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L'Ukraine a accusé dimanche l'armée russe d'avoir commis un "massacre délibéré" à Boutcha, une ville au nord-ouest de Kiev, ainsi que d'autres "horreurs" dans les régions désormais "libérées de l'envahisseur", qui ont déclenché l'indignation en Europe et des appels à sanctions supplémentaires contre Moscou.
Le président du conseil européen, Berlin et Londres ont été les premiers à dénoncer les "atrocités" et même les "crimes de guerre" commis notamment à Boutcha, où l'AFP avait vu des cadavres dans une rue samedi et où près de 300 personnes ont été enterrées dans des fosses communes, selon les autorités ukrainiennes.
"Nous avons trouvé des fosses communes. Nous avons trouvé des gens avec les mains et les jambes ligotées (...) et avec des coups de feu, des impacts de balles, à l'arrière de la tête", a décrit pour la BBC le porte-parole du président ukrainien, Serguiï Nikiforovil, affirmant qu'il s'agissait "clairement de civils".
"Le massacre de Boutcha était délibéré. Les Russes veulent éliminer autant d'Ukrainiens qu'ils le peuvent. Nous devons les arrêter et les mettre dehors. J'exige de nouvelles sanctions dévastatrices du G7 MAINTENANT", a écrit sur Twitter le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba, qui a réclamé un embargo total sur l'énergie, la fermeture des ports à tout bateau ou marchandise russe et la déconnection de toutes les banques russes de la plateforme financière internationale.
Son homologue britannique Liz Truss s'est dite "horrifiée par les atrocités à Boutcha et d'autres villes" et a réclamé une "enquête pour crimes de guerre".
Le président du Conseil européen, Charles Michel, s'est également dit "choqué par les images obsédantes des atrocités commises par l'armée russe dans la région libérée de Kiev", sur Twitter. "L'UE aide l'Ukraine et des ONG à rassembler les preuves nécessaires pour des poursuites devant les cours internationales", a-t-il dit, en ajoutant : "Plus de sanctions et d'aide de l'UE sont en chemin".
"Ce terrible crime de guerre ne peut pas rester sans réponse", a abondé le vice-chancelier et ministre allemand de l'Economie, Robert Habeckau . "Je pense qu'un renforcement des sanctions est indiqué. C'est ce que nous préparons avec nos partenaires de l'UE".
- 'Anti-humanité' -
Le conseiller présidentiel ukrainien, Mykhaïlo Podoliak, a néanmoins accusé l'Occident d'essayer de "ne pas provoquer les Russes" pour éviter la Troisième Guerre mondiale, comparant le massacre de Boutcha à Srebrenica, où des milliers de Bosniaques ont été été tués pendant la guerre en 1995 par des unités de l' armée de la république serbe de Bosnie.
Le monde est témoin d'"une horreur totale et indescriptible de l'anti-humanité à Boutcha, Irpin, Gostomel", a-t-il écrit sur la messagerie Telegram, évoquant "des milliers" de victimes, "tuées", parfois avec "atrocité", "violées".
"Les +dirigeants de l'Europe+ d'hier et d'aujourd'hui très cool et omniscients, les centaines de politiciens européens actuels, mangeant bien et dormant paisiblement dans leur lit maintenant, ne voulez-vous pas regarder de près ces archives de photos de l'enfer-XXI, organisées par des Russes en la région de Kiev? Vous vouliez la Srebrenica du 21ème siècle ? ... Satisfaits ? ... Allez-vous essayer de vous détourner à nouveau ? Organiser un autre sommet pour s'inquiéter et secouer la tête ?", a-t-il écrit.
Boutcha et la ville voisine d'Irpin, rendues méconnaissables par les bombardements, ont été le théâtre de certains des combats les plus féroces depuis que la Russie a attaqué l'Ukraine le 24 février, quand les soldats russes tentaient alors d'encercler Kiev.
Les Russes se sont retirés d'Irpin, Boutcha, Gostomel et de toute la région de Kiev ainsi que de Tcherniguiv, dans le nord du pays, pour se redéployer vers l'est et le sud et "garder le contrôle" des territoires qu'elles y occupent. Mais ils laissent derrière eux "un désastre total et de nombreux dangers", selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui les accuse de "miner les territoires qu'ils quittent, des maisons, des munitions et même des cadavres".
Dans un communiqué dimanche, l'organisation de défense des droits humains Human Rights Watch a également dénoncé des exactions de militaires russes contre des civils assimilables à des "crimes de guerre" dans les régions de Tchernihiv, Kharkiv et Kiev, disant avoir documenté plusieurs cas de "violations des lois de la guerre" (viol, exécutions sommaires, violences, menaces, pillages)
- Discussions à Moscou -
Alors que la guerre a fait, a minima, des milliers de morts et a contraint à l'exil près de 4,2 millions d'Ukrainiens, à 90% des femmes et des enfants, le secrétaire général adjoint de l'ONU pour les Affaires humanitaires, le Britannique Martin Griffiths, sera à Moscou dimanche, avant de se rendre à Kiev, mandaté pour rechercher un cessez-le-feu humanitaire en Ukraine.
Jusqu'à présent, la Russie refusait toute visite d'un haut responsable de l'ONU ayant l'Ukraine pour sujet principal.
Son négociateur en chef dans les pourparlers de paix avec l'Ukraine, Vladimir Medinski, a fait l'éloge dimanche d'une position "plus réaliste" de Kiev prêt, sous conditions, à accepter un statut neutre et dénucléarisé du pays, réclamé par Moscou.
Mais il a dit ne pas "partager l'optimisme" du négociateur ukrainien David Arakhamia. Ce dernier avait laissé entendre samedi que les discussions visant à mettre fin aux hostilités avaient considérablement avancé. "Les +experts+ diplomatiques et militaires ukrainiens tardent à confirmer même les accords déjà obtenus au niveau politique" a affirmé M. Medinski.
Toujours sur le front diplomatique, le ministre grec des Affaires étrangères, Nikos Dendias, est arrivé dimanche à Odessa, dans le sud-ouest de l'Ukraine, a annoncé son ministère dimanche peu après que ce grand port ukrainien sur la Mer Noire eut été attaqué.
Dimanche au petit matin, une demi-douzaine d'explosions ont secoué les murs de la ville historique, jusqu'à présent épargnée par les combats, selon des journalistes de l'AFP et des habitants. Puis un nuage de fumée noire a bouché une partie de l'horizon.
Ces frappes n'ont pas fait de victimes selon le commandement régional de l'armée ukrainienne. Le ministère russe de la Défense a affirmé quant à lui que des tirs de "missiles de haute précision à partir de la mer et de la terre" avaient détruit "une raffinerie et trois dépôts de carburant et de lubrifiants" près de cette ville.
- Villes assiégées -
Dans le sud-est du pays, les efforts des troupes russes pour consolider leurs positions se sont heurtés jusqu'ici à la résistance des Ukrainiens à Marioupol, où quelque 160.000 personnes seraient toujours bloquées et dont au moins 5.000 habitants ont été tués, selon les autorités locales. Parmi ces victimes figure le réalisateur lituanien Mantas Kvedaravicius, 45 ans, tué en tentant de quitter cette ville portuaire assiégée par les Russes, a annoncé dimanche l'armée ukrainienne.
Pour Moscou, contrôler Marioupol permettrait d'assurer une continuité territoriale de la Crimée jusqu'aux deux républiques séparatistes prorusses du Donbass, Donetsk et Lougansk.
Impossibles pendant des semaines, des évacuations ont commencé à petite échelle. Samedi, quelque "1.263 personnes" ont voyagé de Marioupol et Berdiansk à Zaporojie par leurs propres moyens, et une dizaine de bus en convoi sont partis de Berdiansk, avec à leur bord 300 habitants de Marioupol, a annoncé en soirée la vice-Première ministre Iryna Verechtchouk sur Telegram. D'autres évacuations ont eu lieu dans l'est du pays.
Les forces russes continuent par ailleurs "de bloquer partiellement la ville de Kharkiv", la deuxième ville d'Ukraine, située dans l'est.
La Russie prévoit également "de créer des bataillons formés de résidents +volontaires+ des territoires temporairement occupés de l'Ukraine et de mercenaires", relève la même source.
A.Ferraro--NZN