AEX
-12.2600
La Banque centrale européenne a décidé jeudi d'accélérer le retrait progressif de ses rachats de dette tout en se laissant le temps d'agir sur les taux, alors que l'invasion de l'Ukraine par la Russie assombrit les perspectives économiques en zone euro.
L'invasion russe a marqué un "tournant pour l'Europe", a déclaré la présidente de la BCE, Christine Lagarde, à l'issue de la première réunion du Conseil des gouverneurs depuis le début du conflit.
La guerre et les sanctions prises contre Moscou auront "un impact important sur l'activité économique et l'inflation, par la hausse des prix de l'énergie et des matières premières, la perturbation du commerce international et la confiance", a-t-elle prévenu.
Portant épinglée à son revers de veste une broche aux couleurs de l'Ukraine, Mme Lagarde a réaffirmé l'engagement de la banque à "prendre toutes les mesures nécessaires" pour garantir la stabilité financière.
Compte-tenu des incertitudes et de la difficulté à mesurer l'ampleur des répercussions, l'institution basée à Francfort "gardera toutes les options ouvertes" pour protéger l'économie du choc annoncé sur une conjoncture qui se relève à peine des conséquences de la pandémie.
- Flou sur les taux -
Jeudi, les gardiens de l'euro ont confirmé la fin ce mois-ci du programme d'urgence d'achat de dettes (PEPP) lancé il y a deux ans pour soutenir l'économie face au Covid-19.
Mais la BCE a surpris les observateurs en annonçant qu'elle allait accélérer la réduction progressive d'un autre programme d'achat d'obligations, plus ancien, alors que les prix flambent en zone euro.
Dans le cadre de ce programme dit "QE", arme principale de la banque centrale durant les années d'inflation atone, les achats nets mensuels de dette privée et publique s'élèveront à 40 milliards d'euros en avril, 30 milliards d'euros en mai et 20 milliards d'euros en juin.
Le Conseil des gouverneurs "conclura les achats nets (...) au troisième trimestre" si les perspectives d'inflation à moyen terme "ne s'affaiblissent pas", est-il ajouté.
Auparavant, la BCE voulait les faire redescendre à 20 milliards à partir d'octobre seulement et les laisser perdurer "aussi longtemps que nécessaire".
Autre changement lié au conflit en Ukraine: la BCE n'affirme plus, contrairement à ce qu'elle a fait jusqu'ici, qu'un arrêt de ces achats de dette sera automatiquement suivi d'une hausse des taux directeurs, qui serait la première depuis 2011.
"Tout ajustement des taux d'intérêt directeurs de la BCE surviendra quelque temps après la fin des achats nets du Conseil des gouverneurs dans le cadre de l'APP (le programme d'achats d'actifs, NDLR) et sera progressif", est-il indiqué sans plus de précision temporelle.
L'"horizon temporel n'est pas ce qui va compter le plus", a déclaré Mme Lagarde, ajoutant que la hausse pourrait aussi bien intervenir "la semaine suivante" que "des mois plus tard", et que les données économiques seraient le facteur décisif.
- Inflation supérieure à 5% -
La BCE navigue désormais à vue alors qu'elle avait ouvert la voie à une "normalisation" de sa politique monétaire accommodante, avant le déclenchement de la guerre en Ukraine.
Aussi, la décision du jour, savant équilibre entre vues divergentes au sein de la BCE, "donne à la banque centrale un maximum de flexibilité et laisse ouverte l'option d'une hausse des taux avant la fin de l'année", analyse Carsten Brzeski, de la banque ING.
Cette flexibilité est nécessaire compte-tenu du double choc annoncé sur les prix et la croissance.
La guerre en Ukraine a donné une nouvelle impulsion à l'inflation dans la zone euro qui a atteint le niveau record de 5,8% en février.
Dans de nouvelles prévisions qui tiennent compte de la guerre en Ukraine, la banque a taillé dans ses prévisions de croissance revue à 3,7% pour 2022, contre 4,2% auparavant.
Et les experts de la BCE ont fortement revu à la hausse les prévisions d'inflation pour cette année, à 5,1% contre 3,2%, puis à 2,1% en 2023 et à 1,9% en 2024. L'institut vise un taux à 2% sur le moyen terme.
Si la banque centrale n'a pas refermé la porte à une éventuelle première hausse des taux fin 2022, elle "n'a en aucun cas suggéré qu'elle considère une telle hausse comme probable", observe Holger Schmieding, analyste chez Berenberg.
E.Schneyder--NZN