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Le président du Yémen exilé à Ryad a remis jeudi ses pouvoirs à un nouveau conseil pour diriger son pays ravagé par la guerre, ce qui constitue un bouleversement majeur au sein de la coalition qui lutte contre les rebelles Houthis.
Le pays le plus pauvre de la péninsule arabique, voisin de la puissante monarchie saoudienne, est dévasté par le conflit entre les forces loyales au président Abd Rabbo Mansour Hadi et les Houthis qui ont pris en 2014 la capitale Sanaa (nord) et sont soutenus par l'Iran.
Rival de Téhéran, Ryad intervient depuis 2015 à la tête de la coalition anti-Houthis, sans réussir à empêcher la progression de ces derniers dans le Nord du Yémen.
"Je délègue de manière irréversible mes pleins pouvoirs à ce conseil présidentiel", a déclaré le président yéménite, Hadi dans une déclaration télévisée.
Cette annonce est intervenue au dernier jour des pourparlers sur le Yémen organisés par le Conseil de coopération du Golfe (CCG) à Ryad, siège de cette organisation régionale, sans la présence des rebelles qui ont refusé tout dialogue en territoire "ennemi".
Au Yémen, un cessez-le-feu fragile est toutefois appliqué depuis samedi. Cette trêve arrachée par l'ONU est entrée en vigueur au début du ramadan, le mois du jeûne musulman, une lueur d'espoir pour les Yéménites.
La guerre a causé l'une des tragédies humanitaires les plus graves au monde, faisant des centaines de milliers de morts, des millions de déplacés, et poussant une grande partie de la population au bord de la famine.
Le nouveau conseil présidentiel sera composé de huit membres et sera dirigé par Rashad al-Alimi, un ancien ministre de l'Intérieur et conseiller de M. Hadi. Le président yéménite, réfugié en Arabie saoudite depuis 2015, a également annoncé avoir limogé le vice-président Ali Mohsen al-Ahmar.
Dans un communiqué, les six pays du Golfe membres du CCG ont "salué" l'annonce de M. Hadi, dont il n'est pas clair s'il conservera un poste honorifique de président ou s'il se retirera de la vie politique.
- "Faible, incompétent, illégitime" -
Dans son discours jeudi, M. Hadi a annoncé que le nouveau conseil avait pour fonction de "négocier avec les Houthis pour un cessez-le-feu permanent".
"Le statu quo ne menait nulle part. Un changement important devait arriver pour mettre les parties en conflit sur la voie d'un processus politique", a estimé Elisabeth Kendall, chercheuse à l'Université d'Oxford. Selon elle, "ce transfert des pouvoirs présidentiels pourrait être ce changement".
"On pense souvent à tort qu'être anti-Houthis signifie être pro-gouvernement. Sous M. Hadi, ce n'était pas le cas. Le gouvernement Hadi était faible, incompétent et dépourvu de légitimité", a déclaré Mme Kendall à l'AFP.
Arrivé au pouvoir en 2012 avec avec 99,8% des voix dans une élection où il était le seul candidat, M. Hadi n'avait jamais réussi à s'imposer au Yémen, ayant fui le Nord après l'offensive des Houthis et étant contesté au Sud par ses alliés, les séparatistes qui l'accusent de corruption et de connivence avec les Frères musulmans.
En 2018, les séparatistes du Sud se retournent même contre les forces gouvernementales à Aden, devenue "capitale provisoire". Acteurs clé de la coalition anti-Houthis, les Emirats arabes unis, particulièrement proches des séparatistes, aident l'Arabie saoudite à calmer la situation. Mais pour nombre d'observateurs, Abou Dhabi ne pardonne pas à M. Hadi ses liens avec les Frères musulmans.
A Ryad, le dirigeant de facto du royaume saoudien, le prince héritier Mohammed ben Salmane, a rencontré les membres du nouveau conseil présidentiel yéménite, émettant l'espoir que ce changement ouvre une "nouvelle page" au Yémen, a indiqué l'agence de presse officielle saoudienne SPA.
La guerre a dévasté le Yémen. Elle a causé la mort de près de 380.000 personnes, selon l'ONU, la majorité des décès étant due aux conséquences indirectes des combats comme la faim, les maladies et le manque d'eau potable. Quelque 80% des près de 30 millions d'habitants du Yémen dépendent de l'aide humanitaire.
E.Schneyder--NZN