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L'ancien président du directoire de Wendel, Jean-Bernard Lafonta, a contesté lundi à la barre avoir "imposé" à ses cadres en 2007 un montage financier, dont l'accusation estime que le seul but était de mettre à l'abri du fisc plus de 300 millions d'euros.
Jean-Bernard Lafonta succède devant le tribunal de Paris à onze cadres, anciens et actuels, de la société d'investissement, ainsi qu'à l'ex-patron des patrons Ernest-Antoine Seillière, alors à la tête du conseil de surveillance.
Dans cette affaire pléthorique, ils doivent s'expliquer sur leur participation à une opération très sophistiquée baptisée Solfur, qui a permis à quatorze dirigeants d'appréhender un total de 315 millions d'euros de plus-values sans être imposés immédiatement.
Arrivé au début des années 2000 au sein de l'ancien groupe sidérurgique tricentenaire devenu société d'investissement, Jean-Bernard Lafonta est soupçonné d'avoir "supervisé" Solfur et d'avoir fait pression sur les cadres pour qu'ils y adhèrent.
Principal bénéficiaire avec quelque 116 millions d'euros, il est jugé pour fraude fiscale, mais aussi pour complicité de celle de ses coprévenus.
Celui qui a depuis cofondé le fonds HLD, 60 ans, veste sombre sur col roulé sombre, répond à la barre d'une voix égale, l'un de ses avocats lui glissant régulièrement des documents sous la barre.
La présidente lit un à un des mails saisis en perquisition, dans lesquels les responsables de Wendel, dont M. Lafonta, leurs réputés avocats fiscalistes et la banque JP Morgan dessinent le montage Solfur à partir d'octobre 2006.
Un schéma dont la "finalité n'était pas d'ordre fiscal" et dont lui-même ne saisissait pas, au début, toute la "complexité", assure M. Lafonta.
Fin janvier, l'opération est présentée aux cadres lors d'un séminaire annuel dans la chic station de Méribel (Alpes) - une "présentation d'une demi-heure, une heure" en "fin de journée", confirme le prévenu.
L'un des cadres a narré lors de l'instruction s'être, ce jour-là, opposé "d'une voix forte" à l'opération et avoir déclaré vouloir "payer l'impôt", avant que M. Lafonta ne mette un terme à cette discussion: "ce schéma est le meilleur possible", "il n'y en a pas d'autre", lit la présidente.
"Rien n'empêchait [ce cadre] de payer l’impôt en 2008, c’est une déclaration individuelle", balaye M. Lafonta, qui assure n'avoir "aucun souvenir" de cet échange.
- "Absurde" -
Le délicat montage d'intéressement passait par la création de sociétés et, pour certains, par un important endettement. Le but, pour le parquet national financier (PNF): placer artificiellement les plus-values sous un régime de "sursis à imposition", afin de "contourner" la loi et de différer, puis échapper, à l'impôt.
M. Lafonta n'a pas suivi ce schéma "générique", mais l'accusation estime que ses gains auraient dû, là aussi, être taxés.
Plusieurs cadres ont déclaré lors de l'instruction s'être vu forcer la main, poursuit la présidente. Dans des notes retrouvées chez lui, le directeur juridique de l'époque, Arnaud Desclèves, écrivait qu'il s'était fait "imposer" le schéma et notamment une clause empêchant la dissolution des sociétés avant 2010 - date de la prescription fiscale.
M. Desclèves était alors en "contentieux" avec Wendel, soutient Jean-Bernard Lafonta. "Tout ce qui a été écrit était absurde".
Après la crise financière de 2008, Solfur s'était avéré ruineux pour nombre de ses participants. S'estimant lésé, M. Desclèves avait engagé une procédure au tribunal de commerce contre Wendel.
Le procureur financier François-Xavier Dulin insiste: un autre prévenu a lui aussi déclaré ne pas avoir eu "le choix".
Pour "n'importe quelle personne" dans sa situation, "je pense que la tentation première est de dire tout pour se défendre, y compris +je n’ai pas eu le choix+", répond M. Lafonta.
Cet homme était "au plus haut niveau de responsabilité dans l'équipe d'investissements. Vous pensez qu’on nommait les gens à ce niveau de responsabilités s’ils n’étaient pas capable de comprendre ce qu’ils faisaient dans les opérations financières ?", lâche-t-il, ajoutant que les cadres se sont vu "proposer une heure de conseil gratuit" et "suggérer de prendre leur propre conseil".
En décembre 2010, comme tous les prévenus, Jean-Bernard Lafonta s'est vu notifier un redressement fiscal: 85 millions d'euros avec les pénalités. Après avoir payé sur plusieurs années, une transaction a été conclue avec le fisc - qui lui a remboursé 34 millions.
Invité à dire un dernier mot, il lâche: "Personne n’a jamais imaginé un instant que ce sujet-là pouvait avoir une dimension pénale".
Un ancien avocat fiscaliste est lui aussi jugé pour complicité de fraude fiscale. Les réquisitions sont attendues mardi.
G.Kuhn--NZN