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Touchée par la vertigineuse chute des volumes du courrier engendrée par les messageries électroniques et la paresse épistolaire, l'imprimerie de timbres de La Poste cherche à se diversifier, pour mieux maintenir la tradition philatélique.
Installée depuis 1970 à Boulazac, dans la banlieue de Périgueux, cette vaste usine d'apparence banale a notamment le monopole de l'impression des timbres utilisés en France. Mais elle en fabrique à peine plus d'un milliard par an aujourd'hui, soit trois fois moins qu'il y a dix ans.
Production vedette: la Marianne des timbres ordinaires. Elle est toujours imprimée en taille-douce, procédé le plus noble utilisant une plaque d'acier doux --le poinçon-- gravée en creux et à l'envers à l'aide d'un burin, à travers un microscope.
C'était au tour des timbres rouges --pour des courriers théoriquement distribués le lendemain-- de sortir quand l'AFP a visité l'atelier. La respectable imprimante des années 1960 produit 3.500 feuilles de 100 timbres par heure, régulièrement alimentée par un badigeon d'une encre maison au délicieux aspect de coulis de fraise.
"C'est toujours le produit phare", souligne Olivier Zuzlewski, le directeur de l'établissement.
Moins chic mais sans doute plus spectaculaire: l'héliogravure, dans l'atelier d'à côté. Une énorme machine permet d'imprimer rapidement des carnets de timbres, en recto-verso. Les bandes de papier autocollant sont délicatement perforées en cours de route, juste assez pour que les timbres puissent se détacher du fond sans qu'il finisse en pièces détachées.
"Il faut une heure pour fabriquer cette bobine", décrit le maître imprimeur Damien Lavaud, après avoir vérifié que les timbres du jour, une série sur des tableaux célèbres qui sera commercialisée en septembre, sont bien conformes. "Elle fait 4 km de long, il y a près d'un million de timbres!"
Quelle que soit la technique d'impression, des bandes phosphorescentes invisibles à l'oeil nu permettent aux centres de tri d'authentifier les timbres et d'identifier les tarifs.
- Timbre numérique -
Un peu partout, des bobines et des piles de timbres, inspectées toutes les semaines par un huissier. Tout est surveillé et sécurisé. Et le visiteur est prié de ne pas être trop curieux, au cas où son oeil s'égarerait sur une série destinée à sortir à l'autre bout du monde dans six mois.
Car l'imprimerie périgourdine fabrique aussi des timbres destinés à une vingtaine de pays, comme Monaco, le Japon ou le Maroc.
"On propose notre savoir-faire à l'international", explique Gilles Livchitz, directeur de Philaposte, la direction qui chapeaute les activités philatéliques.
"Il faut gagner des appels d'offres", dit-il. "On est obligé de se battre!"
Heureusement, le stratégique marché des timbres de collection, bien plus rentables, "se maintient".
"Avec un timbre vendu 1,16 euro qui reste sur une enveloppe et la fait voyager, il reste une toute petite marge pour le groupe La Poste", expose M. Livchitz. "Avec un timbre du programme philatélique, il reste une bonne marge pour le groupe La Poste s'il est mis dans un album et est conservé."
"La philatélie reste le premier loisir de collection en France", même si les amateurs vieillissent, ajoute M. Zuzlewski.
Bon an mal an, l'imprimerie périgourdine produit environ un milliard de timbres pour la France dont 50 à 60 millions pour la philatélie, et 200 millions pour l'étranger, indique-t-il.
Philaposte met un point d'honneur à maintenir les différentes techniques d'impression et à transmettre le savoir-faire, souligne le directeur de l'établissement. Mais pour maintenir l'activité malgré la baisse du nombre de timbres --et garder les 400 employés--, l'entreprise se diversifie dans l'impression de documents sécurisés: pages de passeport, chèques, vignettes automobiles et même étiquettes de bouteilles pour des grands crus.
"La méthode pour fabriquer les timbres a des avantages", remarque M. Zuzlewski: "Sur la première page du passeport, il y a de la taille-douce."
"On a pris un beau virage! Le site est certifié, sécurisé. On donne confiance à nos clients", affirme Gilles Livchitz, qui se refuse à parler d'argent.
Il faut dire que La Poste savonne elle-même la planche des timbres. Elle va lancer l'an prochain un modèle numérique qui les remplacera: il faudra récupérer en ligne un code alphanumérique de huit caractères, qu'il suffira de recopier sur la carte ou l'enveloppe.
F.Carpenteri--NZN