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Les écoles d'infirmiers font face à un paradoxe: une filière "attractive", avec un nombre record de candidatures sur la plateforme d'orientation post-bac Parcoursup, mais une formation qu'abandonnent quantité d'étudiants lors du cursus, aggravant encore un peu plus la pénurie de soignants.
Les 365 instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) ont reçu plus de 689.000 dossiers de candidatures sur la plateforme d'orientation post-bac en 2021, selon le ministère de l'Enseignement supérieur. Il y a seulement quatre ans, les instituts recensaient 180.000 candidatures.
Une envolée qui s'explique - en partie - par la réforme de 2019. Jusqu'alors, les candidats devaient passer un concours pour chaque école à laquelle ils postulaient, avec frais d'inscription à la clé et déplacements. Depuis 2019, les bacheliers candidatent sur dossier auprès de dix Ifsi maximum, à travers Parcoursup, sans frais ni concours.
"Le métier est très valorisé et respecté" dans l'opinion publique "mais il existe un gouffre entre la formation et la réalité du terrain", dit à l'AFP Mathilde Padilla, présidente de la fédération des étudiants infirmiers (Fnesi). Le diplôme d'infirmier représente "une filière attractive" mais qui peine à retenir les étudiants, constate-t-elle.
Un "gouffre" qui explique, selon la jeune femme, les défections au cours du cursus de formation.
Ces abandons se traduisent ensuite en difficultés de recrutement par les hôpitaux, selon une commission d'enquête du Sénat publiée en mars.
Ainsi, deux mois après la rentrée 2021, près de 13% des étudiants ont lâché leur formation, selon les chiffres de 165 Ifsi transmis au Comité des instituts de formation du paramédical (Cefiec).
Soit autant de futurs infirmiers perdus pour un secteur "aux besoins de recrutement très importants", rappelle Amélie Roux, responsable des ressources humaines pour la Fédération hospitalière de France (FHF).
- "Erreurs d'orientation" -
Campagne de pubs, annonce d'ouverture de 10.000 contrats d'apprentissage à la rentrée prochaine: le gouvernement vient d'annoncer une série de mesures pour varier les profils d'étudiants dans le paramédical.
Dans un secteur où écoles et établissements de santé ont peu recours aux contrats d'apprentissage, le gouvernement espère ainsi attirer un nouveau public et limiter le nombre d'abandons dus à des raisons financières.
Pour les représentants d'étudiants et formateurs infirmiers contactés par l'AFP, l'apprentissage est "un moyen, mais pas la solution à tout". "Entre les stages et les apprentissages théoriques", la formation dans le paramédical s'appuie déjà sur le travail de terrain, souligne Amélie Roux, de la FHF.
C'est la confrontation avec la réalité de l'hôpital ou autres établissements de soins, découverts pendant les stages, qui est la première cause des abandons par les étudiants lors de leur cursus, pointe Mathilde Padilla. L'enquête du Cefiec évoque, elle, les "erreurs d'orientation" et des "motifs personnels" plaidés par les étudiants sur le départ.
"Le concours donnait au moins aux étudiants le temps de maturer un projet et de réfléchir au métier d'infirmier", avance Michèle Appelshaeuser, présidente du Cefiec.
Le rapport du Sénat publiée fin mars tacle la "moindre pertinence" de l'accès en école via Parcoursup.
"La sélection, où il n'y a plus d'entretien, n'est pas adaptée", a jugé Rémi Salomon, président de la commission médicale des Hôpitaux de Paris, lors de son audition au Sénat. La "demande surabondante" de lycéens souhaitant devenir infirmiers "dirige vers les Ifsi trop de profils paraissant insuffisamment motivés ou préparés à la réalité de la formation", estime le rapport du Sénat.
La présidente de la fédération d'étudiants infirmiers dit être "complètement contre" un retour du concours d'entrée. Mathilde Padilla en appelle plutôt à une homogénéisation des critères de recrutement entre les 365 Ifsi, et surtout à un "travail sur l'orientation", dès le lycée, pour éviter les désillusions une fois en école.
L.Zimmermann--NZN