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Moscou a soufflé le chaud et le froid mercredi sur l'Ukraine en douchant les espoirs de "percée" dans les négociations pour mettre fin à la guerre tout en annonçant dans la soirée un cessez-le-feu à Marioupol pour permettre d'évacuer des civils dans la ville assiégée.
A Genève, au 34e jour du conflit, la haute commissaire aux droits de l'Homme de l'ONU, Michelle Bachelet, a prononcé un long réquisitoire contre les "crimes de guerre" qui pourraient selon elles avoir été commis depuis le début du conflit, pointant essentiellement du doigt la Russie, mais sans totalement dédouaner les forces ukrainiennes.
A Marioupol ville portuaire stratégique du sud-est de l'Ukraine, sur la mer d'Azov, quelque 160.000 civils demeurent bloqués sous les bombes et confrontés à "une catastrophe humanitaire", vivant terrés dans des abris sans électricité et manquant de nourriture et d'eau, selon des témoignages.
Dans un communiqué publié mercredi soir, le ministère de la Défense russe a annoncé avoir décidé d'y instaurer un "régime de silence" à partir de jeudi à 10h00 (7h00 GMT) afin d'évacuer des civils via un couloir humanitaire vers Zaporojie, à quelque 250 km au nord-ouest, avec une étape par le port de Berdiansk.
"Pour que cette opération humanitaire réussisse, nous proposons de la mener avec la participation directe de représentants" de l'ONU et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), ajoute le texte.
Plus tôt dans la journée, Lioudmyla Denissova, chargée des droits de l'Homme auprès du Parlement ukrainien, avait accusé l'armée russe d'avoir "bombardé délibérément un bâtiment du CICR" à Marioupol, disant ne pas disposer d'informations "concernant les victimes".
Une porte-parole de la Croix-Rouge à Genève a dit à l'AFP ne pas disposer d'informations dans l'immédiat faute d'"équipe sur le terrain".
- "La guerre continue" -
Selon la mairie, les forces russes ont procédé à l’évacuation forcée vers la Russie d'une maternité, emmenant "plus de 70 personnes, des femmes et des membres du personnel médical". Au total, plus de 20.000 habitants de Marioupol ont été évacués "contre leur gré" en Russie, affirme la municipalité.
Semblant revenir sur des annonces faites par Moscou à l'issue de discussions entre les belligérants mardi à Istanbul, le porte-parole de la présidence russe Dmitri Peskov a dit ne pas pouvoir "faire état de quoi que ce soit de très prometteur ou d'une percée quelconque".
"Pour l'heure, nous ne pouvons pas parler de progrès et nous n'allons pas le faire", a-t-il insisté. Ces paroles tranchent avec celles, beaucoup plus positives, de responsables russes présents la veille à Istanbul.
"La guerre continue. Pour l'instant, il n'y a à ma connaissance ni percée ni nouveauté", a déclaré mercredi soir le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian.
Le porte-parole du ministère ukrainien de la Défense, Oleksandre Motuzyanyk, avait souligné plus tôt avoir constaté le départ de certaines unités de Kiev et de Tcherniguiv, mais "pas de retrait massif de troupes russes de ces zones", contrairement à la promesse faite la veille par Moscou de "réduire radicalement" son activité militaire dans cette zone.
Sur ce sujet, "nous ne croyons personne", a affirmé dans la soirée le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
Tcherniguiv, dans le nord de l'Ukraine, a été "bombardée toute la nuit" de mardi à mercredi, selon le gouverneur régional Viatcheslav Tchaous. Après Marioupol, Tcherniguiv, qui comptait 280.000 habitants avant la guerre, est la ville la plus durement frappée par les bombardements depuis le début de la guerre le 24 février.
Mais Irpin, dans la banlieue nord-ouest de Kiev est désormais "à 100% contrôlée par l'armée ukrainienne", a affirmé mercredi son maire, Oleksandre Markouchine. Il a toutefois appelé ses concitoyens à "ne pas revenir" pour l'instant car cette ville, à moitié détruite, subit toujours des bombardements et reste "dangereuse".
- "Soutien défensif" -
"Environ 200 ou 300 personnes sont mortes malheureusement" à Irpin depuis le début des hostilités, a-t-il déploré.
L'armée ukrainienne a par ailleurs repris le contrôle d'une autoroute stratégique reliant Kharkiv à Tchougouïv, dans l'est de l'Ukraine, ont constaté mercredi des journalistes de l'AFP.
"Il y a des cadavres russes éparpillés partout", a assuré à l'AFP un officier du renseignement ukrainien. "Les combats ont été très durs, rapprochés parfois de dix mètres. Ça a duré près de trois jours".
Dans le nord-est, Trostyanets, qui compte en temps normal 20.000 habitants, a été reprise le week-end dernier par les forces ukrainiennes. Après un mois d'occupation, les Russes sont partis sans combattre ou presque, selon de multiples témoignages recueillis par l'AFP dans cette ville en partie détruite.
Dans ce contexte, le président américain Joe Biden a discuté pendant près d'une heure par téléphone avec son homologue ukrainien, notamment des capacités militaires "supplémentaires" nécessaires pour aider l'armée ukrainienne à "défendre son pays", a indiqué la Maison Blanche en soulignant l'effet "déterminant" des armes fournies par les Américains sur le cours du conflit.
Sur Twitter, M. Zelensky a indiqué avoir fait le point avec M. Biden sur "la situation sur le champ de bataille" et sur les négociations et avoir parlé entre autres de certains besoins spécifiques de son pays en matière de "soutien défensif".
"Nous nous battrons pour chaque mètre de notre territoire", a-t-il aussi affirmé.
- 4 millions de réfugiés -
Le Premier ministre britannique Boris Johnson a de son côté appelé à "continuer d'intensifier les sanctions" jusqu'au départ de tous les soldats russes.
En représailles à ces sanctions occidentales, Moscou exige que les Européens règlent leurs importations de gaz russe en roubles, mais le gouvernement allemand a assuré que le président russe Vladimir Poutine avait assuré mercredi au chancelier Olaf Scholz que les sociétés ayant déjà signé des contrats d'achat de gaz russe pourraient continuer à payer en euros.
En cinq semaines de guerre, plus de quatre millions d'Ukrainiens ont été contraints de fuir leur pays, a annoncé le Haut Commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR) à Genève. L'Europe n'avait pas connu de tels flots de réfugiés depuis la deuxième guerre mondiale.
Au total, plus de dix millions de personnes, soit plus d'un quart de la population, ont dû quitter leur foyer.
La sécurité des centrales nucléaires d'Ukraine demeure un autre problème clé. Le chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, s'est rendu mercredi dans celle de Ioujno-Oukrainsk, dans le sud, promettant au personnel "un soutien efficace en cette période extrêmement difficile".
Depuis le début de l'offensive militaire russe, M. Grossi ne cesse de mettre en garde contre les dangers de cette guerre, la première à se dérouler dans un pays doté d'un vaste parc nucléaire, ainsi que de plusieurs dépôts de déchets nucléaires.
Les autorités ukrainiennes ont par ailleurs accusé les forces russes d'avoir tiré mercredi des obus au phosphore sur la petite ville de Marinka, dans l'est de l'Ukraine. Kiev affirme par ailleurs que 300.000 km2, soit environ la moitié du territoire ukrainien, ont d'ores et déjà été "pollués" par les munitions utilisées par les forces russes depuis le début de l'invasion.
A Washington, un haut responsable américain a affirmé sous le couvert de l'anonymat que M. Poutine était mal informé du déroulement de la guerre en Ukraine, parce que ses conseillers ont peur de lui révéler les pertes militaires et économiques subies par la Russie.
G.Kuhn--NZN