AEX
11.6500
Plus de 3.000 personnes ont fui la région de Marioupol, en bus et voitures privées, ont annoncé les autorités ukrainiennes, alors que la Croix-Rouge, après un premier échec, prépare une nouvelle tentative d'évacuation samedi de la ville portuaire assiégée et dévastée.
Au 37e jour de l'invasion de l'Ukraine décidée par Moscou qui a fait des milliers de morts parmi civils et militaires, les forces russes desserrent leur étau sur Kiev et Tcherniguiv et se regroupent pour se concentrer sur l'Est du pays, où elles feront face à une armée ukrainienne aguerrie, ce qui laisse présager un conflit "prolongé", qui pourrait durer des mois, a prévenu le Pentagone.
Dans le sud-est, Marioupol reste disputée par les deux camps, et la situation humanitaire y est catastrophique. Après des semaines de bombardements de cette ville stratégique sur la mer d'Azov, les autorités locales ont fait état d'au moins 5.000 habitants tués.
Selon les dernières estimations, quelque 160.000 personnes sont toujours coincées dans la ville, dont la prise permettrait d'assurer aux Russes une continuité territoriale, depuis la Crimée jusqu'aux deux républiques séparatistes prorusses du Donbass. Les évacuations de civils, impossibles pendant des semaines, se font désormais, progressivement.
"1.431 personnes ont voyagé de Berdiansk et Melitopol par leurs propres moyens vers Zaporojie. 771 d'entre elles venaient de Marioupol", et "42 bus de la ville de Berdiansk avec des habitants de Marioupol et 12 de Melitopol avec des résidents locaux" étaient en route en soirée vers Zaporojie, pour un total de "plus de 2.500 personnes", a précisé la vice-Première ministre ukrainienne Iryna Verechtchouk, soulignant que d'autres évacuations étaient "attendues et planifiées" dans la journée de samedi.
- "Notre ville n'existe plus" -
Vendredi soir, l'AFP a observé une trentaine de bus d'évacuation entrer dans la ville de Zaporojie, certains d'entre eux transportant des personnes qui avaient fui Marioupol par leurs propres moyens, puis avaient été emmenées en bus vers le territoire contrôlé par l'Ukraine.
En arrivant dans la banlieue de Zaporojie, certains évacués pleuraient de soulagement d'être de retour en territoire ukrainien.
Plusieurs personnes évacuées de Marioupol ont déclaré à l'AFP qu'elles avaient dû marcher 15 kilomètres ou plus pour quitter la ville, avant de trouver des véhicules privés pour poursuivre leur voyage. Leur voyage s'est terminé par un trajet en bus de 12 heures qui a serpenté à travers une série de points de contrôle avant d'arriver à Zaporojie, un voyage qui n'aurait pris que trois heures avant la guerre.
"Nous étions en train de pleurer lorsque nous avons atteint cette zone. Nous avons pleuré lorsque nous avons vu des soldats au poste de contrôle avec des écussons ukrainiens sur leurs bras", a confié Olena, sa petite fille dans les bras. "Ma maison a été détruite. Je l'ai vu sur des photos. Notre ville n'existe plus".
"J'en pleure, je viens juste de voir ma petite-fille", a dit Olga, une Ukrainienne qui attendait au centre organisé à Zaporojie pour les familles de déplacés.
"La famille de sa mère est toujours à Marioupol et nous ne savons pas s'ils sont en vie", a-t-elle ajouté. "Il n'y a pas de mots pour dire combien je suis heureuse de la voir en sécurité".
Ces habitants de Marioupol avaient réussi à rejoindre la ville de Berdiansk, occupée par les forces russes, où elles avaient été prises en charge par le convoi, selon les témoignages d'arrivants à l'AFP et des responsables officiels.
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui devait prendre part à l'évacuation, avait annoncé vendredi que son équipe envoyée à Marioupol avait dû rebrousser chemin, l'évacuation prévue de milliers de civils de cette ville portuaire assiégée par les forces russes étant "impossible" ce jour.
- Tranchées à Tchernobyl -
"L'équipe du CICR, qui comprend trois véhicules et neuf personnes, n'a pas atteint Marioupol et n'a pas pu faciliter le passage en toute sécurité des civils aujourd'hui", avait alors déclaré l'organisme dans un communiqué.
"Ils essayeront à nouveau samedi de faciliter le passage en toute sécurité de civils de Marioupol", a ajouté la Croix-Rouge.
Cette dernière a souligné que "pour que l'opération réussisse, il est essentiel que les parties respectent les accords et fournissent les conditions nécessaires et les garanties de sécurité".
Des conditions fragilisées par la poursuite des combats. La Russie a accusé vendredi l'Ukraine d'avoir mené une frappe par hélicoptères sur son sol et agité la menace d'un durcissement des négociations.
L'attaque aérienne a touché les installations de stockage de carburant du géant de l'énergie Rosneft à Belgorod, ville russe à environ 40 kilomètres de la frontière avec l'Ukraine.
Kiev n'a pas voulu dire si elle était derrière l'attaque, le président Zelensky déclarant à la chaîne américaine Fox News: "Je suis désolé, je ne discute pas de mes ordres en tant que commandant en chef".
Le ministère britannique de la Défense a tweeté vendredi soir que la destruction de réservoirs de pétrole à Belgorod ainsi que les explosions dans un dépôt de munitions près de la ville ajouteraient "probablement une pression supplémentaire à court terme sur les chaînes logistiques russes déjà très sollicitées".
L'Ukraine a également averti que les soldats russes ayant quitté la centrale nucléaire de Tchernobyl - site du pire accident nucléaire au monde, en 1986 - après des semaines d'occupation ont pu être exposés à des radiations.
"La Russie s'est comportée de manière irresponsable à Tchernobyl" en creusant des tranchées dans les zones contaminées et en empêchant le personnel de la centrale de remplir ses fonctions, a déclaré le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba.
- Nouvelle aide américaine -
Selon Volodymyr Zelensky, la Russie consolide et prépare des "frappes puissantes" dans l'est et le sud de l'Ukraine, contrairement aux déclarations affirmant une baisse des affrontements.
"Donnez-nous des missiles. Donnez-nous des avions", a plaidé le président ukrainien sur Fox News. "Vous ne pouvez pas nous donner des F-18 ou des F-19 ou tout ce que vous avez ? Donnez-nous les vieux avions soviétiques. C'est tout... Donnez-moi quelque chose pour défendre mon pays avec".
La demande a été entendue par les Etats-Unis, qui ont annoncé jusqu'à 300 millions de dollars supplémentaires d'aide militaire à l'Ukraine, comprenant des systèmes de missiles guidés par laser, des drones "kamikazes" Switchblade, ainsi que des drones légers de type Puma.
"Les Etats-Unis ont désormais engagé plus de 2,3 milliards de dollars d'aide militaire à l'Ukraine depuis la prise de fonction de l'administration Biden, dont plus de 1,6 milliard d'aide militaire depuis l'invasion non-provoquée et préméditée de la part de la Russie", a précisé le porte-parole du Pentagone, John Kirby.
Les pourparlers de paix entre les responsables ukrainiens et russes ont repris vendredi par vidéo, mais le Kremlin a prévenu que l'attaque à Belgorod entraverait les négociations.
"Ce n'est pas quelque chose qui peut être perçu comme créant des conditions confortables pour la poursuite des négociations", a averti le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Dimanche, le secrétaire général adjoint de l'ONU pour les Affaires humanitaires, le Britannique Martin Griffiths, sera à Moscou afin d'essayer d'obtenir un "cessez-le-feu humanitaire" en Ukraine, a annoncé vendredi le chef des Nations unies, Antonio Guterres.
O.Meier--NZN