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Recapitalisations à prévoir, stratégie d'intervention à "actualiser": la Cour des comptes alerte dans un rapport publié dimanche sur les risques pesant après la crise sur l'Etat actionnaire qui a déjà mobilisé de gros moyens pour soutenir les groupes dont il est au capital.
La Cour des comptes s'est intéressée dans ce rapport à la gestion par l'Etat de la pandémie en tant qu'actionnaire d'entreprises, que ce soit via l'Agence des participations de l'Etat (APE), qui gère les participations publiques dans les grandes entreprises (EDF, Air France-KLM, Orange, etc.), ou via la Caisse des dépôts (CDC) et Bpifrance.
Les sages saluent la mobilisation "efficace" de l'Etat en 2020 pour soutenir les groupes dont il détient une partie du capital, estimant que les "puissants moyens" déployés "ont joué un rôle clé dans quelques opérations d'envergure", comme par exemple en faveur d'Air France-KLM, de Renault ou d'EDF.
Au total, ces interventions ont représenté des "coûts élevés" pour l'Etat, souligne la Cour, estimant l'impact budgétaire pour 2020 à environ 15,5 milliards d'euros: 2,4 milliards de dividendes non perçus, 9 milliards de recettes en moins sur d'éventuelles cessions, dont celle d'ADP, et 4 milliards d'intervention en capital, (hors augmentation de capital de 4 milliards de la SNCF considérée par la Cour comme non liée à la crise).
S'y ajoute une perte de patrimoine évaluée à environ 11 milliards d'euros, dont 9,7 milliards pour le seul portefeuille géré par l'APE, liées à la baisse de valeur des participations de l’État, concentrées dans les transports et l'énergie, secteurs très touchés par la crise.
"Au-delà des coûts constatés en 2020, la crise sanitaire qui n’est pas achevée au moment de la rédaction du présent rapport, a des conséquences sur les perspectives des entreprises concernées et entraîne des risques de coûts futurs pour l’actionnaire public", craint toutefois la Cour.
- problèmes "structurels" de certains fleurons -
Plus que pour Bpifrance ou la Caisse des dépôts (CDC), la Cour s'inquiète surtout pour l'APE qui gère les participations publiques dans les grandes entreprises: "les effets retardés de la crise pour les participations gérées par l’APE pourraient être significatifs", prévient-elle.
Elle évoque notamment au-delà de la crise de 2020 "des besoins de recapitalisation", pour certains fleurons industriels, qui ont "des problèmes plus structurels de rentabilité et de trésorerie".
Elle cite par exemple Air France-KLM, qui a déjà dû transformer l'an dernier une avance consentie par l’État en emprunt à durée indéterminé et lancer une première augmentation de capital, essentiellement souscrite par l’État.
Dans sa réponse au rapport de la Cour, la présidente du conseil d'administration du groupe aérien, Anne-Marie Couderc, évoque d'ailleurs une "opération d’augmentation de capital au premier semestre" 2022, qui permettrait "de commencer à rembourser les aides dont le groupe a bénéficié".
La Cour cite une étude de l'APE de décembre 2020 qui évalue le besoin d'argent public pour renforcer les fonds propres d'entreprises en difficulté entre 7 et 20 milliards d'euros, selon des scénarios plus ou moins optimistes (hors interventions pour EDF et la SNCF).
Déjà critique dans un rapport de 2017 sur la politique de l’État actionnaire, la Cour appelle cette fois clairement ce dernier à "actualiser" la stratégie mise en place en 2017, qui définit que les cessions de participations par l'APE doivent financer ses prises de participations.
Car la crise a réduit les possibilités de cessions dans l'immédiat et la perception de dividendes, tandis que les besoins d'intervention sont "potentiellement très élevés, qu’il s’agisse d’accompagner des entreprises publiques dans leur transformation ou de s’engager plus avant dans la protection d’entreprises stratégiques, les perspectives de recettes traditionnelles de l’État actionnaire sont incertaines", note-t-elle.
La Cour voudrait aussi que les rôles respectifs de l'APE, de la CDC et de Bpifrance soient clarifiés pour une meilleure politique de l'Etat actionnaire.
Une voie que ne semble pas vouloir emprunter le gouvernement. Dans sa réponse à la Cour, le Premier ministre Jean Castex estime qu'une telle réflexion serait "prématurée", alors que la doctrine de 2017 "montrait des conséquences pleinement satisfaisantes" avant la crise.
B.Brunner--NZN