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"C'est un travail de fourmi": casque sur la tête et traces de suie sur les joues, Kelly Sylvestre et ses collègues pompiers de Dordogne sautent de "fumerons" en "points chauds" dans la forêt de La Teste-de-Buch. Un mano à mano avec les braises qui va durer "des semaines".
Dans ce massif de résineux plantés sur des dunes, sauvagement agressé par le feu qui a en dévoré 7.000 hectares, soit l'équivalent de 10.000 terrains de football, l'incendie est officiellement "fixé". Mais sur le terrain, le travail éreintant des pompiers continue.
Le relief est accidenté, dunaire, il faut grimper pour atteindre le fumeron, ce feu qui couve sous une souche et émet une petite fumée. Pour ça, "il faut tirer de la lance", souligne Kelly Sylvestre, femme sapeur-pompier volontaire de 30 ans.
"Ce n'est plus l'urgence des grandes flammes. On fait un travail de fond, de fourmi, pour éviter toute reprise, surtout qu'il fait encore chaud, et rassurer les gens", dit-elle.
Les pompiers traitent les "lisières", en noyant de "mouillant" des zones non brûlées autour de zones brûlées, étouffent des "fumerons", ces points incandescents qui peuvent raviver le feu, et tronçonnent des arbres couchés.
Ils éteignent aussi des flammes en cas de reprises ponctuelles. "Il y en a encore beaucoup partout", assurent-ils.
Quand les moyens terrestres ne suffisent pas, l'ordre de s'écarter crépite à la radio et un hélicoptère vient larguer de l'eau en quelques minutes, après un bon coup d'avertisseur sonore.
"Il va se passer un sacré bout de temps avant que ce feu cesse, ce sera un travail de plusieurs semaines", prévient la capitaine Pauline Aso, cheffe du secteur où évoluent les pompiers de Dordogne et leur CCF (camion-citerne feux de forêt) de 6.000 litres, près de Cazaux.
Pour le sous-préfet d'Arcachon Ronan Léaustic, "il faut marteler que le feu n'est pas éteint, il peut reprendre. Aller dans la forêt reste très dangereux et c'est interdit. Des arbres calcinés peuvent tomber à tout moment".
- "Mal au coeur" -
Cela n'empêche pas les pompiers de Dordogne de croiser ce jour-là des gens en voiture sur la route forestière, et même un homme en VTT électrique. Souvent, ces locaux leur signalent quelques points incandescents ou des fumées.
"C'est un peu normal, ils ont tellement peur que ça reparte", remarque, indulgent, le capitaine Patrice Bitard, pompier volontaire en Dordogne depuis 42 ans.
"Il y a un traumatisme chez les habitants", confie l'adjudant-chef Benoît Gibaud, qui loue leur "soutien logistique". On les approche parfois avec "le coffre plein" d'eau ou de nourriture.
A chaque rencontre, il y a presque toujours un mot gentil glissé aux pompiers.
Claude et Brigitte Macouillard, habitants de La Teste, ralentissent au niveau des soldats du feu du Périgord et baissent leur vitre.
"Comme l'a dit le président (de la République), vous êtes des héros, tout le monde vous remercie pour votre courage", leur glisse Claude, ému aux larmes. Il sait qu'à 70 ans, il ne reverra plus jamais la forêt dans laquelle il chassait.
"On a un fils pompier, il était là le 14 juillet et nous a envoyé un message: +C'est l'apocalypse+", raconte-t-il, et soupire: "Elle est foutue cette forêt, ça fait mal au coeur."
Dans la forêt de résineux, dense et difficile d'accès, le spectacle est inouï: des troncs explosés, des arbres couchés, des poteaux électriques à terre, de petites fumées blanchâtres, des pins roussis, du sable noirci par les cendres. Une palette de couleurs dont le vert est absent.
Pauline Aso, la cheffe de secteur, habituellement cheffe de centre à Lacanau, en Médoc, l'avoue: "Pour un pompier de Gironde comme moi, humainement, c'est difficile de voir ça. C'est notre forêt qui brûle."
"J'ai été saisonnière ici, c'est tout ce secteur qu'on aime qui est parti en fumée", dit-elle avant de repartir gérer un énième point chaud.
M.Hug--NZN