Zürcher Nachrichten - Au bac français, une part encore marginale pour les oeuvres de femmes

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Au bac français, une part encore marginale pour les oeuvres de femmes
Au bac français, une part encore marginale pour les oeuvres de femmes / Photo: JOEL SAGET - AFP/Archives

Au bac français, une part encore marginale pour les oeuvres de femmes

Olympe de Gouges, Madame de Lafayette, Marguerite Yourcenar: trois femmes sont cette année au programme du bac français, dont l'écrit a lieu jeudi. La place des autrices progresse lentement, mais on partait de loin et leur présence reste encore très inférieure à celle des auteurs.

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"Ceux qui font les programmes des examens veillent maintenant à ce qu'il y ait des femmes. Mais évidemment, il y a encore des progrès à faire", résume Françoise Cahen, professeure de lettres en lycée à Alfortville (Val-de-Marne), qui avait lancé en 2016 une pétition "Pour donner leur place aux femmes dans les programmes de littérature du bac L".

Une oeuvre écrite par une femme, "La Princesse de Montpensier" de Mme de Lafayette, avait été inscrite au programme des Terminales du bac littéraire en 2018, une première depuis 1997.

Depuis, "il y a eu des évolutions positives", relève Françoise Cahen. Mais le nombre de femmes n'est "quand même pas énorme" et "on a tendance à tourner toujours autour des mêmes autrices".

Depuis la réforme du bac en 2019, les enseignants doivent retenir pour l'examen quatre oeuvres parmi douze proposées, une par genre littéraire. Au total, quatre femmes ont été sur cette liste depuis la réforme. Elles sont trois cette année en voie générale: Olympe de Gouges ("Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne") pour la "littérature d'idées", et Madame de Lafayette ou Marguerite Yourcenar (au choix) dans la catégorie "roman et récit".

Elles seront deux l'an prochain: Olympe de Gouges à nouveau et Colette ("Sido" et "Les Vrilles de la vigne").

"C'est un petit progrès. Mais la tendance, ça reste la littérature patrimoniale, avec encore assez peu de femmes", constate Viviane Youx, présidente de l'Association française pour l'enseignement du français (AFEF).

Une présence qualifiée de "symbolique" par Pierre Mathieu, professeur de lettres au lycée Angela Davis à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), et coauteur d'une tribune en 2020 sur la "durable disproportion entre autrices et auteurs dans nos programmes".

- "Une affaire d'hommes" -

Pour lui, on reste "dans une vision anecdotique dans la manière dont on introduit les femmes dans l'étude de la littérature". "Dès qu'on met une autrice au programme, elle doit nécessairement parler de condition féminine", comme Olympe de Gouges qui a pourtant écrit d'autres oeuvres, dont une pièce sur l'esclavage, déplore-t-il.

Pour Julien Marsay, professeur de lettres à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), auteur d'un compte Twitter et bientôt d'un livre sur les "autrices invisibilisées", les femmes retenues sont des "exceptions cautions".

"On en retient quelques unes, et elle servent de caution pour dire +d'accord, il y en avait bien quelques unes qui savaient manier la plume, mais ce sont les exceptions qui confirment la règle, selon laquelle l’écriture est une affaire d'hommes", analyse-t-il.

Parmi les autres freins à une plus forte présence des femmes de lettres, les enseignants évoquent notamment la méconnaissance des autrices. Elles ont été peu étudiées par les futurs professeurs lors de leur formation, leurs oeuvres sont peu représentées dans les éditions scolaires et universitaires, et elles font rarement partie des programmes des concours d'enseignants.

"On doit avoir plus de femmes consacrées dans ce qu'on appelle +le canon littéraire+, comme par exemple le programme de l'agrégation", estime Françoise Cahen.

Les professeurs observent là aussi un frémissement. L'agrégation de lettres modernes par exemple propose régulièrement une oeuvre de femme, alors qu'il n'y en avait aucune pendant des années. "Mais on est là à les compter", tempère Françoise Cahen.

Pour Jeanne Chiron, enseignante-chercheuse et présidente de l'association Le Deuxième texte, qui vise à donner plus de place aux femmes de lettres, "il y a une envie, un besoin pas seulement militant mais aussi politique d’entendre sonner d'autres voix".

"La volonté d'évoluer est là de la part des enseignants", renchérit Pierre Mathieu. "C'est vraiment la culture collective telle qu’elle s’est constituée qui doit évoluer".

G.Kuhn--NZN