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Le départ de la numéro 2 de Meta/Facebook, Sheryl Sandberg, ne changera probablement pas grand-chose au comportement du géant californien, estime dans un entretien à l’AFP Frances Haugen, l’ex-salariée qui accuse Facebook de privilégier systématiquement ses profits au détriment de la sécurité de ses utilisateurs
Après 14 ans dans le groupe, devenu sous sa houlette un mastodonte d'internet, Sheryl Sandberg a annoncé la semaine dernière qu'elle allait quitter Meta.
Le choix de son remplaçant, Javier Olivan, montre bien que le groupe "n'écoute pas le reproche fondamental qui lui est fait", affirme la lanceuse d'alerte.
En annonçant sa promotion, le patron et fondateur de Meta (Facebook) Mark Zuckerberg avait salué le "solide bilan" de Javier Olivan, qui était jusqu'à maintenant en charge de la "croissance" commerciale chez Facebook.
Ce département incarne "beaucoup des choses que je considère comme problématiques" dans l'entreprise, souligne Frances Haugen, qui participe jeudi après-midi, par vidéo-conférence, au Forum international de la cybersécurité (FIC) de Lille.
Sollicité sur ces déclarations par l'AFP, Meta n'avait pas réagi dans l'immédiat.
La croissance commerciale et financière de Facebook s'est accompagnée d'une méfiance croissante à l'égard de l'impact sociétal du réseau social, alimentée par des mises en cause du rôle de la plateforme dans des tentatives de désinformation et de manipulation électorale.
Selon Frances Haugen, si Sheryl Sandberg n'a pas toujours su tenir tête à Mark Zuckerberg, elle n'en est pas moins celle qui a tenté d'apporter des réponses aux critiques sur le rôle de Facebook.
"C'est elle qui a mis en place les services qui se sont préoccupés de la sécurité des gens vivant dans des endroits fragiles, comme l'Ethiopie", a-t-elle indiqué, en allusion notamment à l'équipe de "réponse stratégique" de Facebook, capable d'intervenir rapidement en situation de crise.
Frances Haugen se montre en revanche "prudemment optimiste" sur l'évolution des choses chez Twitter, autre grand réseau social sur la sellette pour son rôle dans la désinformation, que le multimilliardaire Elon Musk projette de racheter et de retirer de la Bourse.
"Si Facebook prend des mauvaises décisions, c'est en partie parce que c'est une société cotée", dit-elle. Si Musk retire Twitter de la Bourse, "il aura une opportunité de faire le nettoyage qui s'impose" sans craindre de faire chuter le cours de l'action, explique-t-elle.
Elon Musk veut notamment que Twitter prenne des mesures beaucoup plus fermes contre les comptes alimentés par des robots, au risque de diminuer l'audience du réseau social et donc ses ressources publicitaires.
- La sécurité plus "prise au sérieux" -
D'une manière générale, la jeune femme ne regrette pas d'avoir endossé ce rôle de lanceuse d'alerte mondiale sur les excès des réseaux sociaux.
"J'ai été vraiment encouragée par le fait que les dirigeants du monde entier nous ont prêté une attention sérieuse", confie-t-elle. "Et beaucoup de journalistes m'ont dit que chez Facebook, les discussions sur la sécurité sont prises beaucoup plus au sérieux en interne, grâce à mes révélations."
Facebook a doublé ses dépenses annuelles pour la sécurité, de 2,5 à 5 milliards de dollars, indique-t-elle.
Plus généralement, Frances Haugen se félicite des débats en cours aux Etats-Unis sur les réseaux sociaux et salue le Digital services act (DSA), la nouvelle législation européenne qui cherche à mettre un peu d'ordre dans la jungle numérique.
Et elle continue son combat: obliger les réseaux sociaux à plus de transparence sur leurs algorithmes et la manière dont ils influencent l'opinion et les comportements.
Elle est en train de lever des fonds pour créer un outil de simulation des réseaux sociaux, qui pourrait être utilisé par les scientifiques pour étudier en détail les effets des algorithmes.
"Les débats sur les réseaux sociaux, et sur ce qu'ils devraient être, ont changé", se félicite-t-elle.
Ch.Siegenthaler--NZN