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A trois ans, cette petite fille de Soweto lit mieux que 80% des enfants sud-africains en fin de primaire.
Lethukuthula Bhengu, déjà une star sur TikTok, a bluffé la chaîne pour enfants Nickelodeon qui l'a désignée plus jeune "kidfluencer" de l'année.
Crapahutant sur un tapis de jeu figurant l'alphabet, elle attrape soudain un livre qu'elle parcourt avec fluidité, à voix haute, sans s'arrêter pour reprendre son souffle devant ses parents réjouis.
"Ma maman m'a appris à lire", dit Lethu à l'AFP, en brandissant le livre violet figurant un éléphant dansant vêtu d'une marinière. Mon livre préféré c'est "Tippie aime batifoler", précise avec sérieux la petite aux tresses serrées, en pantalon à carreaux et chaussures blanches.
Ses talents de lecture précoces, et si rares en Afrique du Sud où une récente étude montre que 81% des enfants de dix ans peinent à lire et comprendre en même temps, lui valent d'être suivie par un million de "followers" sur TikTok.
Trente ans après la fin de l'apartheid, le pays reste marqué par l'éducation au rabais longtemps imposée à la population noire sous le régime ségrégationniste.
"L'éducation publique est à la traîne, c'est aux parents d'assurer un bel avenir à leurs enfants", estime le papa de Lethu, Phakiso Masooa, 27 ans.
Avec son épouse, ils ont commencé à lui apprendre à lire dès ses deux ans, voyant qu'elle arrivait à mémoriser et associer mots et objets, notamment quand ils faisaient ds courses.
Brahm Fleisch, de l'université de Witwatersrand, estime que le rapport mondial sur l'alphabétisation (Pirls), qui classe l'Afrique du Sud au dernier rang des 57 pays étudiés, confirme "une grave crise", liée selon lui à "la pédagogie des enseignants, mais aussi au programme scolaire".
- Inégalités criantes -
Selon Jessica Ronaasen, experte en apprentissage auprès de l'ONG Do More Foundation, les écoles rurales dépourvues de ressources révèlent les "énormes inégalités" du pays.
Le manque de matériel de lecture et, dans certains cas, d'infrastructures telles que des toilettes, sont quelques-unes des caractéristiques de la crise de l'éducation, relève-t-elle.
Pauvreté et malnutrition n'arrangent pas les choses. Des millions d'enfants comptent sur l'école pour manger un repas par jour.
Alors que les écoles privées aisées, en contraste saisissant, disposent souvent de salles de concert, de piscines, d'équipements sportifs et d'ateliers d'art, ainsi que de grandes bibliothèques.
La ministre de l'Education, Angie Motshekga, a en partie imputé à la pandémie de Covid-19, qui a contraint les écoles à fermer pendant près d'un an, la responsabilité des "résultats décevants" de l'étude internationale publiée cette semaine.
Pourtant, les problèmes existaient déjà avant le coronavirus, souligne Shenilla Mohamed, directrice d'Amnesty International Afrique du Sud.
Le père de la petite fille qui éblouit les Sud-Africains, inondé de demandes de parents désireux d'améliorer le parcours éducatif de leurs enfants, a ainsi récemment monté une société pour produire et vendre des "supports d'apprentissage pratique".
"Nous intégrons l'apprentissage dans tout ce que nous faisons pour que ce soit amusant", explique-t-il, "nous n'essayons pas de montrer que Lethu est le seul enfant capable de le faire".
F.E.Ackermann--NZN