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La Russie a accusé vendredi l'Ukraine d'avoir mené une frappe par hélicoptère sur son sol, tandis que les efforts se poursuivent pour évacuer des civils bloqués dans la ville portuaire dévastée de Marioupol.
Cette frappe, la première du genre si elle était confirmée comme étant l'oeuvre de l'armée de l'air ukrainienne, intervient alors que la Russie a affirmé à plusieurs reprises avoir une maîtrise totale des airs en Ukraine et l'a encore réaffirmé vendredi.
Selon le gouverneur de la région de Belgorod, Viatcheslav Gladkov,des hélicoptères ukrainiens ont frappé un dépôt de carburant dans la ville du même nom, à une quarantaine de kilomètres de la frontière ukrainienne.
Le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba, a déclaré vendredi "ne pouvoir ni confirmer ni infirmer l'implication de l'Ukraine car (il) n'est pas en possession de toute l'information militaire".
"Pour le moment, l'Etat ukrainien mène une opération de défense pour repousser l'agression militaire russe sur le territoire ukrainien", a affirmé de son côté le porte-parole du ministère ukrainien de la Défense, Oleksandre Motouzianyk.
Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a averti que cet événement ne va pas "créer les conditions appropriées pour la poursuite des négociations".
"Nos positions sur la Crimée et le Donbass n'ont pas changé", a annoncé le négociateur russe Vladimir Medinski sur Telegram.
L'Ukraine attend toujours de son côté une "véritable réponse aux propositions qui ont été faites à Istanbul" en début de semaine, a relevé M. Kouleba. Kiev avait notamment proposé la neutralité de l'Ukraine et de renoncer à adhérer à l'Otan, à condition que sa sécurité soit garantie par d'autres pays face à la Russie.
En fonction de sa réponse, "on pourra comprendre si la Russie continue de parler la langue des ultimatums" ou si elle a adopté une approche plus constructive, a estimé M. Kouleba.
- Actes de "pillage" -
La Russie avait indiqué plus tôt cette semaine qu'elle entendait réduire son activité militaire à l'encontre de Kiev et Tcherniguiv afin de transférer sa puissance de frappe depuis le nord vers les régions séparatistes de Donetsk et de Lougansk, dans l'est.
"Nous savons qu'ils s'éloignent des régions où nous les battons pour se concentrer sur d'autres qui sont très importantes... où cela peut être difficile pour nous", a souligné le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans la nuit de jeudi à vendredi.
"Dans le Donbass et à Marioupol, dans la direction de Kharkiv, l'armée russe se renforce en prévision d'attaques puissantes", a encore déclaré le président.
Ce recentrage laisse présager un conflit "prolongé", qui pourrait durer des mois, a prévenu le Pentagone jeudi.
Selon des responsables américains, la Russie a déplacé environ 20% de ses troupes des environs de Kiev après avoir échoué à prendre la ville.
En Ukraine même, les forces armées ont affirmé vendredi avoir repris 11 localités de la région de Kherson (sud).
Les Russes "poursuivent leur retrait partiel" du nord de la région de Kiev vers la frontière bélarusse, a indiqué le ministère de la Défense, dénonçant de nombreux actes de "pillage" de la part des soldats russes.
- "Désespérément besoin d'un passage" -
Une nouvelle tentative pour évacuer des milliers de civils bloqués dans des conditions humanitaires dramatiques dans la ville de Marioupol devait avoir lieu par ailleurs vendredi sous l'égide du Comité International de la Croix-Rouge.
"Il n'est pas clair encore si cela va se faire aujourd'hui", a indiqué vendredi matin un porte-parole à Genève, Ewan Watson.
"Il y a beaucoup de parties mouvantes et tous les détails ne sont pas réglés pour être sûr que cela se passe en toute sécurité", a-t-il expliqué vendredi matin.
"La population a désespérément besoin de ce passage sécurisé", a-t-il ajouté.
Plus d'un mois après l'invasion de l'Ukraine, Marioupol, port stratégique du Sud-Est du pays, sur la mer d'Azov, reste assiégé et pilonné sans relâche. Au moins 5.000 personnes ont péri et 160.000 civils seraient toujours bloqués dans la ville, selon des sources ukrainiennes.
Le gouvernement ukrainien avait de son côté annoncé jeudi avoir envoyé des dizaines de bus vers Marioupol.
Des personnes ayant réussi à quitter la ville assiégée et des ONG y ont décrit des conditions catastrophiques, avec des civils terrés dans des caves, privés d'eau, de nourriture et de toute communication, et des cadavres jonchant les rues. La municipalité accuse en outre Moscou d'avoir évacué "contre leur gré" plus de 20.000 habitants vers la Russie.
Ioulia, arrivée vendredi en voiture dans la ville voisine de Zaporojie avec ses filles jumelles de 13 ans, a raconté à l'AFP qu'il lui a fallu deux semaines et cinq tentatives pour parvenir à fuir Marioupol. Elles disent avoir été à chaque fois stoppées par les bombardements ou renvoyées par les militaires russes.
- "Soldats exposés à Tchernobyl" -
Par ailleurs, les forces russes ont quitté la centrale nucléaire de Tchernobyl qu'elles occupaient depuis le premier jour de l'invasion de l'Ukraine, le 24 février, ont annoncé des responsables à Kiev jeudi soir.
"Elles ont pris avec elles des membres de la Garde nationale qu'elles retenaient en otages depuis le 24 février", a déclaré sur Telegram l'agence d'Etat ukrainienne Energoatom, citant des employés. Leur nombre n'est pas connu.
Selon le ministre des Affaires étrangères ukrainien Dmytro Kouleba, la Russie s'est comportée de manière "irresponsable à tous points de vue" pendant les quatre semaines où elle a tenu la zone.
Elle a notamment entravé le travail du personnel de la centrale et "creusé des tranchées dans des zones contaminées", a-t-il accusé.
"Le gouvernement russe a exposé ses compatriotes à des radiations, des menaces sur leur vie (...). Il faudra qu'il en réponde devant les mères, les soeurs et les épouses de leurs soldats", a-t-il lancé.
Les autorités ukrainiennes pour leur part vont "rétablir l'accès à Tchernobyl, travailler activement avec l'AIEA pour (...) identifier les risques et les réduire", a-t-il ajouté.
- Décret du Kremlin sur le gaz -
Réagissant aux menaces du président russe Vladimir Poutine de stopper l'approvisionnement en gaz des pays "inamicaux", s'ils n'ouvraient des comptes en roubles dans des banques russes, la France a indiqué vendredi ne pas attendre "a priori de rupture" de ses livraisons.
L'Allemagne, particulièrement dépendante du gaz russe, a déclaré de son côté avoir reçu le décret du Kremlin et être en train de l'examiner "pour en déterminer les effets concrets".
L'UE a appelé vendredi Pékin à "ne pas interférer" dans les sanctions occidentales visant la Russie, avertissant que tout soutien à Moscou "ternira gravement la réputation" de la Chine en Europe.
Après cinq semaines de guerre, plus de 4,1 millions de réfugiés ont fui l'Ukraine, auxquels s'ajoutent presque 6,5 millions de déplacés à l'intérieur du pays, selon l'ONU. Quelque 90% de ceux qui ont fui l'Ukraine sont des femmes et des enfants.
burs-ahe/pop/at
O.Hofer--NZN