentant la hausse des prix.
O.Meier--NZN