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Après des mois de scandale du "partygate", Boris Johnson n'a plus que quelques heures pour sauver sa place: le Premier ministre britannique affronte lundi soir un vote de défiance de sa majorité.
La parenthèse festive du jubilé de platine célébrant les 70 ans de règne d'Elizabeth II à peine refermée, son 14e chef de gouvernement se trouve sur un siège éjectable en raison de l'affaire des fêtes à Downing Street pendant les confinements, relancée fin mai par un rapport dévastateur détaillant les violations des règles anti-Covid.
Le président du comité 1922 du Parti conservateur, Graham Brady, a annoncé que le seuil fatidique des 54 lettres de députés, soit 15% du groupe parlementaire, demandant le départ du dirigeant avait été atteint.
Le vote aura lieu entre 18H00 et 20H00 locales (17H00 et 19H00 GMT) à huis clos.
Si Boris Johnson est défait, une élection interne sera lancée pour désigner un nouveau leader du parti, qui deviendra Premier ministre, dans un contexte délicat de guerre en Ukraine et d'inflation au plus haut depuis 40 ans.
En cas de victoire, il ne pourra pas être visé par une autre motion de défiance pendant un an, mais son autorité risque d'en sortir considérablement fragilisée.
Dans une lettre aux députés conservateurs, Boris Johnson a plaidé pour sa cause, soulignant que le vote offrait "une occasion en or de laisser (le scandale) derrière nous": "Si nous pouvons nous montrer unis dans les jours à venir, alors nous pourrons gagner de nouveau et regagner la confiance des 14 millions d'électeurs qui ont voté pour nous".
En attendant le couperet, il a continué à travailler presque comme si de rien n'était, téléphonant au président ukrainien Volodymyr Zelensky et recevant la Première ministre estonienne Kaja Kallas -- sans l'accueillir sur le perron du 10, Downing Street devant les caméras et photographes comme le veut la tradition.
Il devait s'exprimer dans l'après-midi devant sa majorité, tandis que ses plus loyaux ministres s'employaient à le défendre à la télévision. Et en coulisses, ses conseillers étaient engagés dans d'intenses tractations pour arracher les 180 voix nécessaires à son maintien au pouvoir.
- Hué pendant le jubilé -
A l'origine d'une victoire historique dans les urnes en 2019 sur la promesse de sortir le pays de l'impasse du Brexit, le dirigeant de 57 ans a longtemps conservé une popularité inoxydable. Malgré l'accumulation des scandales, il s'est maintenu en mettant en avant son rôle moteur dans la réponse occidentale à l'invasion russe de l'Ukraine.
Il a aussi été favorisé par l'absence de successeur évident dans les rangs des conservateurs, au pouvoir depuis 12 ans au Royaume-Uni, surtout depuis que l'étoile du ministre des Finances Rishi Sunak, longtemps le chouchou du parti, s'est brusquement ternie en raison de sa fortune et des arrangements fiscaux de sa femme en période de crise du coût de la vie.
Mais la chute de sa popularité a déjà causé de lourds revers pour les conservateurs lors d'élections locales début mai. La majorité doute de plus en plus de la capacité de "BoJo", hué par la foule lors des célébrations du jubilé de la reine, à remporter les législatives de 2024.
Depuis la publication du rapport administratif sur le "partygate" fin mai, les appels à la démission ont été lancés au compte-gouttes. Dernier à sortir du bois lundi matin, le député Jesse Norman a jugé "grotesque" la défense du Premier ministre, lui-même visé par une amende pour une fête d'anniversaire surprise -- du jamais vu pour un chef de gouvernement en exercice.
Selon un sondage publié lundi par Opinium, 59% des Britanniques veulent que les conservateurs évincent leur leader -- mais seulement 34% des électeurs de la majorité.
Si des dizaines d'élus ont exprimé sur Twitter leur soutien au chef du gouvernement, l'ancien ministre Jeremy Hunt, souvent cité comme un prétendant à la succession, a annoncé qu'il voterait contre lui: "Nous n'avons plus la confiance des électeurs et nous sommes partis pour perdre les prochaines législatives".
Autre revers: le député John Penrose, chargé de la lutte anticorruption auprès de Boris Johnson, a démissionné, et invité le Premier ministre à faire de même, estimant qu'il avait enfreint le code ministériel.
S'il remporte le vote de lundi soir, les problèmes ne seront pas finis pour Boris Johnson.
Fin 2018, Theresa May avait survécu à une motion de défiance avant de démissionner quelques mois plus tard, trop affaiblie.
Une autre enquête sur le "partygate" est en outre prévue, celle-ci parlementaire. Si cette dernière conclut que Boris Johnson a trompé la Chambre des Communes en affirmant ne pas avoir enfreint les règles, il est censé démissionner.
A.Wyss--NZN