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Vladimir Poutine a lancé jeudi une invasion de l'Ukraine, avec frappes aériennes et entrée de forces terrestres depuis plusieurs directions, les autorités ukrainiennes faisant état quelques heures plus tard d'un premier bilan d'une cinquantaine de morts, dont une dizaine de civils.
L'attaque a immédiatement déclenché un tollé de la communauté internationale, avec des réunions d'urgence prévues dans plusieurs pays occidentaux et notamment à l'Otan et à l'Union européenne.
Le président russe a donné le signal des hostilités jeudi à l'aube, après avoir reconnu lundi l'indépendance de territoires séparatistes ukrainiens du Donbass et fait valider mardi une intervention par le Parlement russe.
"J'ai pris la décision d'une opération militaire spéciale", a annoncé le maître du Kremlin dans une déclaration surprise à la télévision avant 6H00 du matin (03H00 GMT). "Nous nous efforcerons d'arriver à une démilitarisation et une dénazification de l'Ukraine", a-t-il ajouté, assis à un bureau en bois sombre.
"Nous n'avons pas dans nos plans une occupation des territoires ukrainiens, nous ne comptons imposer rien par la force à personne", a-t-il assuré, appelant les militaires ukrainiens "à déposer les armes".
Peu après, une série d'explosions étaient entendues à Kiev, Kramatorsk, ville de l'est qui sert de quartier-général à l'armée ukrainienne, à Kharkiv (est), deuxième ville du pays, à Odessa (sud), sur la mer Noire, et à Marioupol, principal port de l'est du pays.
Les sirènes d'alerte aérienne retentissaient toutes les 15 minutes à Lviv, la ville de l'ouest où les Etats-Unis et plusieurs autres pays ont déplacé leurs ambassades, et à Odessa.
Promettant de "vaincre", le président ukrainien Volodymyr Zelensky a proclamé la loi martiale dans le pays, appelé ses concitoyens à "ne pas paniquer", avant d'annoncer la rupture des relations diplomatiques avec Moscou.
Il a aussi ordonné à ses troupes d'"infliger un maximum de pertes à l'agresseur", selon le commandant en chef de l'armée ukrainienne.
Vers 10H00 GMT, un membre de l'équipe présidentielle indiquait aux journalistes que "plus de 40 militaires ukrainiens avaient été tués, des douzaines blessés" et "près de 10 civils tués".
L'Ukraine a fermé son espace aérien pour l'aviation civile, et la Moldavie voisine a annoncé faire de même. Les vols ont aussi été annulés depuis les aéroports des grandes villes du sud de la Russie, à proximité de l'Ukraine.
Moscou a fermé à la navigation la mer d'Azov, qui baigne l'Ukraine et la Russie
- "Je lui avais dit de partir" -
A Kiev, dès l'aube, les habitants se pressaient dans le métro pour se mettre à l'abri ou tenter de quitter la ville.
"J'ai été réveillée par le bruit des bombes, j'ai fait des sacs et je me suis enfuie", a indiqué à l'AFP Maria Kachkoska, 29 ans, accroupie, en état de choc, dans une des stations.
Des voitures remplies de familles filaient vers l'extérieur de la ville, l'ouest ou à la campagne, au plus loin de la frontière russe, située à 400 km.
A Tchouhouïv, à 30 km de Kharkiv, une femme et son fils pleuraient un homme tué par un missile, l'une des premières victimes de cette attaque.
"Je lui avais dit de partir", répétait le fils, non loin du cratère creusé par le projectile tombé entre deux immeubles de cinq étages.
Sur les principales routes de l'est ukrainien, l'armée ukrainienne était partout. Un porte-parole de la défense civile a indiqué que des opérations d'évacuation de la population étaient en cours, mais empêchées par endroits par des tirs d'artillerie nourris et des communications défaillantes.
L'armée russe a affirmé avoir détruit des bases aériennes et la défense anti-aérienne ukrainienne, tout en assurant cibler les sites stratégiques avec des armes de "haute précision".
"Les civils ukrainiens n'ont rien à craindre", a affirmé l'armée russe.
Les deux côtés lançaient des affirmations invérifiables de source indépendante: l'armée ukrainienne a affirmé avoir tué "environ 50 occupants russes", tandis que le porte-parole du ministère russe de la Défense a affirmé que les séparatistes avaient déjà gagné quelques kilomètres de terrain dans les régions de Lougansk et Donetsk.
Dans les rues de Moscou, certains exprimaient leur inquiétude, d'autre leur soutien à leur président.
"Ca ne me réjouit pas, je suis complètement inquiet", dit Nikita Grouschine, un manager de 34 ans, avant d'ajouter ne pas pouvoir dire "qui a raison ou tort.
Ivan, un ingénieur de 32 ans, professe sa fidélité à Poutine: "Je ne vais pas discuter un ordre du Commandant suprême, s'il pense que c'est nécessaire, c'est que ça doit être fait ainsi".
- "Attaque téméraire"
L'attaque russe, après des mois de tensions et d'efforts diplomatiques pour éviter une guerre, a déclenché un torrent de condamnations internationales.
"Président Poutine, au nom de l'humanité, ramenez vos troupes en Russie!", a lancé le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres, visiblement éprouvé, lors d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité.
Le président américain Joe Biden a dénoncé une "attaque injustifiée" qui provoquera "des souffrances et pertes de vies humaines". "Le monde exigera des comptes de la Russie", a-t-il promis. Il s'est également entretenu tôt jeudi avec le président ukrainien, lui promettant son soutien.
Le président français Emmanuel Macron, président en exercice du Conseil de l'Union européenne, a appelé les Européens à l"unité".
"Les dirigeants russes devront faire face à un isolement sans précédent", a prévenu Josep Borrell, chef de la diplomatie de l'UE.
Les Etats-membres, qui se retrouvent en sommet exceptionnel jeudi soir à Bruxelles, adopteront le "plus sévère (train de sanctions) jamais mis en œuvre", a-t-il ajouté.
Le chef de l'Otan Jens Stoltenberg a condamné une "attaque téméraire et non provoquée" par la Russie.
Une réunion d'urgence des ambassadeurs de l'Alliance Atlantique a été décidée.
La Chine, aux relations étroites avec Moscou, a indiqué suivre "de près" la situation" et appelé à "la retenue de toutes les parties".
- Panique sur les marchés -
Beaucoup redoutent que la crise en Ukraine ne mène au plus grave conflit en Europe depuis 1945.
M. Poutine s'est lui adressé à ceux "qui tenteraient d'interférer" : "ils doivent savoir que la réponse de la Russie sera immédiate et conduira à des conséquences que vous n'avez encore jamais connues".
Washington et ses alliés occidentaux avaient pris mardi de premières sanctions en réaction à la reconnaissance des séparatistes du Donbass soutenus par Moscou, que Kiev combat depuis huit ans, un conflit qui a déjà fait plus de 14.000 morts à ce jour.
L'attaque a provoqué la panique sur les marchés mondiaux, faisant chuter les bourses et s'enflammer les matières premières, pétrole et gaz en tête.
Peu après le discours de Poutine, le pétrole dépassait les 100 dollars le baril, pour la première fois en plus de sept ans.
Les places boursières, d'abord en Asie puis en Europe, se sont effondrées.
Dès les premiers échanges en Europe, la Bourse de Paris perdait 3,15%, Francfort 3,73%, Londres 2,45% et Milan 3,10%.
La Bourse de Moscou a plongé de plus de 30% et le rouble a touché un plus bas historique face au dollar, avant l'intervention de la banque centrale du pays.
Les Etats-Unis devaient déposer jeudi un projet de résolution sur la table du Conseil de sécurité de l'ONU condamnant la Russie pour cette "guerre".
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O.Krasniqi--NZN