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Le monde change sur fond de bond "phénoménal" des énergies propres, souligne mardi l'Agence internationale de l'énergie (AIE), selon laquelle la demande de combustibles fossiles reste toutefois encore "trop élevée" pour respecter les objectifs climatiques mondiaux.
"Dans l’état actuel des choses, la demande de combustibles fossiles devrait rester bien trop élevée" pour contenir la hausse des températures à 1,5°C par rapport à l'ère pré-industrielle, met en garde l'AIE dans son rapport annuel publié à un mois de la conférence climatique de l'ONU (COP28).
"Malgré la croissance impressionnante des énergies propres" portée par les politiques actuelles, les émissions de gaz à effet de serre resteraient "suffisamment importantes" pour faire grimper les températures moyennes d'environ 2,4°au cours de ce siècle.
Pour autant, "infléchir la courbe des émissions" pour limiter le réchauffement à 1,5°C reste "possible", même si le chemin s'annonce "très difficile", insiste l'Agence, à l'approche de la COP28 prévue du 30 novembre au 12 décembre à Dubaï, où d'âpres débats sont attendus sur l'avenir des énergies fossiles.
- "Politiques plus fortes" -
"La transition vers une énergie propre est en cours dans le monde entier et elle est inévitable. Ce n’est pas une question de +si+, c’est juste une question de +quand+ — et le plus tôt sera le mieux pour tout le monde", a déclaré le directeur de l'AIE Fatih Birol, en commentant ce rapport, une projection du monde de l'énergie en 2030.
A cet horizon, l'AIE estime qu'il devrait y avoir dix fois plus de véhicules électriques sur la route qu'aujourd'hui et que la part des renouvelables dans le bouquet électrique mondial approchera 50% (contre 30% actuellement).
Depuis 2020, les investissements dans les énergies propres ont crû de 40%. Mais des "politiques plus fortes sont nécessaires", prévient l'AIE, qui préconise de tripler d'ici à 2030 la capacité d'énergies renouvelables, de réduire de 75% les émissions de méthane des activités pétro-gazières ou encore de mettre un terme aux projets de centrales électriques à base de charbon.
"Compte tenu des tensions et de la volatilité qui caractérisent aujourd'hui les marchés énergétiques traditionnels, les affirmations selon lesquelles le pétrole et le gaz représentent des choix sûrs pour le monde entier ne sont pas fondées", avertit Fatih Birol.
L'Opep, le cartel des exportateurs de pétrole, a déclaré récemment que le monde aurait encore besoin d'énergies fossiles pendant de nombreuses années.
"Ce n'est seulement le secrétariat de l'Opep mais des compagnies pétrolières, notamment nord-américaines, qui ont les mêmes attentes", a souligné mardi le patron de l'AIE lors d'une conférence de presse.
"Je suggère humblement que les patrons du pétrole ne parlent pas seulement entre eux, mais à d'autres secteurs liés à l'énergie, aux constructeurs automobiles, aux fabricants de panneaux solaires, aux consommateurs, aux investisseurs... Cela pourrait conduire à une meilleure vision, plus équilibrée, du marché", a-t-il estimé.
Pour l'AIE, les besoins imposeront d'investir encore dans les infrastructures pétrolières en activité; le monde n'a en revanche pas besoin de nouveaux projets.
- "Redoubler de coopération" -
De fait, l'Agence, émanation de l'OCDE, s'attend à ce que la demande de gaz, pétrole et charbon connaisse un pic dans la décennie. En l'état des politiques actuelles, leur part dans l’approvisionnement énergétique mondial, depuis des décennies à environ 80%, diminuerait à 73% d’ici 2030, et les émissions de CO2 liées à l’énergie culmineront d’ici 2025.
L'évolution de l'économie chinoise, son ralentissement, mais aussi ses changements structurels, ses moindres besoins d'équipement, devraient aussi aller dans ce sens, a souligné Laura Cozzi, une des auteurs du rapport.
Mais ce mouvement de moindre demande fossile ne s'annonce pas égal d'un pays à l'autre.
"Le défi urgent est d'accélérer le rythme des nouveaux projets d'énergie propre en particulier dans de nombreux pays émergents et en développement", selon l'AIE qui préconise d'y multiplier par cinq d'ici à 2030 les investissements dans la transition énergétique (hors Chine). Et pour cela, il faudra, souligne-t-elle, "redoubler de coopération" internationale.
"La vitesse à laquelle les émissions diminueront dépendra en grande partie de notre capacité à financer des solutions durables pour répondre à la demande énergétique en augmentation des économies à croissance rapide", a souligné M. Birol.
O.Hofer--NZN