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Son petit atelier déborde dans un joyeux fatras de parapluies en tous genres. "Tout peut être réparé", sourit la Slovène Marija Lah, seule à maîtriser cet art "de Ljubljana à Belgrade".
Le métier a peu à peu disparu en Europe face à la valse des pépins dont des millions sont mis au rebut chaque année.
Mais il peut désormais compter sur un nouveau public écolo soucieux de réduire le gaspillage.
Faire réparer son parapluie "revient à la mode", confirme auprès de l'AFP l'artisane de 56 ans, tout en faisant tournoyer un modèle vieux de 50 ans à l'armature solide "conçue pour trois générations".
Toiles, baleines, ressorts: des milliers de pièces détachées jonchent, entre une machine à coudre et divers outils, les étagères de sa boutique aux volets bleus, au cœur de la capitale Ljubljana.
Il suffit parfois de quelques minutes à peine, il faut parfois plusieurs jours voire des semaines. La durée des réparations varie autant que les prix, explique Marija Lah, plus de 30 ans de pratique au compteur.
- Tout quitter -
Son magasin, un des plus anciens de Slovénie, a été fondé en 1966 par son père.
Elle-même n'avait pas prévu d'en faire son métier mais atteint de cataracte, il lui demande de l'épauler alors qu'elle occupe un poste d'enseignante en maternelle.
"Il m'a dit: soit tu m'aides, soit je plie boutique", se souvient celle qui quitte tout pour apprendre et travailler 14 ans à ses côtés.
Après ses réticences initiales, elle se prend au jeu. "J'étais plutôt douée", raconte l'énergique commerçante, courts cheveux gris et pull bleu vif.
A la mort soudaine du patriarche, elle hésite à reprendre le flambeau mais se laisse convaincre par les clients. "Je me suis dit: Marija, tu ne peux pas renoncer à un savoir-faire unique à Ljubljana!"
Un choix que la quinquagénaire ne regrette pas, même si la production de masse des parapluies et la multitude des modèles aujourd'hui proposés compliquent sa tâche.
Décidée à exercer ses talents quelques années encore, elle ne sait pas si ses enfants voudront prendre la suite mais "ne les forcera pas".
- "Notre sauveuse" -
Les affaires en tout cas marchent bien, assure-t-elle, sans vouloir dévoiler de chiffres.
Même les étés sont propices à son activité, le réchauffement climatique s'accompagnant de pluies plus intenses. Marija Lah se souvient d'un mois d'août 2023 bien rempli, alors que le pays de deux millions d'habitants a vécu des intempéries sans précédent depuis son indépendance en 1991.
En ce jour de printemps, les clients se succèdent dans son échoppe.
"J'aime faire réparer mes parapluies jusqu'à ce qu'ils rendent l'âme", témoigne Danica Tercon, retraitée septuagénaire s'offusquant de la vogue "des produits prêts à jeter dont les gens se débarrassent après s'en être servis trois fois". "Ils ne se rendent pas compte du mal qu'ils font à notre planète!".
Katja Buda est elle venue apporter le précieux parapluie de sa grand-mère. "Mme Marija est notre sauveuse", estime-t-elle, regrettant la lente disparition de la profession.
Cette philologue d'une trentaine d'années vante "le charme de la réparation" qu'elle veut transmettre à ses enfants. Et "adore les parapluies capables d'ensoleiller les sombres jours de pluie".
T.L.Marti--NZN