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La population était prise au piège dimanche dans le port assiégé de Marioupol, dans le sud de l'Ukraine, où une deuxième tentative d'évacuation humanitaire a échoué, et dans la région de Kiev où l'armée russe resserre son étau, forçant les civils à fuir pour rejoindre les plus de 1,5 million de réfugiés déjà hors des frontières.
Au 11e jour de l'invasion russe de l'Ukraine, alors que les images de destructions rappellent celles d'Alep pendant la guerre en Syrie ou de Grozny pendant celle de Tchétchénie, le Haut Commissaire de l'ONU aux réfugiés Filippo Grandi a déjà estimé qu'il s'agissait de "la crise des réfugiés la plus rapide en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale".
Pour la deuxième journée consécutive, la population a dû renoncer à quitter la ville portuaire de Marioupol, sur la mer d'Azov, où depuis cinq jours elle vit un "blocus humanitaire", selon le maire Vadim Boïtchenko, privée d'eau, de nourriture, de chauffage ou d'électricité.
"Au milieu de scènes dévastatrices de souffrances humaines, une deuxième tentative aujourd'hui de commencer à évacuer quelque 200.000 personnes de la ville a été interrompue", a indiqué le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
Ce couloir humanitaire devait permettre une évacuation jusqu'à Zaporojie, à environ trois heures de route.
Mais "la colonne pour évacuer la population civile n'a pas pu sortir de Marioupol car les Russes ont regroupé leurs forces et commencé à bombarder la ville", a accusé sur Facebook Pavlo Kirilenko, gouverneur ukrainien de la région.
Le président russe Vladimir Poutine a mis l'échec des évacuations sur le compte des "nationalistes ukrainiens", qui selon lui, ont empêché celle programmée samedi de Marioupol et de Volnovakha, une ville proche.
Dans un entretien avec son homologue français Emmanuel Macron, il a nié "que son armée prenne des civils pour cible".
La chute de Marioupol serait un tournant dans l'invasion russe, lancée le 24 février.
Et désormais c'est Odessa qui préoccupe le président ukrainien Volodymyr Zelensky, selon qui la Russie "se prépare à bombarder" ce port de près d'un million d'habitants sur la mer Noire, proche de la frontière moldave.
- Kiev en ligne de mire -
Pendant ce temps, les soldats russes se rapprochent de Kiev.
D'intenses combats ont lieu dans la périphérie de la capitale, selon l'administration régionale ukrainienne, notamment autour de la route menant vers Jytomyr (150 km à l'ouest de Kiev), ainsi qu'à Tcherniguiv (à 150 km au nord de la capitale) pilonnée depuis plusieurs jours par l'aviation russe et devenue un paysage de dévastation.
Dans les faubourgs ouest de Kiev, à Irpine, les bombardements ont jeté sur les routes des milliers d'Ukrainiens.
"Du matin au soir, tous les bâtiments voisins ont été touchés, un tank est entré. C'était effrayant, nous avons eu peur. Avant cela, nous ne pensions pas que nous allions partir", a témoigné Tetiana Vozniuchenko, 52 ans.
A 200 km au sud-ouest de la capitale, l'aéroport de Vinnytsia a été "complètement détruit" par des frappes russes, selon M. Zelensky. En matinée, le ministère russe de la Défense avait annoncé avoir détruit l'aérodrome militaire de Starokonstantinov, à 130 km au nord-est.
"Le plan de l'ennemi est d'encercler les villes clés" et "de créer une catastrophe humanitaire", a estimé dans un post sur Facebook le secrétaire du Conseil de sécurité ukrainien Oleksiy Danilov. Les Russes essayent maintenant de bloquer l'accès ukrainien à la mer Noire et à celle d'Azov, a-t-il ajouté.
Moscou avait évoqué mercredi la mort de 498 soldats russes et 2.870 morts côté ukrainien. Kiev fait état dimanche de plus de 11.000 soldats russes tués, sans révéler ses propres pertes militaires. Des chiffres impossibles à vérifier de manière indépendante.
Pour sa part, l'ONU a confirmé la mort de 351 civils et plus de 700 blessés, un bilan qui est "sans doute bien plus élevé car les vérifications sont en cours".
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a jugé dimanche "très crédibles" des informations faisant état de "crimes de guerre" commis par la Russie en Ukraine.
- L'exode se poursuit -
La cohue règne dans les gares des villes menacées par l'armée russe, femmes et enfants cherchant à partir après des adieux déchirants avec leurs maris et pères restant pour se battre.
"Nous envoyons nos femmes et nos enfants à Lviv, peut-être plus loin, et nous restons ici (...) c'est une situation horrible", confie à Dnipro (centre) Andrey Kyrytchenko, un maçon de 40 ans.
A Irpine certains, y compris enfants en bas âge ou personnes âgées handicapées, étaient obligés d'emprunter les décombres d'un pont franchissant la rivière Irpine que l'armée ukrainienne avait fait sauter la semaine dernière.
Cet exode suscite une forte mobilisation, notamment dans les Etats voisins comme la Moldavie où le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken se trouvait dimanche, après s'être rendu samedi en Pologne.
La Moldavie, un des pays les plus pauvres d'Europe, par lequel 230.000 personnes venant d'Ukraine ont transité et dont 120.000 sont restées, a demandé de l'aide aux Etats-Unis qui ont annoncé vouloir mobiliser 2,75 milliards de dollars (2,51 milliards d'euros) pour cette crise humanitaire.
- Efforts diplomatiques -
Sur le front diplomatique, les efforts se poursuivent avant un nouveau round de négociations prévu lundi.
Après le bombardement le 4 mars de la centrale nucléaire de Zaporojie, la plus grande d'Ukraine et d'Europe, qui a fait craindre une catastrophe et fait monter d'un cran l'inquiétude des pays occidentaux, le président russe a assuré à Emmanuel Macron qu'il n'était "pas dans son intention" d'attaquer les centrales nucléaires ukrainiennes.
Celles de Zaporojie et de Tchernobyl sont occupées par les forces russes.
Samedi, Vladimir Poutine avait reçu pendant près de trois heures le Premier ministre israélien Naftali Bennett, qui avait proposé sa médiation "même s'il y a peu de chances de réussite".
Le président russe a déjà déclaré que si l'Ukraine ne se plie pas à ses exigences, elle pourrait perdre son "statut d'Etat". Moscou réclame notamment un statut "neutre et non nucléaire" pour le pays et sa démilitarisation, ce que Kiev, qui souhaite adhérer à l'Union européenne et à l'Otan, juge inacceptable.
Il a averti samedi considérer "comme une participation au conflit armé" la mise en place par tout pays d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus de l'Ukraine. En dépit des demandes de Kiev, l'Otan s'y refuse pour l'instant, de peur de se retrouver entraînée dans un affrontement direct avec la Russie.
- Arrestations en Russie -
En Russie, le Kremlin continue d'imposer le silence.
Au moins 2.500 personnes manifestant contre l'intervention militaire en Ukraine ont été arrêtées dimanche dans une cinquantaine de villes de Russie, a indiqué l'ONG OVD-Info, spécialisée dans le suivi des manifestations.
Tandis que la BBC a indiqué que sa chaîne télévisée d'information internationale, BBC World News, avait cessé d'émettre en Russie, après le tour de vis radical des autorités russes contre les médias depuis le début de l'invasion de l'Ukraine.
Mais les effets de la guerre commencent à atteindre la classe moyenne russe.
Les entreprises étrangères continuent massivement de quitter la Russie. Dernières en date: les géants américains des cartes bancaires Visa et Mastercard, qui ont annoncé samedi la suspension de leurs opérations en Russie. Les cartes Visa et Mastercard émises par les banques russes ne fonctionneront plus à l'étranger, et inversement.
Le système de paiement PayPal a lui aussi suspendu ses services en Russie.
Le rouble s'est effondré après l'instauration des sanctions internationales contre Moscou et certaines des plus grandes banques russes ont été coupées du système interbancaire international Swift. La Banque centrale a demandé aux banques de ne plus publier leurs bilans financiers.
Les autorités russes multiplient les mesures tous azimuts pour freiner la fuite des capitaux et craignent désormais l'apparition d'un marché noir alimentaire.
T.Furrer--NZN