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Au moins 50 personnes, dont cinq enfants, ont été tuées dans une frappe de missile vendredi sur la gare de Kramatorsk, où des centaines de civils se pressaient pour fuir l'est de l'Ukraine cible des forces russes, un acte "inhumain" dénoncé par le président Volodymyr Zelensky, mais pour lequel Moscou nie toute responsabilité.
Cette attaque sanglante sur la "capitale" de la partie du Donbass sous contrôle ukrainien renforce l'indignation internationale qui a suivi les images de massacres dans des localités dont s'est retirée l'armée russe autour de Kiev.
De hauts responsables européens sont d'ailleurs arrivés dans la capitale pour manifester leur soutien à l'Ukraine, visitant Boutcha, une ville symbole des atrocités dont est accusée la Russie.
"Cinquante morts, dont cinq enfants", a écrit sur la messagerie Telegram le gouverneur régional Pavlo Kyrylenko, précisant que 38 personnes étaient mortes sur place et 12 à l'hôpital, sur 98 personnes hospitalisées au total.
Le missile s'est abattu vers 10H30 (07H30 GMT), à l'heure où les candidats à l'évacuation se regroupent depuis des jours par centaines dans la gare de Kramatorsk pour fuir le Donbass, désormais objectif prioritaire de l'armée russe.
Des journalistes de l'AFP ont vu au moins trente corps dans des sacs mortuaires ou sous des bâches devant la gare.
Une autre, elle aussi traumatisée, cherchait son passeport dans les affaires abandonnées. "J'étais dans la gare, j'ai entendu comme une double explosion, je me suis précipitée contre le mur pour me protéger. J'ai alors vu des gens en sang entrer dans la gare, des corps partout par terre, je ne sais pas s'ils étaient blessés ou morts. Les militaires se sont précipités pour nous dire d'évacuer la gare, j'ai tout laissé ici".
Valises abandonnées, peluches et nourriture jonchaient les quais et les alentours de la gare au fronton rouge et blanc, à partir de laquelle des milliers de personnes ont été évacuées ces derniers jours.
Les trottoirs étaient maculés de traces de sang et sur le parvis devant la gare, les restes d'un missile étaient toujours visibles. On pouvait y lire en russe "Pour nos enfants".
Le président Zelensky a dénoncé un "mal sans limite" déchaîné par la Russie et des méthodes "inhumaines".
"Sans la force et le courage de nous affronter sur le champ de bataille, ils annihilent cyniquement la population civile. C'est un mal qui n'a pas de limite. Et s'il n'est pas puni, il ne s'arrêtera jamais", a-t-il écrit sur Telegram.
La frappe a été qualifiée d'"attaque méprisable" par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, arrivée en Ukraine pour une visite de soutien, accompagnée du chef de la diplomatie de l'UE Josep Borrell.
Tous deux sont allés en fin d'après-midi à Boutcha, une petite ville au nord-ouest de Kiev bombardée puis occupée par des soldats russes et où des dizaines de cadavres portant des vêtements de civils, certains les mains liées dans le dos, ont été découverts début avril, suscitant une vague d'indignation.
Le président français Emmanuel Macron a de son côté fustigé une action "abominable", le chancelier allemand Olaf Scholz parlant d'une attaque "épouvantable".
Moscou a immédiatement démenti en être responsable, affirmant ne pas disposer du type de missile qui aurait été utilisé et dénonçant une "provocation" ukrainienne.
Le ministère russe de la Défense a ensuite accusé "le régime de Kiev" d'avoir "orchestré" la frappe pour "empêcher le départ de la population de la ville afin de pouvoir l'utiliser comme bouclier humain".
- Evacuations -
Moscou dénonce régulièrement des "provocations" ukrainiennes pour se défendre des accusations d'exactions et de crimes de guerre, comme récemment concernant Boutcha.
Le ministère russe de la Défense avait annoncé plus tôt vendredi que l'armée russe avait détruit avec des missiles de haute précision "des armements et d'autres équipements militaires dans les gares de Pokrovsk, Sloviansk et Barvinkove", des localités toutes situées non loin de Kramatorsk.
Après avoir retiré ses troupes de la région de Kiev et du nord de l'Ukraine, la Russie a fait de la conquête du Donbass, dont une partie est contrôlée depuis 2014 par des séparatistes prorusses, sa priorité. Elle multiplie les attaques dans le sud et l'est, les autorités ukrainiennes s'efforçant, quant à elles, d'évacuer les civils.
Les évacuations en train, qui avaient été interrompues en raison de la destruction d'une partie de la voie ferrée, avaient repris dans la nuit de jeudi à vendredi, selon le gouverneur de la région de Lougansk, Serguiï Gaïdaï, qui encourageait depuis plusieurs jours ses habitants à partir pour ne pas "se condamner à la mort".
A la suite des révélations sur les exactions en Ukraine, la Russie a été suspendue jeudi par un vote du Conseil des droits de l'homme de l'ONU et a été la cible de nouvelles sanctions économiques occidentales.
Le président américain Joe Biden, qui avait fait adopter la veille un nouveau train de mesures économiques "dévastatrices", a qualifié d'"insulte à l'humanité" les "indications de viols, de tortures, d'exécutions", assurant que "les mensonges de la Russie ne tiennent pas face aux preuves incontestables de ce qui se passe en Ukraine".
Les pays du G7 ont emboîté le pas aux Etats-Unis, avec notamment une interdiction de tout nouvel investissement dans des secteurs clefs sur le territoire russe.
- Cercle du Kremlin -
Vendredi, le Royaume-Uni a décidé de sanctionner les deux filles du président Vladimir Poutine et celle du chef de la diplomatie Sergueï Lavrov, disant vouloir s'en prendre au "train de vie fastueux du cercle rapproché du Kremlin".
Son Premier ministre Boris Johnson a pour sa part annoncé l'envoi de missiles antichars et antiaériens supplémentaires à l'Ukraine
Et l'Union européenne a elle aussi adopté jeudi soir un nouveau train de mesures punitives, avec notamment un prochain arrêt des importations de charbon russe. C'est la toute première fois que les Européens frappent le secteur énergétique russe, dont ils sont très dépendants.
Le Japon a fait de même.
Bruxelles prévoit aussi de nouvelles sanctions contre des banques russes ainsi que la fermeture des ports européens aux navires russes. Parallèlement, l'UE est prête à débloquer 500 millions d'euros de plus pour financer des armes pour l'Ukraine.
Kiev réclame la fourniture "immédiate" d'armes, avant qu'il ne soit trop tard pour faire face à une nouvelle offensive russe dans l'Est.
Jeudi, l'Otan a promis, par la voix de son secrétaire général Jens Stoltenberg, un "soutien significatif".
La Slovaquie, membre de l'Alliance, a dès vendredi annoncé avoir "fait don" à l'Ukraine de systèmes de défense antiaérienne S-300, de conception soviétique.
De nombreux observateurs estiment que Vladimir Poutine veut à tout prix une prise du Donbass avant le défilé militaire du 9 mai marquant la fin de la deuxième Guerre mondiale, célébration la plus importante en Russie.
Les répercussions indirectes du conflit se font par ailleurs toujours sentir dans le monde.
L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture a ainsi souligné vendredi que les prix mondiaux des denrées alimentaires avaient atteint en mars leurs "plus hauts niveaux jamais enregistrés", la guerre en Ukraine bouleversant les marchés des céréales et des huiles végétales.
Une annonce qui fait craindre une crise alimentaire mondiale et de possibles troubles socio-politiques qui pourraient en découler dans certains pays.
burx-so/bds/at
L.Rossi--NZN