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Le projet législatif sur la restauration de la nature, texte-clé pour préserver la biodiversité dans l'UE, fait l'objet d'ultimes négociations entre eurodéputés et Etats membres, notamment sur son application aux terres agricoles, après une violente bataille au Parlement européen.
Cette législation, qui imposerait aux Etats des objectifs contraignants de restauration des terres et espaces marins abîmés, doit être finalisée jeudi entre les négociateurs du Parlement et la présidence espagnole de l'UE représentant les Vingt-Sept.
Les eurodéputés avaient arrêté leur position initiale mi-juillet, dans un hémicycle profondément fracturé à l'issue d'âpres débats où fusaient les invectives.
Depuis, "le psychodrame et la polarisation irrationnelle qu'on a connus ont cédé la place à une négociation habituelle, rationnelle, où l'on trouve les compromis qui permettent d'avancer", observe Pascal Canfin, président (Renew, libéraux) de la commission parlementaire Environnement.
Partisan d'une "pause" des réglementations vertes, le Parti populaire européen (PPE, droite) avait réclamé en plénière le rejet complet du texte, pointant l'impact potentiel pour l'agriculture, la pêche, les énergies renouvelables, ou le risque de favoriser les feux de forêt.
Fustigeant des "contre-vérités", la gauche et le centre dénonçaient une posture électoraliste du PPE à un an du scrutin européen de juin 2024.
La motion de rejet avait finalement été écartée à une courte majorité et le texte voté par les eurodéputés, même si ses dispositions étaient considérablement amoindries --avec la suppression complète de l'article visant les surfaces agricoles.
Cette version édulcorée a été confrontée ces derniers mois à la position plus ambitieuse adoptée en juin par les Etats.
- "Obligations démesurées" -
Des solutions sont trouvées sur plusieurs points de divergence (avec un assouplissement sur l'objectif de bois mort laissé en forêt par exemple).
Mais les discussions continuent d'achopper sur les objectifs de restauration impartis aux terres agricoles, que les Etats veulent réintégrer au texte, à rebours du mandat des eurodéputés.
"La question est de savoir quelles flexibilités on ajoute pour trouver un point d'atterrissage intermédiaire", indique Pascal Canfin. En jeu notamment: des objectifs de restauration des tourbières, de populations de pollinisateurs ou d'oiseaux...
"On veut bien, dans un esprit de compromis, réintroduire des éléments, mais sans obligations complètement démesurées qu'on ne pourra atteindre", réagit Anne Sander, eurodéputée française PPE.
"Sur l'agriculture, difficile de contenter tout le monde. Une piste de compromis pourrait être de mettre la réintégration des terres agricoles en balance avec la création d'un +frein d'urgence+" que réclamait le PPE, souligne une source parlementaire.
Les eurodéputés avaient introduit ce dispositif permettant aux gouvernements de suspendre automatiquement l'application du texte en cas d'impact socio-économique "exceptionnel".
- Dérogations -
La Commission et les Etats ont endossé l'idée d'un tel "frein d'urgence", mais à condition que seul Bruxelles puisse le déclencher, pour une période maximale d'un an.
"C'est donnant-donnant: ça ne sert à rien de prévoir ce frein si le texte ne s'applique pas aux écosystèmes agricoles", souligne la source parlementaire.
"La Commission aurait tout pouvoir pour le déclencher, mais sur quels critères? Il faut davantage de clarté", insiste Anne Sander, préoccupée de l'impact agricole et soucieuse de voir mentionner l'impératif de "sécurité alimentaire".
Autre point dur: le principe de non-détérioration (maintien en bon état) appliqué à de vastes zones, potentiellement hors des aires classées Natura2000.
Etats comme eurodéputés préfèrent imposer des obligations de moyens (l'adoption de mesures appropriées), plutôt que de résultats (objectif chiffré), mais la formulation --plus ou moins contraignante-- reste vivement débattue.
En discussion également: une disposition, ajoutée par les eurodéputés, qui mettrait en cohérence la restauration des aires marines avec la politique de la pêcheEn discussion également: une disposition, ajoutée par les eurodéputés, qui mettrait en cohérence la restauration des aires marines avec la politique de la pêche.
"Une législation faible vaut mieux que pas de loi du tout", mais si trop de dérogations sont introduites, "cela pourrait saper les avancées réalisées dans d'autres textes", s'inquiète Ioannis Agapakis, juriste de l'ONG ClientEarth.
"Un résultat insuffisamment à la hauteur serait le signe que les décideurs ne sont pas prêts à affronter les crises du climat et de la biodiversité, contre les intérêts de leurs citoyens et de l'économie. Il sera peut-être trop tard pour rectifier le tir ultérieurement", avertit-il.
Selon Bruxelles, quelque 80% des habitats naturels dans l'UE sont dans un état de conservation "mauvais ou médiocre".
J.Hasler--NZN