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Une dose de prévention et de classiques serrages de boulons : l'Assurance maladie a présenté jeudi 30 mesures pour freiner ses dépenses à hauteur de 1,2 milliard d'euros l'an prochain, ce qui ne suffira pas à combler un déficit à deux chiffres.
Toujours pas sortie du Covid, la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) maintient un objectif d'économies moitié moindre que les deux milliards visés chaque année avant la crise sanitaire – sur un total d'environ 230 milliards de dépenses.
Signe des nouvelles priorités de l'exécutif, son traditionnel rapport "charges et produits" pour 2023 fait la part belle à la prévention – désormais accolée à l'intitulé du ministère de la Santé.
La Cnam met en particulier l'accent sur l'insuffisance cardiaque, avec une campagne d'information grand public sur les "signes d'alerte" à partir de fin septembre et la volonté de généraliser la télésurveillance aux 300.000 malades les plus "sévères".
Un suivi à distance également promu pour les diabétiques, afin d'éviter les complications liées à la maladie, via des outils numériques (applis, appareils connectés) ou le service d'accompagnement téléphonique Sophia.
L'Assurance maladie souhaite par ailleurs rattraper le retard accumulé depuis deux ans en matière de dépistage des cancers (côlon, sein, utérus) et de vaccination des adolescents contre le papillomavirus humain (HPV), quitte pour cela à transmettre aux médecins la liste de leurs patients concernés.
D'autres propositions font écho aux promesses de campagne d'Emmanuel Macron, comme le "repérage systématique des troubles visuels et du langage pour tous les enfants de 3 ans" – le chef de l'État réélu évoquait une "détection précoce des écarts de développement", sans préciser à quel âge.
Si ce pari de la prévention est censé "porter des effets à long terme" (le gain de la campagne antigrippale de 2017-18 est ainsi estimé à près de 50 millions), ces nouvelles approches "par pathologie" ou "populationnelles" ne représentent toutefois qu'une minorité (160 millions d'euros) des économies projetées pour 2023.
– Négociations serrées –
Le gros morceau (750 millions) cible comme d'habitude les médicaments (moins d'antibiotiques, plus de biosimilaires), les dispositifs médicaux (apnée du sommeil, pansements), les arrêts de travail ou encore les transports sanitaires.
Un effort accru contre la fraude et les abus des soignants (300 millions) est aussi annoncé, avec un meilleur "contrôle des facturations" et de nouvelles "actions à l'encontre des centres dentaires déviants".
Le passage en revue des "préjudices", entamé au printemps avec notamment un focus sur les infirmiers, doit se poursuivre avec d'autres estimations sur les pharmaciens, kinés et médecins attendus d'ici la fin de l'année, entre autres.
En attendant, l'Assurance maladie profite de son rapport annuel pour poser quelques jalons avant une série de négociations serrées. Les marges "élevées" des laboratoires d'analyses biologiques, dopées par la crise sanitaire, sont ainsi mises en avant pour justifier une renégociation des tarifs à la rentrée.
Même calendrier et même méthode pour les dentistes : désireuse d'étendre le "100% santé" à l'orthodontie, la Cnam met en exergue les dépassements d'honoraires et les revenus des professionnels concernés.
Idem pour les médecins, qui devront remettre à plat leur convention avec la Sécu : leurs revenus, mais surtout le coût croissant de leurs prescriptions sont analysés en détail. En contrepartie de nouvelles "délégations de tâches" aux paramédicaux et de "consultations avancées" des spécialistes dans les déserts médicaux, la caisse est cependant prête à accorder aux praticiens une rallonge pour payer davantage d'assistants médicaux et régler le problème des 6 millions d'assurés sans médecin traitant.
Mais au bout du compte, les traitements recommandés ne guériront pas l'Assurance maladie du mal profond des déficits creusés par le Covid : après les records abyssaux de 2020 (-30 milliards) et 2021 (-26 milliards), les pertes devraient encore atteindre 19 milliards cette année et se maintenir à plus de 13 milliards l'année prochaine et les suivantes. Une nouvelle cure d'austérité semblant exclue, le remède reste encore à inventer.
A.Wyss--NZN