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Des dizaines de manifestants ont forcé une grille et se sont affrontés au service d'ordre samedi à l'intérieur du Salon de l'agriculture alors qu'Emmanuel Macron est arrivé sur place pour rencontrer des syndicats et, ensuite, tenter d'inaugurer officiellement l'événement sous haute présence policière.
Les manifestants sont entrés dans le Salon sans être fouillés avant l'ouverture officielle, comptant des agriculteurs exaspérés de la Coordination rurale, de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs, reconnaissables à leurs drapeaux et casquettes distinctives. Cherchant le président de la République dans les allées, ils en sont venus aux mains avec le service d'ordre qui tentait de les stopper, et des coups ont été échangés, selon des journalistes AFP.
De nombreux CRS ont soudain été déployés à l'intérieur et les manifestants ont été contenus, mais des sifflets et huées étaient assourdissants.
"Rendez-le!", crient des manifestants. "Macron démission!" scandent certains.
En même temps, le président est ailleurs dans le salon, en sécurité, autour d'une table pour rencontrer les responsables syndicaux.
"La chasse au Macron est ouverte!" ont scandé des militants de la FNSEA. "Il est où?" crient certains.
Au petit matin, le président du syndicat majoritaire FNSEA avait déclaré vouloir "écouter ce que le président a à nous dire dans une forme de respect du cadre". Cela "risque parfois d'être un peu tendu", avait ajouté le responsable syndical, par ailleurs président du conseil d'administration du géant industriel Avril.
"On attend des réponses très claires, une vision très claire. Il a toutes les clés en main pour amener des réponses. A lui de jouer, à lui de redonner un vrai cap à cette agriculture", a complété son homologue du syndicat allié Jeunes agriculteurs (JA), Arnaud Gaillot.
Des adhérents de la FNSEA et des JA ont passé la nuit sur l'esplanade devant le parc des expositions. Quelques uns ont dormi sur la paille, d'autres dans des cars.
Les présidents français passent généralement des heures, voire la journée entière, au Salon, et les incidents ne sont pas inhabituels. Nicolas Sarkozy avait lancé "Casse-toi, alors, pauvre con!" en 2008 à un homme qui refusait de lui serrer la main. François Hollande s'était fait huer et insulter par des éleveurs en 2016.
"Avec nous, les gars sont calmes, fiers d'être là, dans un esprit convivial. À l'intérieur, on peut pas gérer", car il n'y aura "pas que des gars de chez nous", a dit à l'AFP le secrétaire général de la FNSEA, Hervé Lapie.
- "Bras d'honneur" -
La crise, qui couvait depuis l'automne, a explosé à partir du 18 janvier, menant à deux semaines de blocages d'autoroutes, finalement levés le 1er février. Le Premier ministre Gabriel Attal a fait plusieurs salves d'annonces sur des dizaines de sujets: pesticides, normes, simplifications administratives, aides aux éleveurs ou aux viticulteurs, contrôles dans les grandes surfaces contre la fraude sur l'origine française des produits, nouvelle loi consacrant l'agriculture comme un intérêt fondamental de la nation...
Les ONG environnementales dénoncent un recul écologique, notamment sur les pesticides dont l'usage ne sera plus mesuré comme auparavant, mais leur discours contre l'agriculture intensive, tout comme celui du syndicat altermondialiste Confédération paysanne, est peu audible face aux protestations existentielles des agriculteurs.
Ceux-ci ont accepté de débloquer les routes car ils apprécient que leurs revendications commencent à être prises en compte par l'exécutif. Mais ils continuent d'exiger des actes rapides et concrets pour améliorer leurs revenus, et répondre à leur demande de dignité.
Les adhérents des syndicats majoritaires, surtout dans les grandes cultures céréalières, ont été furieux d'apprendre que l'Elysée voulait les faire débattre samedi, parmi d'autres ONG, avec le collectif radical des Soulèvements de la Terre, qui s'était illustré en mars 2023 lors d'une journée d'affrontements autour d'un chantier de réservoir artificiel d'eau à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) et que le gouvernement a échoué à dissoudre.
"Le président, il nous a fait un énorme bras d'honneur hier alors, ce qu'on attend maintenant c'est qu'il annonce des choses", a expliqué vendredi Vincent Bouvrain, agriculteur en Seine-et-Marne, dans la manifestation parisienne de la FNSEA.
L'idée d'un grand débat, sur le modèle de ceux organisés au moment de la crise des "gilets jaunes", a donc tourné court, conduisant à son annulation vendredi soir. Reste à savoir combien de temps Emmanuel Macron ira "au contact" des participants au Salon.
A.Senn--NZN