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La Russie a accusé vendredi l'Ukraine d'avoir mené une frappe par hélicoptères sur son sol et agité la menace d'un durcissement des négociations, alors qu'une tentative d'évacuation de civils de Marioupol sous l'égide du CICR était encore une fois reportée.
Cette frappe, la première du genre si elle était confirmée comme étant l'oeuvre de l'armée de l'air ukrainienne, intervient alors que la Russie a affirmé à plusieurs reprises avoir une maîtrise totale des airs en Ukraine.
Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a aussitôt averti que cet événement n'allait pas "créer les conditions appropriées pour la poursuite des négociations".
Selon le gouverneur de la région de Belgorod, Viatcheslav Gladkov, des hélicoptères ukrainiens ont frappé un dépôt de carburant dans la ville du même nom, à une quarantaine de kilomètres de la frontière ukrainienne.
A Kiev, le gouvernement ukrainien a refusé de confirmer, mais n'a pas formellement démenti. Un conseiller de la présidence s'est borné à affirmer que l'armée ukrainienne se battait en territoire ukrainien, et a suggéré un sabotage.
"Peut-être que quelqu'un a fumé là où il ne devait pas… Peut-être quelque chose d'autre, peut-être des militaires russes qui sabotent l'exécution des ordres avec les moyens accessibles", a dit ce conseiller, Oleksiy Arestovytch, dans une vidéo sur Twitter.
Le chef de la diplomatie ukrainienne, Dmytro Kouleba, avait auparavant déclaré qu'il ne pouvait "ni confirmer ni démentir que l'Ukraine était impliquée".
Nonobstant ces événements, la partie russe a annoncé la reprise des pourparlers par visioconférence.
"Nos positions sur la Crimée et le Donbass n'ont pas changé", a annoncé le négociateur russe Vladimir Medinski sur Telegram.
Les belligérants ont par ailleurs procédé à un échange de prisonniers, a indiqué Kiev.
"Un échange vient d'avoir lieu, 86 militaires ukrainiens dont 15 femmes sont déjà en sécurité", a indiqué le chef adjoint de l'administration présidentielle ukrainienne Kyrylo Tymochenko, sans préciser le nombre de citoyens russes.
Mais l'Ukraine attend toujours une "véritable réponse aux propositions qui ont été faites à Istanbul" en début de semaine, a déclaré Dmytro Kouleba.
Kiev avait notamment accepté la neutralité de l'Ukraine et de renoncer à adhérer à l'Otan, à condition que sa sécurité soit garantie par un accord international avec d'autres pays face à la Russie. L'Ukraine proposait par ailleurs que la question de la Crimée et du Donbass dont Moscou veut lui faire reconnaître la perte, fasse l'objet de négociations ultérieures.
En fonction de sa réponse, "on pourra comprendre si la Russie continue de parler la langue des ultimatums" ou si elle a adopté une approche plus constructive, a estimé M. Kouleba.
Roberta Metsola, la présidente maltaise du Parlement européen, s'est rendue à Kiev et a assuré le Parlement ukrainien, réuni en session extraordinaire, du soutien des institutions européennes.
Mme Metsola, élue présidente du Parlement européen le 18 janvier dernier, est la première dirigeante d'une institution européenne à se rendre dans la capitale ukrainienne depuis le début de l'invasion russe.
"Nous vous aiderons à reconstruire vos villes (...) lorsque cette guerre illégale, non provoquée et inutile sera finie", a-t-elle assuré dans une déclaration. "Nous prendrons soin de vos familles contraintes de fuir (...) jusqu'au jour où elles pourront retourner chez elles reconstruire leurs vies", a-t-elle dit.
- Evacuation de Marioupol encore reportée -
Le CICR, qui devait y participer, a annoncé vendredi soir qu'il avait été "impossible" dans l'immédiat de procéder à une nouvelle tentative d'évacuer des milliers de civils bloqués dans des conditions humanitaires dramatiques dans la ville dévastée de Marioupol. Cette opération avait été prévue vendredi avec l'accord apparent de Moscou.
"L'équipe du CICR, qui comprend trois véhicules et neuf personnes, n'a pas atteint Marioupol et n'a pas pu faciliter le passage en toute sécurité des civils aujourd'hui", a déclaré le Comité international de la Croix-Rouge dans un communiqué, ajoutant qu'une nouvelle tentative aurait lieu samedi.
Plus d'un mois après l'invasion de l'Ukraine, Marioupol, port stratégique du sud-est du pays, sur la mer d'Azov, reste assiégé et pilonné sans relâche. Au moins 5.000 personnes ont péri et 160.000 civils seraient toujours bloqués dans la ville, selon des sources ukrainiennes.
Des personnes ayant réussi à quitter la ville assiégée et des ONG y ont décrit des conditions catastrophiques, avec des civils terrés dans des caves, privés d'eau, de nourriture et de toute communication, et des cadavres jonchant les rues. La municipalité accuse en outre Moscou d'avoir évacué "contre leur gré" plus de 20.000 habitants vers la Russie.
Ioulia, arrivée vendredi en voiture dans la ville voisine de Zaporojie avec ses filles jumelles de 13 ans, a raconté à l'AFP qu'il lui avait fallu deux semaines et cinq tentatives pour parvenir à fuir Marioupol. Elles disent avoir été à chaque fois stoppées par les bombardements ou renvoyées par les militaires russes.
Le président français Emmanuel Macron s'est une nouvelle fois entretenu avec son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky et a répété "sa détermination à œuvrer à un cessez-le-feu permettant les évacuations" à Marioupol et "permettre l'entrée dans la ville de l'aide humanitaire".
M. Macron a également reçu vendredi midi Ivan Fedorov, le maire de la ville de Melitopol, détenu plusieurs jours par l'armée russe avant d'être libéré lors d'un échange de prisonniers.
- Tchernobyl fonctionne "normalement" -
Au nord du pays, la centrale nucléaire de Tchernobyl, libérée jeudi après avoir été occupée quatre semaines durant par les forces russes, n'a pas subi de dommages mais des soldats se sont exposés aux radiations notamment en creusant des tranchées en zone contaminée, ont indiqué les autorités ukrainiennes vendredi.
"Tout l’équipement de la centrale de Tchernobyl fonctionne. Tous les systèmes de contrôle et de monitoring des radiations fonctionnent dans leur régime habituel", a déclaré le directeur de la centrale Valery Seïda.
Mais des soldats russes semblent y avoir creusé des tranchées dans la "forêt rousse", la zone la plus contaminée. "Il est donc tout à fait possible qu’ils aient subi des contaminations aux radiations considérables", selon l'agence ukrainienne de l'énergie atomique Energoatom.
"La Russie a fait preuve d'irresponsabilité sur tous les plans" en entravant le travail du personnel de la centrale et creusant "des tranchées dans des zones contaminées", a estimé de son côté Dmytro Kouleba.
"Le gouvernement russe (...) devra répondre aux mères, aux soeurs et aux femmes de ses soldats, leur expliquer pourquoi il les a forcés à s'exposer à ces risques", a-t-il lancé.
Interrogé sur le sujet, le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) Rafael Grossi a dit "ne pas être en mesure de confirmer" ces informations.
"Le niveau de radiations autour de la centrale est actuellement normal", a-t-il dit devant la presse à Vienne.
- La Chine appelée à "ne pas interférer" -
Réagissant aux menaces du président russe Vladimir Poutine de stopper l'approvisionnement en gaz des pays "inamicaux", s'ils n'ouvraient des comptes en roubles dans des banques russes, la France a indiqué vendredi ne pas attendre "a priori de rupture" de ses livraisons.
L'Allemagne, particulièrement dépendante du gaz russe, a déclaré de son côté avoir reçu le décret du Kremlin et être en train de l'examiner "pour en déterminer les effets concrets".
L'UE a appelé vendredi Pékin à "ne pas interférer" dans les sanctions occidentales visant la Russie, avertissant que tout soutien à Moscou "ternira gravement la réputation" de la Chine en Europe.
Après cinq semaines de guerre, plus de 4,1 millions de réfugiés ont fui l'Ukraine, auxquels s'ajoutent presque 6,5 millions de déplacés à l'intérieur du pays, selon l'ONU. Quelque 90% de ceux qui ont fui l'Ukraine sont des femmes et des enfants. Au moins 53 sites culturels ont été endommagés, selon l'Unesco.
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A.Weber--NZN