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"Dérive sanitaire", "élevage à risque": des amendes ont été requises vendredi à Brest contre un des plus gros élevages de porcs breton, poursuivi pour maltraitance animale après une plainte de l'association L214, des accusations niées par le gérant qui a crié au "complot".
"On est bien sur un mode de fonctionnement délictuel", a estimé la représentante du ministère public Solenn Briand, pointant les "mauvais traitements" infligés aux animaux.
"Contrôles après contrôles, les manquements persistent. C'est extrêmement préoccupant", a-t-elle ajouté, en requérant deux amendes de 60.000 euros, dont 20.000 euros avec sursis, à l'encontre des deux sociétés concernées (la SARL Kerdoncuff et la SCEA de Trebeolin).
Ces deux sites, affiliés au groupe Eureden (ex-Triskalia) et situés au sud de Brest, peuvent abriter plus de 18.000 animaux simultanément, selon l'avocat de la défense, David Le Blanc.
En novembre 2019, l'association L214 avait déposé plainte après avoir diffusé une vidéo montrant des bâtiments sales, des animaux enserrés dans des cages, en détresse, blessés ou morts.
Les enquêtes de la gendarmerie et de la Direction départementale de la Protection des populations (DDPP) confirmeront ce constat: truies avec des plaies nécrosées et des escarres, absence de lumière, animaux sans soins et sans accès permanent à l'eau fraîche, etc..
Lors de plusieurs contrôles inopinés en 2019, 2020 et 2021, les mêmes constatations sont effectuées, à tel point que l'élevage est menacé d'une suspension d'activité.
"C'est le premier dossier où, au bout de quatre ans, je ne peux pas attester de la conformité de cet élevage", a témoigné Loïc Gouyet, de la DDPP du Finistère, pointant "un problème de compétence et d'encadrement des salariés".
Le gérant de l'élevage, Dominique Kerdoncuff, 57 ans, a d'ailleurs refusé le dernier contrôle en septembre 2022, faits pour lesquels il est également poursuivi.
A la barre du tribunal correctionnel, M. Kerdoncuff, basket et doudoune bleue, a nié tout manquement, affirmant faire ce métier "par passion" et dénonçant un acharnement et même un "complot" de la vétérinaire d'Eureden "avec l'administration".
Cette vétérinaire avait, dès début 2019, alerté sur cet "élevage à risque", parlant d'une "dérive sanitaire à bas bruit" et d'une "dégradation lente mais continue", selon des courriels lus à l'audience.
"C'est faux, elle ment", a rétorqué M. Kerdoncuff, dont une des sociétés a dégagé un bénéfice net de 1,08 million d'euros en 2020. L'élevage, qui emploie 22 salariés, est le deuxième plus gros du Finistère, premier département de France pour la production de porcs.
L'avocate de L214, Caroline Lanty, a remarqué que les animaux d'élevage bénéficiaient d'une protection "qui n'est pas appliquée sur le terrain", la DDPP ayant indiqué n'effectuer que 60 contrôles par an sur 1.300 élevages dans le Finistère.
"On n'est pas sur des exploitants harcelés par la méchante administration française", a ironisé Me Lanty.
Un particulier qui inflige de tels traitements à un animal domestique est souvent condamné à une interdiction de détenir un animal, a-t-elle remarqué. Une peine qui n'a pas été requise en l'espèce.
La décision sera rendue le 1er mars.
T.Furrer--NZN