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Le parquet ukrainien a demandé lundi l'arrestation de l'ex-président Petro Porochenko, soupçonné de "haute trahison", ou de lui imposer une caution d'environ 30 millions d'euros, une affaire qui risque de provoquer une crise politique intérieure, en pleines tensions géopolitiques avec la Russie.
Après une journée d'audience, le juge Oleksiï Sokolov est parti délibérer. Tard le soir, il a fini par déclarer que sa décision serait annoncée mercredi à 13H00 GMT.
"Nous n'avons pas remporté la guerre, même pas une bataille, mais nous avons préservé nos positions", s'est félicité M. Porochenko à la sortie du tribunal devant des centaines de ses supporters réunis dehors malgré les températures proches de 0°C.
Ex-chef de l'Etat et opposant au président Volodymyr Zelensky dont il est le principal rival, M. Porochenko, un milliardaire de 56 ans, est retourné en Ukraine dans la matinée, après un mois d'absence, malgré la menace d'une arrestation.
Accueilli par des milliers de ses partisans rassemblés devant l'aéroport, il s'est aussitôt rendu dans un tribunal de la capitale Kiev devant décider de son éventuel placement en détention.
Pendant l'audience, un des procureurs, Kostiantyn Chvets, a demandé une caution d'un milliard de hryvnias (environ 30 millions d'euros) ainsi que le port d'un bracelet électronique en échange de son maintien en liberté. Autrement, Petro Porochenko sera placé en détention provisoire.
"Il est impossible de diviser le pays quand l'ennemi, Poutine est à la porte", a-t-il déclaré.
- "Détourner l'attention" -
Un des hommes les plus riches d'Ukraine avec une fortune estimée à 1,6 milliards de dollars par le magazine Forbes, M. Porochenko accuse son successeur d'avoir ordonné les poursuites contre lui pour "détourner l'attention" des problèmes réels du pays et ternir l'image de son rival.
Les autorités le soupçonnent d'avoir entretenu, pendant sa présidence, des liens commerciaux avec des séparatistes prorusses de l'est, ce qui constituerait un acte de "haute trahison", crime passible de jusqu'à 15 ans de prison.
Ce bras de fer intervient au moment où l'Ukraine craint d'être envahie par la Russie voisine qui masse depuis des mois des troupes à ses frontières.
Moscou nie tout projet d'offensive militaire, mais réclame, sous peine de représailles, qu'Américains et Européens s'engagent à ne jamais accepter l'Ukraine au sein de l'Otan. Une revendication jusqu'ici rejetée.
M. Porochenko a dirigé son pays de 2014 à 2019, avant d'être battu par M. Zelensky, un ex-comédien novice en politique.
Aujourd'hui député, l'ex-président a depuis été cité dans plusieurs dizaines d'affaires judiciaires.
En décembre, les autorités ont annoncé qu'elles le soupçonnaient de "haute trahison". M. Porochenko rejette en bloc ces accusations. Washington et Londres ont déclaré suivre cette affaire de près.
- Proche de Poutine -
Début janvier, un tribunal de Kiev a ordonné le gel des avoirs de l'ex-président qui possède notamment une grosse entreprise de confiserie, Roshen, et deux chaînes de télévision.
Les enquêteurs l'ont accusé lundi d'avoir travaillé avec le richissime magnat prorusse Viktor Medvedtchouk, un proche du président Vladimir Poutine, pour faciliter l'achat en 2014 et 2015 de charbon à des entreprises situées dans l'est de l'Ukraine, aux mains des séparatistes prorusses qui sont en guerre contre Kiev.
Selon le parquet, l'ex-président avait ainsi de facto utilisé des fonds d'Etat pour financer les séparatistes.
L'Ukraine est déchirée depuis 2014 par un conflit dans l'est de son territoire entre forces de Kiev et séparatistes prorusses qui a commencé après l'annexion de la Crimée par Moscou et a fait plus de 13.000 morts.
Toute tentative de coopération avec les séparatistes, dont Moscou est largement considéré comme le parrain militaire, est très mal perçue par nombre d'Ukrainiens.
M. Porochenko, qui semble déterminé à prendre sa revanche et compte notamment sur des milieux patriotiques, voire nationalistes, assure que l'objectif de cette affaire est de lier son nom au proche de Poutine, présenté comme son complice, afin d'entamer son soutien électoral.
F.E.Ackermann--NZN