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Ni tombe ni couronne mais une urne enterrée au pied d'un arbre: alternatives aux cimetières, les forêts sanctuaires essaiment dans l'est de la France, comme autant de projets écologiques inspirés par l'exemple allemand.
Gabrielle et Jean-Pierre Grasser, 81 et 85 ans, se promènent dans un bois de Muttersholtz, à une quarantaine de kilomètres au sud de Strasbourg. Près d'un chêne, un pavé commémoratif émerge des feuilles mortes: avec un nom, un prénom ainsi que des dates de naissance et de décès, il marque l'emplacement où une urne a été mise en terre. Trois petites plaques discrètes signalent la présence d'autres urnes.
Venu de Barr, à une vingtaine de kilomètres, le couple découvre cette forêt sanctuaire ouverte en mars. Favorables à une crémation, les octogénaires réfléchissent au sort de leurs cendres.
"L'idée de repos éternel dans un cadre comme celui-ci me convient mieux qu'une niche dans un columbarium de cimetière. Je trouve ça très apaisant et en plus c'est dans l'air du temps, dans l'écologie", estime Gabrielle Grasser.
"Cela nous rapproche un petit peu plus de la nature que nous aimons", abonde son conjoint.
"Plusieurs personnes sont venues voir et ont réservé un emplacement", se félicite Luc Dettwyler, adjoint au maire, ajoutant que les espaces prévus autour d'un majestueux chêne classé arbre remarquable sont déjà "presque complets".
La commune de 2.200 habitants s'est lancée dans ce projet en 2017 après avoir visité une initiative similaire à une trentaine de kilomètres de là, côté allemand.
Une zone - en accès libre - a été "sanctuarisée" en forêt communale. Certains chênes, noisetiers ou acacias ont été sélectionnés, et près de 500 urnes pourront être enterrées. Les concessions, d'une durée de 30 ans, coûtent entre 600 et 1.000 euros selon la taille de l'arbre et sont ouvertes aux personnes extérieures à Muttersholtz moyennant 200 euros supplémentaires.
Un espace de recueillement a aussi été aménagé avec des pierres taillées permettant à petits et grands de s'asseoir.
"C'est un lieu que nous essayons de laisser le plus proche possible de la nature", explique l'adjoint au maire.
- Retour à la nature -
Très répandu en Allemagne, le concept de forêt sanctuaire ou cinéraire ne se développe que depuis quelques années en France.
Le village d'Arbas, en Haute-Garonne, a été le premier à tenter l'expérience en 2019, mais son projet a été suspendu par la préfecture car il prévoyait d'attribuer des concessions payantes pour l'inhumation d'urnes biodégradables, ce qui n'est pas prévu par la loi.
D'autres communes plus urbaines ont suivi, comme Schiltigheim, qui compte environ 32.000 habitants.
A la différence de Muttersholz, où le projet s'est développé dans un bois existant, dans cette banlieue de Strasbourg des arbres ont été plantés dans une partie du cimetière ouest dédiée à la forêt sanctuaire. Elle pourra accueillir 1.760 urnes.
Pour Bernard Jenaste, adjoint à l'état civil, cet espace porte une "symbolique très forte": "il y a un lien entre le vivant de l'arbre et la personne défunte".
Schiltigheim a été accompagnée par l'association Au delà des racines, cofondée en 2017 par Denise Heilbronn, une passionnée de nature désireuse de voir cette option se développer.
"Vieillissant moi-même, je ne veux pas finir dans une concession en marbre avec des fleurs en plastique, ça ne me correspond pas, et je ne veux pas contraindre mes filles à entretenir une tombe tous les six mois", expose-t-elle.
Elle affirme recevoir "des demandes de communes partout en France": "le manque de place dans les cimetières est criant", explique-t-elle, évoquant le vieillissement de la génération du baby boom et l'après-covid.
Les Français sont aussi de plus en plus nombreux à préférer la crémation à l'inhumation.
Aujourd'hui, des grandes villes s'intéressent au concept, comme Nancy, qui prévoit d'ouvrir en décembre une forêt cinéraire plantée sur un espace de 6.000 m2 du cimetière du sud. Les cendres des habitants de la ville y seront enfouies gratuitement, sans fleurs, ni couronnes, ni signes distinctifs.
"Nous sommes la première grande ville à proposer ce service", souligne Chantal Finck, adjointe au maire chargée de la qualité du service public.
"Cela répond à une attente sociétale et c'est aussi une démarche environnementale, dans une dynamique de retour à la nature", explique l'adjointe. Elle voit cette future forêt comme un "lieu pour se recueillir mais aussi pour se promener".
A Muttersholtz, les Grasser ont fait leur choix. Le couple a décidé de réserver une concession au pied d'un noisetier. "On l'espère pour le plus tard possible".
P.Gashi--NZN