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Renoncer aux centrales à charbon d'ici 15 ans et atteindre l'objectif zéro émission nette à l'horizon 2050: tel est l'objectif ambitieux fixé par le président indonésien, qui nécessite, selon les experts, une action immédiate.
Lors du dernier sommet du G20 à Rio, le président Prabowo Subianto, entré en fonction en octobre, a fait une proposition inattendue: fermer des centaines de centrales électriques au charbon et aux combustibles fossiles d'ici 2040, un engagement audacieux de la part de l'un des principaux producteurs et consommateurs de charbon au monde.
Cet objectif "sera difficile à atteindre. Pour y parvenir, nous avons besoin d'un changement total" de politique, estime Fahmy Radhi, économiste de l'énergie à l'Université Gadjahmada de Yogyakarta.
L'Indonésie exploite actuellement 253 centrales électriques au charbon, selon le ministère de l'Energie et des Ressources minérales. L'archipel compte même la plus grande centrale au charbon d'Asie du Sud-Est, dans le complexe de Suralaya, à 100 km de Jakarta.
Des dizaines d'autres sont en construction, y compris des centrales à charbon dites captives qui fournissent de l'énergie à l'industrie mais ne sont pas connectées au réseau public.
L'objectif de Prabowo d'atteindre zéro émission nette une décennie plus tôt que prévu pourrait coûter des dizaines de milliards de dollars, selon des chercheurs.
Et si l'Indonésie a conclu un partenariat à hauteur 20 milliards de dollars (18,9 mds EUR) pour engager la transition énergétique, peu a encore été mis en œuvre.
L'objectif initial de Jakarta, avant l'annonce de Prabowo, était de fermer 13 centrales à charbon d'ici 2030.
Mais jusqu'à présent, le gouvernement n'a donné que peu de détails sur la manière dont il espère atteindre ses nouveaux objectifs.
Premier élément de réponse, le frère de Prabowo, Hashim Djojohadikusumo, homme d'affaires présent dans les mines et les énergies renouvelables et officiellement "envoyé spécial pour l'énergie et l'environnement" à la COP29, a annoncé récemment que Jakarta souhaitait construire deux centrales nucléaires.
Mais leur construction semble encore très éloignée, aucun emplacement n'ayant encore été annoncé. "L'engagement est là, mais je ne vois actuellement aucune mise en œuvre ou réalisation", relève M. Fahmy.
- Dépendance et bas coût -
La dépendance de l'Indonésie au charbon, extrait à bas coût et facile à exploiter, s'est avérée difficile à briser.
Joko Widodo, le prédécesseur de Prabowo, avait annoncé en 2022 un moratoire sur la construction de nouvelles centrales au charbon.
Mais les projets conclus avant l'interdiction se sont poursuivis et le charbon représente toujours les deux tiers de la production électrique du pays, selon l'Agence internationale de l'énergie (IEA).
De plus, les centrales à charbon indonésiennes sont également pour la plupart jeunes, ce qui rendrait très coûteuse leur arrêt anticipé.
Selon le think-tank indonésien IESR, le pays aurait besoin de 27 mds USD (25,5 mds EUR) d'ici 2040 pour fermer ses centrales au charbon qui génèrent une capacité totale de 45 gigawatts.
La compagnie publique d'électricité PLN affirme de son côté que la fermeture d'une seule centrale pourrait coûter près de 2 mds USD (1,89 md EUR) et prévient qu'elle n'en assumera pas le coût.
"De nombreux programmes politiques ne visent pas une véritable transition énergétique", dénonce Adila Isfandiary, chargée de campagne pour le climat et l'énergie pour Greenpeace Indonésie, qui demande une accélération du processus.
"Notre climat d'investissement n'est pas très bon, (les investisseurs) ne considèrent toujours pas les énergies renouvelables comme un projet rentable pour eux, notamment parce que le charbon est encore très bon marché", ajoute-t-elle.
- Mission "faisable" -
Mais selon des experts, si le gouvernement s'y attèle sérieusement, il existe un moyen de sortir du charbon.
Selon le groupe de réflexion énergétique Ember, il faudra retirer trois gigawatts de capacité de charbon par an au cours des 15 prochaines années, tout en accélérant le développement des énergies renouvelables.
L'Indonésie a inauguré l'an passé la plus grande centrale solaire flottante de la région, de 192 mégawatts. De plus, l'archipel aux nombreux volcans dispose d'une capacité inexploitée d'énergie géothermique et de biomasse.
Mais pour ce faire, l'initiative audacieuse de Prabowo doit être intégrée dans une feuille de route tout aussi ambitieuse, estime Fabby Tumiwa, directeur exécutif de l'IESR, pour qui il s'agit d'une "tâche ardue et très coûteuse".
Parmi les mesures à prendre, le gouvernement doit veiller à ce qu'aucune nouvelle construction de centrales au charbon ne soit engagée après l'année prochaine et refuser l'extension des centrales qui doivent être mises hors service.
Pour M. Fabby, il faut également rationaliser la réglementation et offrir des incitations en faveur des énergies renouvelables.
"Pour le moment, cela pourrait s'apparenter à une mission vers Mars. Mais si l'on adopte une approche agressive, c'est faisable", conclut-il.
F.Schneider--NZN