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Les Européens, révoltés par les images de dizaines de cadavres retrouvés dans les environs de Kiev, discutent lundi d'un alourdissement des sanctions contre Moscou, accusé de "génocide" en Ukraine mais qui nie en bloc et dénonce une provocation.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a fustigé les "meurtriers, tortionnaires, violeurs, pilleurs" russes, après le retrait russe de Boutcha, dans la banlieue nord-ouest de Kiev, et la découverte sur place de ces de corps de civils dans des fosses communes ou dans les rues.
La diffusion de ces images a révulsé les Occidentaux et l'UE discutait lundi matin en "urgence" de nouvelles sanctions contre Moscou, réclamées notamment par la France et l'Allemagne, a indiqué le haut représentant de l'UE Josep Borrell.
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres s'est dit dimanche "profondément choqué par les images de civils tués à Boutcha", et le bureau des droits de l'Homme des Nations unis a évoqué de "possibles crimes de guerre".
Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez a parlé lundi d'un possible "génocide" et réclamé la comparution des coupables "devant la Cour pénale internationale".
Dans la foulée, le Premier ministre de la Pologne, voisine occidentale de l'Ukraine, a repris le terme de "génocide" et appelé à créer une commission d'enquête internationale sur ce sujet.
"Il y a des indices très clairs de crimes de guerre" à Boutcha et il est "à peu près établi que c'est l'armée russe" qui y était présente, a souligné le président français Emmanuel Macron.
Le nombre total de morts reste encore incertain. Selon la procureure générale d'Ukraine Iryna Venediktova, les corps sans vie de 410 civils ont été retrouvés dans les territoires de la région de Kiev récemment repris aux troupes russes, qui s'en sont retirées pour se redéployer vers l'est et le sud.
M. Fedorouk avait par ailleurs affirmé samedi que "280 personnes" avaient été enterrées "dans des fosses communes" car elles ne pouvaient être inhumées dans les cimetières communaux, tous à portée des tirs russes pendant les combats.
- "Quelque chose de terrible" -
Moscou a démenti toute exaction de son fait et annoncé lundi qu'elle allait enquêter sur une "provocation" visant à "discréditer" les forces russes en Ukraine.
La Russie a même demandé une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU pour statuer sur les "provocations haineuses" commises selon elle par "des radicaux ukrainiens" à Boutcha.
Le secrétaire général adjoint de l'ONU pour les Affaires humanitaires, le Britannique Martin Griffiths, est arrivé dimanche soir à Moscou, et devait se rendre à Kiev, mandaté pour rechercher un cessez-le-feu humanitaire en Ukraine. Jusqu'à présent, la Russie refusait toute visite d'un haut responsable de l'ONU ayant l'Ukraine pour sujet principal.
"Le mal absolu est venu sur notre terre", a dénoncé dimanche soir le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui a aussi parlé de "génocide". Il est ensuite apparu à la cérémonie des Grammy Awards via une vidéo enregistrée, où il a demandé le soutien à son pays.
A la gare de Kramatorsk, dans l'est du pays encore sous contrôle de Kiev, ils étaient des centaines ce week-end à attendre leur train pour fuir dans l'ouest, par crainte d'être encerclés par les Russes qui ont annoncé vouloir concentrer leurs efforts pour "libérer" cette région.
"Beaucoup de gens sont déjà partis, les hommes restent, nos familles s'en vont", y grimaçait Andreï, dont l'épouse et les deux enfants attendent sagement, bagages aux pieds. Comme bien d'autres, il est angoissé, car "les bombardements peuvent commencer à tout moment".
Un peu plus loin, Svetlana, venue accompagner une amie, s'angoissait: "Les rumeurs disent que quelque chose de terrible va venir ici..."
Dans le sud du pays, huit personnes ont été tuées et 34 blessées dans des bombardements russes dimanche sur les villes d'Otchakiv et de Mykolaïv, a indiqué lundi le Parquet ukrainien.
Les Occidentaux veulent désormais adopter de nouvelles mesures contre Moscou, après avoir déjà acté plusieurs trains de sanctions depuis le 24 février et le début de l'invasion russe, ciblant massivement des entreprises, des banques, des hauts responsables, des oligarques, et interdisant l'exportation de biens vers la Russie.
Quelles sanctions ? Le chef de la diplomatie ukrainienne, Dmytro Kouleba, a cadré ses attentes dans un tweet: "J'exige de nouvelles sanctions dévastatrices du G7 MAINTENANT: embargo sur le pétrole, le gaz et le charbon, fermer tous les ports aux navires et marchandises russes, déconnecter toutes les banques russes de SWIFT".
- Gaz et pourparlers -
La pression porte ainsi notamment sur les hydrocarbures, importante ressource financière pour la Russie. Dès samedi, les Etats baltes avaient annoncé la cessation de leur importation de gaz russe, et le président lituanien Gitanas Nauseda, avait appelé le reste de l'UE à les suivre.
Les pays baltes sont désormais desservis par des réserves de gaz stockées sous terre en Lettonie.
Les Etats-Unis ont interdit l'importation de pétrole et de gaz russes peu après l'invasion de l'Ukraine, mais pas l'UE qui s'approvisionnait en Russie à hauteur de 40% environ en 2021.
Du côté de Moscou, on anticipe déjà un éventuel alourdissement des sanctions. "Tôt ou tard, nous devrons établir un dialogue, que quelqu'un outre-Atlantique le souhaite ou non", a toutefois souligné le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Quel sera l'impact de Boutcha cette semaine sur les pourparlers russo-ukrainiens, déjà difficiles? Les déclarations dominicales côté russe dégageaient une lueur: le négociateur en chef russe, Vladimir Medinski, a salué une position "plus réaliste" selon lui de Kiev, prêt sous conditions à accepter un statut neutre du pays, réclamé par Moscou, et Dmitri Peskov a dit à propos d'un sommet Poutine-Zelensky que, "hypothétiquement, une telle rencontre est possible".
Le porte-parole du Kremlin a aussi souligné que les deux délégations devaient d'abord élaborer un accord "concret" censé normaliser les relations entre les deux pays, "non pas un nombre d'idées, mais un document écrit concret".
Le négociateur en chef ukrainien, David Arakhamia, avait affirmé samedi que Moscou avait accepté "oralement" toutes les positions ukrainiennes, "sauf en ce qui concerne la question de la Crimée".
La guerre, intense, a fait, a minima, des milliers de morts et contraint à l'exil près de 4,2 millions d'Ukrainiens, à 90% des femmes et des enfants. Plus de 500.000 personnes sont retournées en Ukraine depuis le début de l'invasion russe, a annoncé dimanche le ministère ukrainien de l'Intérieur.
T.Gerber--NZN