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En Birmanie, des villageois étaient livrés à eux-mêmes mardi au milieu des ruines, deux jours après le passage du cyclone Mocha qui a fait, selon des responsables locaux, au moins 41 morts et plus de 100 disparus dans l'Etat Rakhine (Ouest) où vit la minorité musulmane apatride persécutée des Rohingyas.
Avec des vents soufflant jusqu'à 195 km/h, Mocha s'est abattu dimanche entre Sittwe, capitale de l'Etat Rakhine, et Cox's Bazar au Bangladesh voisin où est installé un dédale de camps de réfugiés rohingyas qui ont fui les violences de l'armée birmane.
Vingt-quatre villageois sont morts à Khaung Doke Kar et 17 à Bu Ma, près de Sittwe, ont indiqué à l'AFP des responsables locaux et des habitants.
Le dernier décompte établi lundi par la junte faisait état de cinq morts et d'un nombre non précisé de blessés. On ignore si certains des morts de Bu Ma et de Khaung Doke Kar étaient inclus dans ce décompte.
- "Une centaine de disparus" -
"Il y aura d'autres morts car plus d'une centaine de personnes sont portées disparues", prévient Karlo, chef de Bu Ma.
Mocha, plus grosse tempête en plus d'une décennie dans la région, a ravagé les villages et les camps rohingyas, abattu arbres et pylônes électriques et détruit les bateaux de pêche.
Mardi matin, des habitants de Bu Ma arpentaient le bord de mer en quête de parents disparus depuis le passage du cyclone, ont constaté des journalistes de l'AFP.
- "On a tardé à décamper" -
Non loin, Aa Bul Hu Son, 66 ans, venait d'inhumer sa fille, neuvième membre de sa famille tué par le cyclone.
"Je n'étais pas en bonne santé avant le cyclone, on a tardé à décamper", explique-t-il à l'AFP.
"Nous allions partir, soudain les vagues ont surgi et nous ont emportés", se souvient-il. "J'ai perdu ma femme, quatre filles, trois fils et une petite-fille".
"Là, c'est le dernier cadavre, celui d'une de mes filles. Je viens de trouver son corps dans le lac du village et je l'ai enterré immédiatement", confie-t-il, "je n'ai pas de mots pour exprimer ma perte".
Les communications se rétablissaient lentement mardi à Sittwe, où vivent environ 150.000 personnes, ont constaté des journalistes de l'AFP, les routes ayant été déblayées et l'internet restauré.
La minorité musulmane des Rohingyas est la cible de restrictions de déplacements à l'intérieur de la Birmanie, où elle vit dans des conditions proches de l'apartheid, selon les groupes de défense de droits humains.
Bien qu'installés dans le pays depuis des générations, la plupart des Rohingyas n'ont pas accès à la citoyenneté, ni à la santé ou à l'éducation, dans ce pays à majorité bouddhiste que l'armée gouverne depuis le coup d'Etat du 1er février 2021.
Le bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a déclaré qu'il cherchait à confirmer des informations selon lesquelles des Rohingyas dans des camps de déplacés avaient trouvé la mort dans la tempête.
Le HCR "tente de mener des évaluations détaillées dans les camps de déplacés et sur différents sites afin d'obtenir une représentation plus claire de la situation", a-t-il précisé.
- Sans aide ni nourriture -
Au Bangladesh, les dommages dans les camps de réfugiés rohingyas, où vit environ un million de personnes dans 190.000 abris de bambou et de bâches, étaient minimes, selon des responsables.
Le secrétaire du ministère bangladais de la Gestion des catastrophes, Kamrul Hasan, avait affirmé lundi à l'AFP que le cyclone n'avait fait aucune victime.
"Même si l'impact du cyclone aurait pu être bien pire, les camps de réfugiés ont été durement touchés et des milliers de personnes ont désespérément besoin d'aide", a déclaré l'ONU en lançant un appel urgent à l'aide.
En Birmanie, des photos publiées par des médias d'Etat ont montré de l'aide destinée à l'Etat Rakhine en train d'être chargée sur un navire à Rangoun. Mais selon des Rohingyas, rien ne leur est encore parvenu.
"Aucun gouvernement, aucune organisation n'est venu dans notre village", a déclaré à l'AFP un habitant de Bu Ma, Kyaw Swar Win, 38 ans.
"Nous n'avons pas mangé depuis deux jours (...) nous n'avons rien reçu et personne n'est venu s'enquérir de nous".
Ces dernières années, une amélioration des prévisions météorologiques et des évacuations plus efficaces ont drastiquement réduit le nombre des morts sur le passage des cyclones.
Selon l'organisation ClimateAnalytics, la hausse des températures induite par le changement climatique pourrait avoir contribué à l'intensité de Mocha.
En 2008, le cyclone Nargis avait dévasté le delta de l'Irrawaddy en Birmanie, faisant au moins 138.000 morts.
Le gouvernement de l'époque avait fait l'objet de critiques internationales pour sa gestion de cette catastrophe naturelle, accusé d'avoir bloqué l'aide d'urgence et refusé l'accès aux travailleurs et aux fournitures humanitaires.
B.Brunner--NZN