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Affamés, vulnérables et marqués par plus de sept mois de conflit implacable au Soudan, 15 lions ont été évacués des abords de la capitale vers l'est du pays par l'organisation Four Paws (Quatre Pattes), lors d'une mission ultra-sensible en zone de guerre.
Lions, hyènes, chats sauvages, oiseaux: au total, "près de 50 animaux" ont été évacués la semaine dernière par Four Paws depuis une réserve proche de Khartoum gérée par le "Sudan animal rescue center", a indiqué l'association autrichienne dans un communiqué.
A une heure de route au sud-est de Khartoum, la réserve d'Al-Baguir se trouve "à proximité immédiate d'une base militaire en proie aux combats", explique à l'AFP Osman Salih, le fondateur du "Sudan animal rescue center".
"Beaucoup d'obus et de bombes sont tombés dans le refuge, endommageant les infrastructures et blessant certains animaux", poursuit cet ingénieur de 39 ans.
La guerre entre militaires et paramilitaires qui fait rage au Soudan depuis le 15 avril a déjà fait plus de 10.000 morts, selon l'ONG Armed Conflict Location & Event Data Project (Acled), une estimation considérée comme largement sous-évaluée.
Les animaux d'Al-Baguir n'ont pas été épargnés. En sept mois, "on a perdu sept lions, la plupart à cause de maladies", relate M. Salih, évoquant le cas d'une lionne "touchée mortellement par une balle perdue puis dévorée par ses congénères".
"Un comportement inhabituel", souligne à l'AFP Amir Khalil, vétérinaire de Four Paws en charge de la mission d'évacuation.
- "Affaiblis et traumatisés" -
"Les animaux sont très affaiblis physiquement et souffrent de graves problèmes de santé. Psychologiquement ils sont tous traumatisés", assure le vétérinaire égypto-autrichien, qui s'est rendu au Soudan pour négocier le transfert.
Aujourd'hui toutefois, il a des raisons de se réjouir. Ses protégés ––15 lions, quatre hyènes, six chats sauvages et de nombreux oiseaux et reptiles-- sont arrivés à bon port dans l'est du pays, où ils sont soignés par les autorités.
Cette mission, explique M. Khalil, figure "parmi les plus importantes et les plus dangereuses" menée par son organisation, qui n'en est pas à sa première intervention en zone de conflit.
Pour partir, il a fallu injecter aux animaux des sédatifs afin de les transférer de leurs enclos vers les cages de transport. Une fois les fauves, volatiles et autres vertébrés à bord du camion, le convoi a foncé à toute allure, direction le parc national d'Oum Barona, à 140 kilomètres au sud-est d'al-Baguir, où les animaux sont temporairement pris en charge.
Une "mission de sauvetage hautement planifiée", assortie de nombreuses "mesures de sécurité" et surtout "de communications avec les deux parties au conflit", précise le Dr Khalil.
Four Paws avait déjà mené des missions en Libye pendant le Printemps arabe et dans le territoire palestinien de Gaza après la guerre de 2014. En 2017, l'organisation a sauvé un lion et un ours d'un zoo à Mossoul, ancien fief de l'organisation Etat islamique (EI) en Irak.
- "Petits lionceaux" -
L'opération au Soudan s'est avérée périlleuse et "extrêmement coûteuse", souligne M. Salih. Mais elle était devenue indispensable.
"On a travaillé très dur pour fournir de la nourriture et de l'eau pendant la guerre mais c'était très compliqué", explique l'ingénieur, depuis un pays où l'eau courante et l'électricité manquent et où la nourriture se fait de plus en plus rare.
Ses fauves n'en sont pas à leur première évacuation. En 2020 M. Salih les avait découverts affamés au zoo de Khartoum. Il avait alors lancé une campagne pour les sauver, ouvrant dans la foulée le refuge d'Al-Baguir pour les accueillir.
"J'ai même personnellement pris soin de Moody et de Mina lorsqu'ils étaient encore de petits lionceaux", se remémore-t-il.
L'année dernière, des bénévoles d'Al-Baguir faisaient visiter à l'AFP leur réserve, racontant comment ils se relayaient chaque jour pour nourrir chacun des félins.
Un engagement d'autant plus important que le nombre de lions africains dans le monde a chuté de 40% en trois générations, selon le Fonds mondial pour la nature (WWF). Ils ne sont plus qu'un peu plus de 20.000 à l'état sauvage, dont une poignée au Soudan.
Au parc d'Oum Barona, "les animaux ont besoin de quelques jours pour se rétablir", indique Amir Khalil.
Ils seront ensuite transférés vers un autre parc soudanais, le parc national de Dinder, près de la frontière avec l'Ethiopie. Et ceux qui ont besoin de soins supplémentaires pourraient entamer un nouveau périple.
"Sûrement en Jordanie", avance le vétérinaire.
O.Hofer--NZN